L’expédition de Bjarni dans « La saga des Groenlandais »

Chapitre 1

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[…]

L’été où son père a quitté l’Islande, Bjarni est arrivé à Eyrar. Il a été très secoué par la nouvelle et n’a pas voulu que sa cargaison soit déchargée. Son équipage lui a demandé ce qu’il attendait et il a répondu qu’il avait l’intention de passer l’hiver chez son père, comme il avait l’habitude de le faire, « et je veux partir pour le Groenland, si vous voulez m’accompagner. »

Tous ont déclaré vouloir suivre ses conseils.

Bjarni a alors dit : « On dira que notre voyage est insensé, car aucun de nous n’a navigué sur la mer du Groenland. »

Malgré cela, ils sont partis dès qu’ils ont terminé les préparatifs et ont navigué pendant trois jours jusqu’à ce que la terre disparaisse de l’horizon. Puis le vent est tombé et il a été remplacé par des vents du nord et du brouillard; pendant plusieurs jours, ils n’ont pas su où ils allaient.

Puis, ils ont vu le soleil et ont pu s’orienter. Hissant la voile, ils ont navigué toute cette journée avant d’apercevoir la terre. Ils se sont demandé quelle terre cela pouvait bien être, car Bjarni a dit que ce n’était probablement pas le Groenland.

Ils lui ont demandé s’il voulait faire voile vers cette terre. « Mon conseil est de naviguer près de la terre. »

C’est ce qu’ils ont fait et ils ont rapidement vu que la terre n’était pas montagneuse, mais qu’il y avait de petites collines et qu’elle était entièrement boisée. Ils ont gardé la terre à bâbord, tourné les extrémités de la voile vers la terre et ils se sont dirigés vers le large.

Ils ont navigué deux jours avant de revoir la terre.

Ils ont demandé à Bjarni s’il croyait que c’était le Groenland.

Il a dit que, selon lui, cette terre n’était pas plus le Groenland que la précédente, « puisqu’il est censé y avoir des glaciers énormes au Groenland. »

Ils se sont rapidement approchés de cette terre et ont vu qu’elle était plate et boisée. Le vent est tombé et les membres d’équipage ont dit qu’il serait prudent d’aller à terre, mais Bjarni n’était pas d’accord. Ils ont dit avoir besoin de bois et d’eau.

« Vous ne manquez d’aucune de ces provisions », a répondu Bjarni, mais il a été blâmé par son équipage pour cette décision.

Il leur a alors demandé de hisser la voile et c’est ce qu’ils ont fait. Ils ont tourné la poupe vers la côte et ils ont navigué vers le large. Ils ont navigué trois jours avec un vent du sud-ouest jusqu’à ce qu’ils aperçoivent une troisième terre. Celle-ci avait de hautes montagnes, couronnées de glace.

Ils ont demandé à Bjarni s’il voulait toucher terre à cet endroit, mais il a dit qu’il ne le désirait pas — « car cette terre ne m’offre rien de particulier. »

Cette fois, ils n’ont pas baissé la voile, mais ils ont suivi la côte jusqu’à ce qu’ils voient que cette terre était une île. Ils ont de nouveau tourné la poupe vers la côte et ils ont navigué vers le large avec la même brise. Mais le vent s’est rapidement levé et Bjarni leur a dit de ramener la voile et de ne pas aller plus vite que leur bateau ou leur gréement ne pouvait en supporter. Ils ont navigué quatre jours.

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Lorsqu’ils ont vu une quatrième terre, ils ont demandé à Bjarni s’il pensait que c’était le Groenland.

Bjarni a répondu : « Cela ressemble beaucoup à ce qu’on m’a dit du Groenland et c’est là que nous allons toucher terre. »

C’est ce qu’ils ont fait; ils ont touché terre ce soir-là le long d’un cap et ils y ont trouvé un bateau. Le père de Bjarni, Herjolf, vivait là; la pointe portait son nom et elle est depuis connue sous le nom du Herjolfsnes (la pointe Herjolf). Bjarni est allé vivre chez son père et il a cessé ses voyages marchands. Il est resté sur la ferme de son père jusqu’à la mort d’Herjolf et il a repris la ferme à la mort de ce dernier.

Chapitre 2

Puis, Bjarni Herjolfsson est parti du Groenland et est allé rendre visite au seigneur Eirik qui lui a fait très bon accueil. Bjarni a raconté son voyage, au cours duquel il avait vu différentes terres, mais plusieurs ont pensé qu’il manquait de curiosité, car il n’avait rien à raconter au sujet de ces terres et on l’a quelque peu blâmé pour cela.

[…]

Source: Keneva Kunz, trans., "L’expédition de Bjarni dans « La saga des Groenlandais »" in The Sagas of Icelanders: A Selection, preface by Jane Smiley, introduction by Robert Kellogg, (New York, London, Victoria (Australia), Toronto, Auckland: The Penguin Group, 2000), 636-652. Notes: Les traduction vers l’anglais ont initialement été publiées dans « The Complete Sagas of Icelanders » volumes I-V (quarante-neuf récits), Leifur Eiriksson Publishing, Ltd., Islande, 1997. [n.d.t. : la traduction des récits vers le français est signée par l’équipe de traduction des Grands Mystères de l’histoire canadienne.]

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