La langue

On peut résoudre une partie du mystère du Vinland par la connaissance de la langue utilisée par les Vikings. La façon exacte dont le mot Vinland était écrit et prononcé par les Vikings nous donne le sens.

Les Vikings parlaient le vieux norrois, une langue avec une grammaire complexe et des déclinaisons depuis abandonnées par toutes les langues scandinaves modernes, à l’exception de l’Islandais. Le nom Leifr, en vieux norrois avec sa finale « r », devient Leif en norvégien, danois et suédois modernes. En islandais moderne, c’est Leifur. Cependant, autant le vieux norrois que l’Islandais ajoutent d’autres finales telles que « i » selon la position du mot dans la phrase. Eirik est Eirikr et tout comme Leifr, le nom change selon sa place. Le même type de déclinaison était utilisé en latin, mais le français, l’italien, le portugais et l’espagnol modernes ont laissé tomber ces fins de mots. La grammaire de ces langues modernes est également plus simple que leur ancêtre latin.

Une autre caractéristique du vieux norrois est que les personnes n’avaient pas de noms de famille. Ils avaient plutôt des patronymes, c’est-à-dire qu’on ajoutait « fils » ou « fille » au prénom du père. Leif était Leif, le fils d’Eirik, qui peut aussi s’écrire Eiriksson. Sa sœur Freydis était Freydis, la fille d’Eirik, ou Eiriksdóttir. Encore aujourd’hui, les islandais n’ont généralement pas de noms de famille et ils sont inscrits dans le livre de téléphone sous leur prénom.

Pour distinguer un Leifr d’un autre, on ajoutait souvent un surnom tel que Leifr hin heppni, Leif le Chanceux, ou Eiríkr rauði, Eirik le Rouge. L’usage de patronymes et de surnoms a été une pratique courante en Europe rurale et dans plusieurs régions canadiennes comme le cap Breton jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle.

Le vieux norrois, l’islandais moderne, le féringien et les autres langues scandinaves incluent plusieurs lettres en plus des 26 de l’anglais moderne. Dans toutes ces langues, à l’exception du suédois moderne, la lettre æ représente un son qui n’existe pas en anglais. Étant composé du a et du e, son plus proche équivalent est le e anglais comme dans education. En suédois, cette lettre est le ä, le tréma étant une abréviation du e [>umlaut = une voyelle infléchie]. Le danois, le norvégien et le féringien ont aussi un ø, qui devient ö en suédois et en islandais et qui est prononcé à peu près comme le i de fir en anglais. Le vieux norrois est complexe à cause des différents choix de prononciation.

Le å danois, norvégien et suédois, [écrit aa en danois jusque dans les années 1940] est une voyelle longue qui se prononce un peu comme le o de long en anglais. Bien que la prononciation en vieux norrois diffère de celle de l’islandais et du féringien modernes [on ignore exactement jusqu’à quel point], l’Islande et les îles Féroé ont gardé la façon médiévale de prononcer une voyelle différemment selon le cas. Ainsi, a est différent de á. Dans ce cas précis, l’accent indique une diphtongue prononcée ou comme house en anglais. La lettre i est comme le i court de wit en anglais. C’est également le j prononcé y comme yard en anglais. La lettre íest un i long prononcé e comme evil.

La voyelle o est courte et se prononce comme cod en anglais, mais ó est une diphtongue prononcée comme le no. En plus du u, il y a aussi le ú, et le ý s’ajoute au y. Bien que le u se prononce eu comme feu en français, le ú quant à lui est une diphtongue prononcée ou comme le out en anglais d’Écosse. La prononciation de y et ý est similaire au ibien que différente.

Le vieux norrois et l’Islandais ont également deux consonnes qui n’existent plus dans les écritures des autres langues scandinaves. En plus du d normal, il y a deux types de d. Un est écrit Ð [la minuscule est ð], prononcée un peu comme le th de mother en anglais. Le son a été préservé en danois moderne, mais la différence avec le d régulier a disparu dans l’écriture. L’autre type de d est le Þ [la minuscule est þ] prononcée un peu comme le th de thing. Dans quelques cas de dialectes anglais, la prononciation se rapproche plus du t.

