A. Y. Jackson, lettre à Jack, sept. 1915

[ Gas Attack, Liévin ]

Attaque au gaz, liévin, A. Y. Jackson, 1918, Canadian War Museum, 19710261-0179, Jackson a déclaré « Un soir, j’ai été voir une attaque qu’on lançait sur les lignes allemandes. Ça ressemblait à de beaux feux d’artifice avec nos nuages de gaz et les fusées éclairantes et les bombes des Allemands ». Son exubérance n’est pas rendue par les couleurs de la toile, avec ses bruns et ses noirs fades agrémentés de petits éclats de couleur à l’horizon. Ces couleurs évoquent le terrain accidenté et la toile démontre que tout signe de vie au front – même les arbres et le gazon – avait été détruit par les mois de bataille. Notez les barres chromatiques qui ont été placées sous la toile lorsqu’elle a été photographiée. Elles permettent aux imprimeurs de reproduire avec exactitude les couleurs de la toile

Compagnie A
60e Bon C.E.C.
Valcartier, Qué

Mon cher Jack,

C’est un dimanche après-midi pluvieux alors j’en profite pour faire un peu de correspondance pendant que le reste de la tente dort à poings fermés. Nous prévoyons partir bientôt pour l’autre côté. Une compagnie y va cette semaine. Valcartier devient trop froid en septembre, même maintenant les nuits sont froides.

Je commence à me sentir comme un Tommy maintenant, manger boire et dormir, toute activité intellectuelle abandonnée. Bien sûr, je suis terriblement critique par moments et je continue de penser à bien des choses auxquelles un citoyen et soldat modèle ne devrait pas songer. Mais on tire plus de satisfaction à lutter de l’intérieur qu’à railler de l’extérieur. À la manière de nos nobles patriotes Canadiens français.

Eh bien Jack, je pense que tu peux dormir la conscience tranquille, tu as fait tout ce qui était humainement possible. Si le reste des patriotes avait démontré ne serait-ce que la moitié de cette énergie ici et en Angleterre, nous ne serions pas dans cet abominable fouillis à présent. Je ne pense pas dans toute ma vie avoir été aussi peu fier d’être Anglais. Nos journaux ne sont qu’une longue plainte demandant Qu’est-ce que la Roumanie va faire pour nous. Pourquoi est-ce que la Grèce ne nous aide pas? Est-ce que les États-Unis vont laisser les pays libres faire tout le travail. Tu n’aurais pas besoin de rester longtemps dans le 60e pour t’apercevoir que les hommes que le Canada envoie pour défendre son honneur ne sont pas de la même classe d’hommes que ceux qui représenteraient le pays dans d’autres circonstances. Les durs de durs et les chômeurs sont de loin plus nombreux que les patriotes. Ils se portent volontaires sous la pression. Ce n’est peut-être pas ainsi dans tous les bataillons, mais je pense que ça devient de plus en plus la norme tout le temps, et quand on entend toutes les niaiseries qui sont dites ou écrites au sujet de notre précieux honneur, de nos idéaux chrétiens, etc. ça donne la nausée. En effet, des gens qui confient l’honneur de leur nation à des hommes à qui ils ne permettraient pas d’entrer dans leurs maisons en temps de paix ne méritent pas qu’on se batte pour eux.

Je n’admire pas tellement notre système militaire, encore trop de cérémonials hérités des temps féodaux, et les hommes n’apprennent pas à distinguer ce qui est vital de ce qui est du simple spectacle. L’enseignement du tir est tout simplement ridicule. Ils en finissent avec l’entraînement d’un homme en environ cinq heures, alors qu’il lui faut cinq semaines pour apprendre à [épauler?] et à présenter les armes correctement. Les ressources humaines sont bonnes, mais il y a des amateurs partout, ce qui signifie que nous payons le prix quand nous arrivons au front, et que nos officiers font face aux Huns qui étudient la tactique depuis leur jeunesse.

Allez, sois bon Jack, écris-moi un mot quand tu trouveras le temps.

Ton fidèle ami,
Alex

Source: Library and Archives Canada/Bibliotheque et Archives Canada, MG30 D351 'Naomi Groves Jackson fond', Container 94, File 19, A. Y. Jackson, Lettre à Jack , 31 septembre 1915. Notes:

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