Les preuves archéologiques : la colonie de L’Anse aux Meadows

[…] Le site de L’Anse aux Meadows ressemble à bien des égards aux autres sites scandinaves du début du onzième siècle en Islande ou au Groenland; cependant, son emplacement et son agencement diffèrent de tous les autres sites. La colonie est située dans la baie la plus exposée de la région et cela tranche avec la préférence des Scandinaves de l’Ouest pour les régions protégées qui favorisaient la pratique de l’agriculture et l’élevage du bétail. Il manque les énormes étables et porcheries qui font généralement partie intégrante de leurs fermes. Les tests archéologiques n’ont décelé aucune trace d’enceintes ou d’abris pour le bétail ni de perturbation de la flore causée par le pâturage et l’agriculture. Par ailleurs, il n’y avait pas non plus de restes d’animaux domestiques : tous les os identifiables provenaient de phoques et de baleines. (Une petite omoplate qui avait initialement été identifiée comme provenant d’un porc domestique a depuis été identifiée comme appartenant à un phoque.)

L’agencement des bâtiments de L’Anse aux Meadows est également inhabituel. Ses huit bâtiments sont regroupés en quatre ensembles. Trois sont des ensembles résidentiels, chacun comprenant une grande halle et une petite hutte. Un des ensembles comprend une petite maison. Les habitations sont alignées, à intervalles réguliers, sur une terrasse étroite et recourbée, bordée à l’est par un marais de sphaigne surélevé et à l’ouest, en direction de la mer, par un marais de tourbe laîche en forme d’entonnoir. Un petit ruisseau serpente le marais jusqu’à la mer à partir d’un petit lac situé à environ un kilomètre à l’intérieur des terres et qui passe par la terrasse tout juste au sud des bâtiments. Le quatrième ensemble, la forge, est éloigné des autres bâtiments et est situé de l’autre côté du ruisseau sur le bras de la terrasse le plus près de la mer. La forge est une hutte protégeant une petite fournaise de pierres et d’argile dans lequel le fer est produit et un four pour faire le charbon utilisé comme combustible pour la fournaise. Les bâtiments ont été occupés en même temps. À l’exception de la forge, tous les bâtiments semblent avoir été des habitations, bien que des artisans y aient pratiqué différents métiers à l’intérieur. Au moins deux des halles incluaient de grands entrepôts qui ressemblent à ceux trouvés en Islande et au Groenland par le fait qu’on n’y retrouve aucune des caractéristiques indiquant que des personnes ou des animaux y auraient vécu. Cependant, ce type de pièces en Islande et au Groenland comporte généralement des empreintes typiques qui indiquent la présence de grands récipients sur le plancher. Mais ce qui a été entreposé à L’Anse aux Meadows n’a laissé aucune trace.

Nulle part n’a-t-on retrouvé une colonie scandinave composée presque exclusivement de bâtiments destinés à l’habitation. On pourrait soutenir que les habitudes de colonisation auraient été modifiées au cours d’une incursion en territoire inoccupé, à tout le moins pendant quelques années. Par exemple, dans la première colonie en Islande, les fermiers se seraient installés en paires et auraient construit leurs halles à côté l’une de l’autre – du moins certaines preuves retrouvées à Hófstaðir dans le nord de l’Islande laissent à penser que cela aurait pu être le cas. À L’Anse aux Meadows, par contre, personne n’a tenté d’établir une colonie indépendante et autosuffisante. Au contraire, l’agencement architectural et la distribution des artefacts suggèrent que la colonie de L’Anse aux Meadows était hautement spécialisée et qu’il ne s’y pratiquait aucune agriculture. […]

Source: Birgitta Wallace, "Les Scandinaves à Terre-Neuve : L’Anse aux Meadows et le Vinland," Newfoundland Studies 19 (2005): 11.

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