Lorsqu’on cite des sources scandinaves, il est important d’utiliser les orthographes décrits plus haut car dans plusieurs cas le fait de ne pas utiliser un accent ou un umlaut [la voyelle modifiée – le tréma], change complètement la signification d’un mot. Par exemple, la syllabe vin ou vín dans Vinland. Alors que « vin » veut dire « prairie », « vín » veut dire « vin ». Comme vous le verrez dans les textes sur le Vinland, l’orthographe revêt une importance majeure lorsque vient le temps de retracer l’endroit où se trouve le Vinland. Il existe des situations similaires dans d’autres langues qui utilisent les trémas et les accents.

Récemment, les Scandinaves ont commencé à laisser tomber les trémas et les accents dans leurs adresses courriel. Il sera intéressant de voir si cela amènera des changements importants dans leurs langues et leurs alphabets.

La langue, l’alphabet et les sagas

Les langues sont rarement statiques. La grammaire, la prononciation, le vocabulaire et l’orthographe évoluent constamment. En général, la grammaire et l’orthographe tendent à se simplifier avec le temps.

Le vocabulaire change et il arrive qu’il augmente lorsque les locuteurs d’une langue ont un contact rapproché avec les locuteurs d’une autre langue. C’est ce qui est arrivé lorsque les Normands ont conquis l’Angleterre en 1066. Un grand nombre de mots provenant du français normand ont alors été ajoutés au vieil anglais.

On pourrait comparer le développement d’une langue à un arbre dont les branches poussent le long du tronc principal. Éventuellement, d’autres branches poussent sur les premières branches, et d’autres sur ces dernières et ainsi de suite.

La langue des Vikings était le vieux norrois. Avant l’ère des Vikings, les Scandinaves parlaient ce qu’on appelle parfois le proto-norrois, le dialecte d’une langue qu’ils partageaient avec d’autres peuples germaniques vivant dans la région qui comprend aujourd’hui l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique et certaines parties de l’Angleterre. Le proto-norrois était lui-même issu d’un dialecte provenant du vieil allemand, langue dont on peut retracer l’origine jusqu’à un ancêtre indo-européen commun que se partagent la majorité des langues européennes et plusieurs langues asiatiques. Le vieil allemand était parlé en Scandinavie au même moment où les runes en vieil allemand connaissaient une grande popularité.

Le changement du proto-norrois au vieux norrois s’est fait assez rapidement, si bien qu’à la fin du huitième siècle, le vieux norrois était parlé par tous les Scandinaves, même s’il y avait des différences régionales. Au même moment, la langue de tous les peuples germaniques s’est diversifiée en plusieurs langues qui sont éventuellement devenues l’allemand, le frison, le néerlandais, le flamand, l’anglo-saxon et, plus récemment, l’afrikaans.

Le vieux norrois offrait plusieurs dialectes, mais il était facile pour une personne de la partie ouest de la Scandinavie et des îles de l’Atlantique de comprendre un Danois ou un Suédois. À partir des onzième et douzième siècles, les différences étaient assez marquées et le norrois de l’Ouest, parlé en Norvège et dans la région de l’Atlantique, était différent du norrois de l’Est, parlé au Danemark et en Suède. À partir du treizième siècle, le norrois de l’Est parlé au Danemark était si différent de celui parlé en Suède et en Norvège que ces langues sont maintenant classifiées comme étant du vieux danois, du vieux norvégien et du vieux suédois.

Les différences ont continué de s’accentuer et on connaît maintenant ces langues comme le danois, le norvégien et le suédois modernes. Le danois et le suédois ont à peu près la même différence entre eux que l’espagnol et l’italien et ils ont de la difficulté à se comprendre. Le norvégien se situe entre les deux, si bien que les Norvégiens et les Danois n’ont pas de problèmes à communiquer, non plus que les Norvégiens et les Suédois.

