Runes

[ Nytt om runer, cover ]

Page couverture de « Nytt om runer », (publication 2003), Unknown,

La vaste majorité de nos connaissances sur les Vikings et sur leurs expéditions au Vinland provient de données écrites. Les Vikings avaient un système de lettres nommé « runes » et « écriture runique ». Pour préserver l’information, les runes étaient sculptées dans le métal, les os ou les pierres, appelées des pierres runiques. Il arrive parfois que des personnes affirment avoir trouvé des pierres runiques en Amérique du Nord. Pour déterminer si ces pierres prouvent l’existence du Vinland ou si ce sont des canulars, nous devons pouvoir reconnaître une vraie pierre runique de l’époque.

En Amérique, la pierre runique la plus connue a été découverte en 1898 à Kensington, au Minnesota. Comparez ces runes aux groupes de runes de la présente section. Pouvez-vous découvrir à quelle époque cette pierre runique a été sculptée?

Période vers 150-800 de notre ère

Le premier système d’écriture runique se nomme le vieux futhark. Il comprend 24 runes divisées en trois groupes de huit. Les inscriptions en vieux futhark sont rédigées soit en vieil allemand ou en proto-norrois. Ce système était connu des Allemands, des Hollandais, des Anglais et des Goths qui parlaient tous des langues de la famille germanique.

La plupart des inscriptions connues proviennent du Danemark. Elles incluent quelques 200 pierres funéraires, quelques-unes sculptées sur des os et environ 900 courtes inscriptions sur des bractéates, une sorte de médaillon. La plupart des inscriptions de cette époque sont courtes, généralement un nom ou le nom de l’objet sur lequel elle est écrite. Un mot populaire est ALU, ou bière, peut-être parce qu’on croyait que trop boire et se saouler créait une ouverture avec le monde des esprits. Un peu après l’an 500, le vieux futhark subit de légers changements et est réduit à 21 lettres; au même moment, la langue parlée connaît, elle aussi, certains changements. La période entre 600 et 750 a vu l’émergence d’une nouvelle langue, le vieux norrois.

800-1050 de notre ère

À cette époque les runes étaient aussi utilisées dans les régions que sont aujourd’hui le Nord-ouest de l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Angleterre. Au huitième siècle, alors que les Scandinaves commencent à parler le vieux norrois, le futhark est réduit à 16 lettres et plusieurs d’entre elles changent de forme. On l’appelle le nouveau futhark. En fait, il existe plusieurs versions du nouveau futhark qui sont toutes plus simples que le vieux futhark. Par contre, dans toutes les versions, il arrive qu’une rune possède deux sons, peut-être à cause de la prononciation rapprochée. Ainsi, il n’y a qu’une seule rune pour E et I, pour B et P, pour K et G ainsi que pour T et D. À la fin de l’ère viking, les gens ont commencé à ajouter un point ou un trait pour différencier ces sons entre eux.

La majorité des pierres runiques a été sculptée pendant cette période, nous donnant ainsi la meilleure source d’inscriptions en nouveau futhark. Il existe environ 2000 pierres runiques en Suède, 200 au Danemark, 60 en Norvège, 30 à l’île de Man en Angleterre, 7 en Écosse, 3 en Irlande, 2 dans les îles Féroé et 2 ou 3 dans le Danelaw, en Angleterre. Ce sont généralement des pierres funéraires qui comportent un court énoncé sur l’identité de la personne qui a fait sculpter la pierre et sur celle dont la mémoire est honorée. Le bois, les tablettes de cire et l’écorce sont aussi des matériaux utilisés pour sculpter des messages runiques de la vie quotidienne, mais la plupart de ces messages ont disparu avec le temps.

La plupart des pierres runiques sont des monuments funéraires chrétiens. Il y en quelques-uns qui commémorent une bonne œuvre, comme la construction d’un pont, mais la plupart ont été créées à la mémoire d’un défunt, peut-être pour résoudre les questions d’héritage. Les inscriptions sont généralement à la verticale et elles sont encadrées par une queue de dragon en serpentin dont le motif est complexe et hautement décoratif. À l’origine, les runes étaient peintes.

