Les aborigènes rencontrés au Vinland dans « La saga d’Eirik le Rouge »

Chapitre 10-11

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[…] Un matin, ils ont remarqué neuf bateaux recouverts de peaux et les personnes dans ces bateaux agitaient des perches de bois qui faisaient un bruissement lorsque tournées dans le sens du soleil.

Karlsefni a alors parlé : « Qu’est-ce que cela peut vouloir dire? »

Snorri a répondu : « C’est peut-être un signe de paix; on devrait prendre un bouclier blanc et le soulever en guise de réponse. »

Ce qu’ils ont fait.

Les autres ont ensuite ramé vers eux et ils ont été étonnés de leur apparence lorsqu’ils ont mis pied à terre. Ils étaient petits avec des traits menaçants, les cheveux emmêlés, de grands yeux et les pommettes saillantes. Ils sont restés quelque temps, émerveillés, puis ils sont repartis vers le sud et ont doublé le cap à la rame. […]

Un matin de printemps, ils ont remarqué un grand nombre de bateaux recouverts de peaux qui remontaient du sud par le cap. Il y en avait tellement qu’on aurait dit que des morceaux de charbon avaient été jetés dans l’eau et on agitait un bout de bois dans chacun des bateaux. Ils ont fait des signaux avec leurs boucliers, puis ils ont commencé à faire du commerce avec les visiteurs qui voulaient surtout faire du troc pour obtenir du tissu rouge. Ils voulaient aussi acheter des épées et des lances, mais Karlsefni et Snorri ont interdit ce troc. Ils ont échangé des peaux de couleur foncée contre du tissu; pour chacune des peaux échangées, ils ont pris du tissu de la longueur d’une main et ils ont noué le tout autour de leur tête.

Cela a duré un certain temps jusqu’à ce qu’il ne reste presque plus de tissu. Puis ils ont coupé le tissu en morceaux encore plus petits, chaque morceau pas plus large qu’un doigt, mais les indigènes ont troqué autant pour le tissu et même plus.

À ce moment, un taureau appartenant à Karlsefni et à ses compagnons est sorti de la forêt en courant et en mugissant. Les indigènes ont eu peur, ont couru vers les bateaux et sont repartis vers le sud. Il s’est passé trois semaines avant qu’ils ne reviennent.

Puis, ils ont vu arriver du sud un flot de bateaux indigènes. Cette fois, ils agitaient les bouts de bois dans le sens contraire du soleil et ils hurlaient. Les hommes ont pris leurs boucliers rouges et se sont avancés vers eux. Ils se sont rencontrés et se sont battus. Il y avait une pluie de projectiles et les indigènes avaient aussi des lance-pierres. Karlsefni et Snorri ont alors vu les indigènes brandir un gros objet rond sur une perche; sa grosseur était celle d’une panse de mouton et il était noir. Ils ont projeté l’objet et il y a eu un bruit terrible lorsqu’il est retombé. Karlsefni et ses hommes ont eu peur et ils ont alors décidé qu’il valait mieux se sauver et remonter la rivière car les indigènes semblaient venir de toutes parts; ils sont allés jusqu’à un rocher escarpé d’où ils pourraient se battre.

Freydis [de toute évidence, il s’agit d’une erreur d’identité; cette section décrit Gudrid qui, à cette époque, était enceinte de son fils Snorri] sortait du campement alors qu’ils fuyaient. Elle s’est écriée : « Pourquoi vous sauver de si misérables adversaires, des hommes comme vous me semblent capables de les tuer comme des moutons? Si j’avais une arme, je suis certaine que je me battrais mieux que n’importe lequel d’entre vous. » Ils ne l’ont pas écoutée. Freydis voulait aller avec eux, mais elle marchait lentement car elle était enceinte. Elle les a suivis dans la forêt mais les indigènes l’ont rejointe. Elle est arrivée près d’un homme mort, Thorbrand Snorrason, qui avait été frappé à la tête par une grosse pierre. Son épée était tombée près de lui et elle l’a empoignée, prête à se défendre contre les indigènes qui arrivaient. Libérant un de ses seins de son vêtement, elle le frappa avec le plat de l’épée. Cela a effrayé les indigènes qui se sont enfuis à leurs bateaux et ont ramé au loin.

Karlsefni et ses hommes sont revenus et l’ont félicitée de sa chance.

Deux des hommes de Karlsefni et plusieurs indigènes ont été tués et, pourtant, Karlsefni et ses hommes étaient en nombre inférieur. Ils sont retournés à leur campement en se demandant qui étaient ces gens si nombreux qui les avaient attaqués sur la terre. Il leur semblait maintenant que les hommes qui étaient arrivés sur les bateaux étaient les seuls attaquants et tous les autres n’avaient été qu’une illusion.

Les indigènes ont aussi trouvé un des morts, une hache à ses côtés. Un d’eux a pris la hache et a coupé un arbre et ensuite chacun l’a essayée. Ils ont trouvé que cette chose qui coupait si bien était un trésor. Un d’eux a frappé une pierre et la hache s’est brisée. Il a pensé qu’une chose qui ne pouvait résister à la pierre n’était d’aucune utilité et il l’a jetée.

Le groupe a alors réalisé que, malgré tout ce que le pays pouvait offrir, ils seraient constamment attaqués par ses premiers habitants. Ils se sont donc préparés à retourner dans leur pays.

Source: Keneva Kunz, trans., "Les aborigènes rencontrés au Vinland dans « La saga d’Eirik le Rouge »" in The Sagas of Icelanders: A Selection, preface by Jane Smiley, introduction by Robert Kellogg, (New York, London, Victoria (Australia), Toronto, Auckland: The Penguin Group, 2000), 653-674. Notes: Les traduction vers l’anglais ont initialement été publiées dans « The Complete Sagas of Icelanders » volumes I-V (quarante-neuf récits), Leifur Eiriksson Publishing, Ltd., Islande, 1997. [n.d.t. : la traduction des récits vers le français est signée par l’équipe de traduction des Grands Mystères de l’histoire canadienne.]

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