La situation en Islande et, jusqu’à un certain point, aux îles Féroé, est quelque peu différente. Les Islandais parlent encore une forme de vieux norrois et la langue des Féroïens est proche. C’est généralement ce qui arrive lorsqu’un petit groupe d’émigrants s’installent dans une nouvelle région. Le terme employé pour décrire ce phénomène est « effet de cristallisation ». Le développement de la langue s’arrête. La grammaire, l’orthographe et la prononciation islandaises sont si différentes des autres langues scandinaves que les autres Scandinaves doivent apprendre l’Islandais comme si c’était une langue étrangère, et vice-versa.

L’alphabet des Vikings était un système appelé runes. L’origine de l’alphabet runique est incertaine, mais certains symboles ont été empruntés de l’alphabet latin. Il a probablement été développé dans les régions modernes de l’Allemagne du Nord ou peut-être du Danemark au deuxième siècle de notre ère. On a continué à utiliser l’alphabet runique jusqu’au début du vingtième siècle dans les régions éloignées de la Scandinavie, en particulier dans les campagnes suédoises.

On étudie et catalogue les inscriptions runiques depuis le seizième siècle. Depuis ce temps, elles sont systématiquement enregistrées dans des publications scientifiques. Une base de données interscandinave a été créée en 1993 et contient maintenant plus de 6000 inscriptions qui peuvent être consultées sur Internet.

On découvre de nouvelles inscriptions runiques chaque année. La plupart sont publiées dans la revue scientifique Nytt om runer. Meldingsblad om runeforskning [News about Runes. Bulletin for Rune Research] [en anglais seulement], ISSN 0801-3756.

Parce que les six premières lettres du système runique initial sont F U Þ A R K, on appelle ce système, fuþark, plutôt qu’un alphabet. La rune Þ [majuscule], þ [minuscule] était prononcée à peu près comme le « th » anglais et est transcrite comme cela dans les textes.

Au fur et à mesure que le christianisme s’installait en Scandinavie pendant l’ère viking, l’alphabet latin et ses dérivés, tels que l’alphabet carolingien, ont acquis une certaine popularité, particulièrement dans les documents officiels. Avec l’Église, sont apparus les livres. Les Islandais ont commencé à publier leurs propres livres, dont plusieurs étaient des traductions de textes religieux latins en vieux norrois. Les livres étaient écrits à la main sur du parchemin fait de peaux de veau. Les peaux étaient taillées en feuilles rectangulaires attachées ensembles avec des plaquettes de bois comme couvertures. Un des premiers livres qui a été écrit en Islande a été publié vers l’an 1100. Il contient les lois du pays qui, jusqu’à ce jour, étaient mémorisées. D’autres livres ont suivi. Un d’entre eux était le Íslendingabók [Le livre des Islandais] par Ari froði [Ari le Sage ou Ari le Savant], écrit entre 1120 et 1133. Un autre livre était un traité sur la grammaire écrit entre 1125 et 1175. C’est un document remarquable qui explique comment adapter l’alphabet latin à la langue et à la prononciation du vieux norrois. La plupart des livres qui ont été initialement écrits sont de nature historique renfermant des archives du passé. Landnámabók, [Le livre de la colonisation], écrit au début du treizième siècle, énumère les revendications territoriales de 430 colons [sans doute faisant tous partie de l’élite parmi les immigrants], de leurs familles et de leurs descendants. Il contient le nom de 1500 fermes et de 3500 personnes.

Les livres publiés ultérieurement démontrent une plus grande maîtrise littéraire. Leurs sujets favoris sont les évènements qui auraient eu lieu pendant l’ère viking. Dans cette catégorie, nous retrouvons, Egils saga Skalla-Grímssonar, [La saga d’Egil Skalla-Grimsson ou simplement la saga d’Egil], Brennu-Njals Saga, Njala [La saga de Njal], Vatnsdæla saga [La saga du peuple du Vatnsdal], Laxdælasaga, [La Saga du peuple du Laxardal] ainsi que plusieurs autres. Il existe aussi un groupe de sagas qui sont de nature plus fictive.

Les Vikings aimaient la poésie et de nombreux poèmes ont été conservés.

La langue

Livres ou romans

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Les sagas

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