Le vagabondage mondial des Vikings se reflète dans leurs inscriptions qui racontent souvent la vie de quelqu’un qui a voyagé à l’étranger ou qui y est mort. On trouve des inscriptions runiques en Russie. Des Vikings ayant servi comme mercenaires dans la garde varangienne de l’empereur de Constantinople n’ont pu résister au désir de laisser des traces de leur passage en terre étrangère. Il y a plusieurs graffitis runiques à Hagia Sophia (la basilique Sainte-Sophie), la magnifique église byzantine de Constantinople, devenue une mosquée. L’une d’elles contient le nom ALFTAR (Halvdan), une autre, ARI (Are) ou ARNI (Arne). Il y a une inscription complexe qui a été sculptée sur la statue d’un lion qui gardait le port d’Athènes, Ponte Leone, en Grèce. L’inscription est encadrée d’une élégante queue de dragon en serpentin sculptée dans le style généralement utilisé sur les pierres runiques. Le lion a été déménagé à Venise, en Italie, en 1867 où il se trouve toujours. L’inscription est maintenant trop désagrégée pour être déchiffrée.

1050-1500 de notre ère

Au fur et à mesure que la population européenne remplaçait le paganisme par le christianisme, elle délaissait l’écriture runique pour l’alphabet latin, soit sous forme de lettres minuscules carolines ou anglaises, ou sous forme de calligraphie gothique. En Scandinavie, bien que l’alphabet latin soit devenu pratique courante pour les écrits religieux ou officiels, l’écriture runique a survécu. Le futhark s’est aussi modifié avec le temps. Sous l’influence de l’alphabet latin, de nouvelles runes ont été ajoutées au futhark de façon à ce qu’il y ait une rune correspondant à chacune des lettres de l’alphabet latin. Leur ordre a été modifié pour s’aligner sur cet alphabet. Vers 1020, les variances régionales de l’écriture runique étaient devenues floues et les écrivains utilisaient les différentes versions de futhark sans distinction. On trouve souvent des inscriptions avec des runes provenant de plus d’une variété de futhark et elles sont parfois mélangées avec des lettres de l’alphabet latin.

La population, les fermiers et les marchands utilisaient abondamment les runes pour conclure leurs transactions. Il y a des inscriptions de toutes sortes datant de cette époque. Elles varient de noms brefs sur un objet aux transactions commerciales et aux poèmes d’amour. La plupart étaient sculptées sur le bois, mais on en retrouve sur des carillons d’église, des fonts baptismaux, sur du parchemin et du papier. Grâce à de bonnes conditions de préservation, 1400 inscriptions, la plupart sur du bois, ont été retrouvées dans la ville de Bergen en Norvège. On y trouve des transactions commerciales et environ 80 titres de propriété de bateaux commerciaux. D’autres ne font que montrer le futhark.

La Suède possède environ 900 inscriptions datant de cette période, le Danemark, 325, l’Islande, 40 et le Groenland, 75. Il y en a quelques-unes provenant des îles écossaises.

1500-1900 de notre ère

À partir du seizième siècle, les Danois avaient pratiquement arrêté l’utilisation des runes, mais l’écriture runique continuait d’exister dans les campagnes norvégiennes et suédoises où elles étaient utilisées par les personnes dites illettrées. On trouve environ 350 inscriptions de cette période. En Suède, il y avait des calendriers spéciaux, créés avec des caractères runiques, qui ont été utilisés du treizième jusqu’au vingtième siècle. Les Suédois vivant dans des régions isolées ont utilisé les runes jusqu’au vingtième siècle. Les inscriptions les plus récentes ont des lettres latines et les runes elles-mêmes ont beaucoup changé. En Europe, pendant la guerre de Trente Ans, entre 1618 et 1648, où la Suède a joué un rôle de premier plan, les officiers se sont servis des runes comme code secret lorsqu’ils communiquaient entre eux sur le continent. Au milieu du dix-neuvième siècle, les commerçants itinérants ont développé une forme spéciale de runes pour un usage similaire dans la province de Dalarna en Suède.

Une série de runes récentes résulte de l’intérêt romantique porté à l’histoire nationale aux dix-huitième et dix-neuvième siècles. Cet intérêt a mené à la fondation d’une société d’antiquaires, la Ligue gothique. Fondée en Suède en 1811, la Ligue a tenté de raviver l’intérêt pour les runes. De nouveaux monuments runiques ont été érigés pour marquer les occasions officielles ou simplement par plaisir personnel. En Islande, les runes étaient fréquemment utilisées sur les objets domestiques. La caractéristique dominante de ces pierres antiques est qu’elles utilisent les runes du vieux et du nouveau futhark et que, parfois, des signes qui ne sont pas des runes y sont ajoutés.