Personne ne connaît son nom: Klatsassin et la guerre de Chilcotin
   
 

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La route de Bute Inlet

The British Columbian , 1er juin 1864

Nous n’aurions pas jugé nécessaire de poursuivre la discussion sur les mérites d’une route qui pourrait maintenant être considérée comme ancienne si un confrère de Victoria ne l’avait pas provoquée en insérant le passage suivant : « Bien qu’il ait un tirant d’eau de neuf pieds et six pouces, le Forward est remonté jusqu’au site de la ville sans difficulté et il est resté au quai pendant toute la visite. Les habitants de New Westminster participant à l’expédition ont exprimé leur surprise concernant l’excellent état du sentier et l’ampleur du travail accompli. »

En ce qui concerne l’allusion à la navigation, nous avons seulement besoin de spécifier que le Forward avait un tirant d’eau de sept pieds seulement et qu’il ne pouvait pas se passer d’un pouce en remontant au « site de la ville » même si la marée était haute; qu’il avait difficilement tourné à cause de l’étroitesse du passage; que lorsque la marée est redescendue, il est resté pris et il a dû attendre que la marée remonte pour pouvoir sortir; que lorsqu’il a redescendu la rivière, il n’avait pas un pouce de trop à bien des endroits puisque la sonde marquait seulement sept pieds; et, qu’à marée basse, il serait impossible qu’un navire de la moitié de sa taille navigue ces eaux. L’ancrage n’est jamais adéquat tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de Inlet. Les caractéristiques de la navigation sont telles qu’on nous assure qu’il serait impossible qu’un navire marchand remonte le passage et que, même si un navire d’une longueur considérable réussissait à le remonter, il lui serait impossible de tourner. D’ailleurs, il faut rappeler que, l’année dernière, le vapeur Enterprise est resté pris en travers du passage et que sa quille a été endommagée dans cette position critique! Et voilà pour ce qui en est du passage.

Parlons maintenant de ce qu’on appelle le « sentier ». M. Maclure, arpenteur géomètre, et M. Turner, tous les deux ingénieurs pendant longtemps pour la Royal Engineers, nous ont informés que non seulement ils n’avaient pas dit être « surpris de l’excellent état du sentier et de l’ampleur du travail accompli », mais qu’ils avaient affirmé le contraire. Ils ont affirmé que le sentier était complètement indigne de s’appeler ainsi et ils ont exprimé leur étonnement quant au peu de travail qui avait été accompli étant donné le temps que les hommes ont passé à travailler et leur nombre. Ils n’ont trouvé aucune nourriture pour les animaux et, à plusieurs endroits du sentier, ils ont été obligés de marcher dans l’eau jusqu’aux hanches tout en observant sur les arbres la preuve indubitable que l’eau monte plusieurs pieds de plus pendant certaines saisons. Ils ont décrit ce que M. Waddington a honoré du nom de « ponts » comme des traversées médiocres et insignifiantes, construites d’une façon non professionnelle et provisoire, et qui tombent en ruine en ce moment même. Ils ont décrit le chemin qui traverse « Waddington Mountain » comme étant difficile, ayant par endroits des pentes beaucoup trop abruptes, même pour un sentier muletier; en ce qui concerne la falaise rocheuse située à la fin du sentier, qui serait à faire, ils ont dit qu’évidemment on pourrait creuser un tunnel dans les Alpes avec suffisamment d’argent et des techniques en ingénierie mais, qu’à toutes fins pratiques, ils considèrent qu’il est impossible de continuer la route en question. Rappelons-nous que tout ceci se limite aux cinquante premiers milles de la route. Au-delà, ils ont déclaré ne rien savoir; nous ne croyons pas non plus que les connaissances de M. Waddington, si connaissances il y a, s’étendent au-delà de ce point. En fait, il n’est pas tellement important de connaître les détails de l’autre partie du sentier.

La trajectoire incroyable que M. Waddington poursuivait en ce qui concerne cette route ne s’explique qu’en raison de son obsession et nous serions prêts à épargner les sentiments du vieil homme s’il n’y avait pas tant de méthode perceptible dans sa folie. Le fait qu’il ait incité le gouvernement à accepter sa réclamation imaginaire pour une indemnité lorsqu’il est venu relater le massacre de ses hommes ne démontrait pas une très grande délicatesse ou une profondeur de sentiments alors que ses manoeuvres pour essayer de convaincre le gouvernement de lui acheter la route en disait peu sur sa modestie.

On nous a récemment informés d’un petit incident que nous relatons ici pour démontrer l’énorme tromperie qu’a représentée cette route. Alors qu’il revenait à Victoria l’automne dernier avec le groupe d’hommes qu’il avait employés et qu’il avait payés pour leur travail en grande partie avec des titres provisoires de la route de Bute, les hommes se montraient très mécontents et ils parlaient en termes des plus dénigrants des travaux. Peu avant leur arrivée à Victoria, M. Waddington a rassemblé les hommes et il s’est adressé à eux à peu près de la façon suivante : « Vous détenez, comme paiement pour votre travail, un grand nombre de titres provisoires de la route. Chaque mot que vous dites contre cette route aura tendance à déprécier la valeur de ces titres. Pour cette raison, c’est un véritable suicide de parler de la sorte. En arrivant à Victoria, vous devriez plutôt employer des termes élogieux concernant la qualité et la praticabilité de la route de Bute Inlet et, ainsi, vous pourrez vendre vos titres à un bon prix. » À la fin de cette harangue, M. Waddington a laissé le cognac couler à flots. Le résultat n’a pas déçu le vieil homme rusé. À leur arrivée à Victoria, les hommes ont acclamé M. Waddington et Bute Inlet. La presse locale a, bien entendu, fait état de ces acclamations et elle a décrit en termes élogieux cette nouvelle route qui devait devenir la voie publique vers l’intérieur du pays.

Nous avons tendance à considérer ce petit incident comme étant un bon exemple des moyens par lesquels la campagne de Bute Inlet a perduré tout ce temps. Mais la folie du vieil homme a provoqué sa ruine et elle a coûté la vie à plusieurs de ses employés. Il ne devrait pas croire que notre trésor public devra payer pour sa folie, pour utiliser les termes les plus modérés. D’ailleurs, nous pensons que si quelqu’un doit payer, M. Waddington s’est rendu responsable de verser des dommages et intérêts pour avoir joué un rôle clé dans la mort de ses employés. Il a eu nombre d’avertissements quant à l’hostilité des Indiens et il a tout de même laissé ses hommes non armés; leurs provisions étaient si rationnées qu’ils devaient affamer les Indiens qui transportaient leur matériel. Ces circonstances, nous le croyons, ont probablement provoqué le massacre sanglant qui coûtera si cher à cette colonie. L’indemniser! Il devrait être tenu responsable des dépenses qu’il a occasionnées au gouvernement.

Source: "La route de Bute Inlet," The British Columbian, 1 juin 1864.

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