Aurore - Le mystère de l'enfant martyre
   
 

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Aurore: La vraie histoire

Chapitre 30, p. 417 à 419.

Exilda trouva la lettre de Marie-Anne dans sa cour. Il n'y avait rien sur l'enveloppe. Elle ouvrit, lut. Et sut. Parla à Arcadius de cette histoire de maladie de peau, et lui en parla à Adjutor Gagnon...

Et Marguerite avait raconté à sa mère le traitement que sa tante faisait subir à sa cousine. Séverine se promit qu'aux fêtes, elle en parlerait avec Albertine, sa demi-soeur, épouse de Jos Badeau de même qu'à Victoria pour qu'elle alerte Anthime.

Dans les conversations fréquentes entre Télesphore et Anthime, il n'était question que d'affaires masculines et puisque Anthime et Victoria n'aimaient guère Marie-Anne, on se fréquentait fort peu.

Exilda intercepta Marie-Jeanne pour lui tirer les vers du nez. La fillette avait reçu l'ordre formel assorti des pires menaces de ne rien dire d'autre que de parler de la maladie de peau d'Aurore.

Adjutor craignant de se faire rabrouer par le curé comme Exilda l'avait été, s'ouvrit à Oréus Mailhot.

Oréus crut qu'Anthime aurait plus de poids que lui auprès du curé. C'était beaucoup demander à un frère d'aller se plaindre des manières de son frère, surtout qu'Anthime ne 'filait' pas bien. Il se rendit quand même à quelques reprises au presbytère mais le prêtre n'était jamais là: toujours ailleurs, en voyage ou en visite des malades ou bien il s'occupait de choses matérielles concernant la terre de la fabrique et certaines rénovations dans la sacristie.

Les communications allaient à la vitesse de l'escargot. Personne ne disposait du téléphone dans les rangs et seulement quelques-uns dans le village. On se parlait donc d'une semaine à l'autre, de sept jours en sept jours, et le temps passait. Et le temps d'Aurore passait.

La fillette fut transformée en petite bête terrorisée, abrutie, silencieuse, immensément souffrante, morte-vivante.

[…]

La femme armée de sa patiente cruauté poursuivit donc systématiquement son travail de destruction de la même manière que si sa tâche eût été de soigner la fillette afin de la ramener à la santé.

Elle entretenait les plaies pour qu'elles restent vives, frappait la peau pour les faire éclater, utilisait la brosse à plancher et du savon pour les irriter. Des blessures se cicatrisaient, d'autres s'ajoutaient. Elle se servait souvent de la canne fabriquée par Marguerite et de plus en plus donnait des coups au visage et à la tête.

Et quand les yeux d'Aurore commençaient à se nettoyer de leur enflure, de nouveaux coups les noircissaient, ce qui ajoutait aux cernes, signe de son lent et inexorable dépérissement.

Télesphore travaillait au moulin et il mangeait après tout le monde le soir. La femme prenait soin de soustraire Aurore à sa vue de crainte de l'alerter sur son état piteux. Elle gardait une certaine prudence encore pour que la mort qu'elle anticipait et espérait pour le printemps au plus tard ne survienne pas trop vite et par le fait d'une seule blessure que la maladie de peau et l'affaiblissement général ne sauraient expliquer. Ce sur quoi la marâtre comptait le plus, c'était une infection généralisée qui emporterait la fillette. En tout cas, elle se promettait d'accélérer le processus dès après les fêtes. Télesphore travaillerait alors à Villeroy et quitterait la maison le lundi aux aurores pour n'y revenir que le samedi. En outre, elle s'arrangerait pour que l'enfant prenne un bon gros coup de froid...

Aurore endurait, muette, à part les cris des séances de torture. Tout cela n'était rien pour elle après le martyre enduré par la voie du tisonnier rougi. Les coups à la tête: ils l'endormaient. Et quand elle dormait, elle ne souffrait pas. Elle aimait dormir et n'aimait que cela.

La mère avait trop à faire toutefois pour affamer constamment l'enfant. Quand elle se trouvait au train, la fillette en profitait pour se prendre à manger et Marie-Anne, avec la quantité de nourriture qui passait sur la table, ne pouvait pas contrôler les restes. Cela entretenait les forces de la victime. Et prolongeait son martyre.

Source: André Mathieu, Aurore: la vraie histoire, chapitre 30 (Saint-Eustache: Éditions du Cygne, 1990), 417-419.

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