Freydis Eiriksdottir dans « La saga des Groenlandais »

Chapitre 1

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[...] Les enfants d’Eirik se nommaient Leif, Thorvald, Thorstein et la fille, Freydis. Elle était mariée à un homme du nom de Thorvard et ils avaient une ferme à Gardar, là où se trouve aujourd’hui l’évêché. C’était une femme autoritaire, mais Thorvard n’était pas un homme important. Elle lui avait été donnée en mariage parce qu’il était riche.

Chapitre 7

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[...]

Il faut maintenant parler de Freydis Eiriksdottir qui avait quitté Gardar pour aller rencontrer deux frères, Helgi et Finnbogi, et leur proposer de faire ensemble le voyage jusqu’au Vinland, chacun sur son bateau, et de partager la moitié des profits qu’ils pourraient tirer de ce voyage. Ils ont accepté cette proposition.

De là, elle est allée voir son frère Leif et lui a demandé de lui donner les maisons qu’il avait construites au Vinland. Il a répondu, comme il l’avait fait avant, qu’il prêterait les maisons, mais qu’il ne les donnerait à personne. Selon l’entente entre Freydis et les deux frères, chacun devait avoir trente guerriers à bord sans compter les femmes. Mais Freydis a immédiatement violé cet accord et a amené cinq hommes de plus, les cachant afin que les frères ne s’aperçoivent pas de leur présence avant d’arriver au Vinland.

Chapitre 7

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[...] Ils ont pris la mer, s’étant entendus au préalable pour essayer de rester proche l’un de l’autre et ils ont presque réussi. Les frères sont cependant arrivés un peu plus tôt et ils avaient déjà déchargé leur bateau et apporté leurs biens dans les maisons de Leif lorsque Freydis est arrivée. Son groupe a déchargé ses biens et les a apportés aux maisons.

Freydis a alors dit : « Pourquoi avez-vous mis vos affaires ici? »

« Nous pensions, ont-ils répondu, que tu avais l’intention de respecter ta parole. »

« Leif m’a prêté ces maisons, a-t-elle dit, pas à vous. »

Helgi a répondu : « Nous, les frères, ne pourrons jamais atteindre ta mauvaise foi. » Ils ont repris leurs biens et ont bâti une longue maison plus loin de la mer, sur les rives d’un lac, et ils s’y sont installés confortablement. Freydis a fait abattre du bois comme cargaison pour son bateau.

Lorsque l’hiver s’est installé, les frères ont suggéré d’organiser des jeux et des divertissements. C’est ce qu’ils ont fait jusqu’à ce qu’il y ait des disputes. Les rancunes ont alors divisé le groupe, les jeux ont cessé et chaque groupe est resté dans ses quartiers. Cela s’est poursuivi presque tout l’hiver.

Tôt un matin, Freydis s’est levée et s’est habillée, mais n’a rien mis à ses pieds. Il y avait une abondante rosée au sol. Elle a pris la cape de son mari, l’a mise sur ses épaules, est allée à la maison longue des frères et s’est approchée de la porte. Un homme était sorti un peu avant et avait laissé la porte entrouverte. Elle a ouvert la porte et est restée silencieusement dans l’embrasure quelques minutes. À l’extrémité de la maison, Finnbogi était étendu, éveillé.

Il a parlé : « Qu’est-ce que tu viens faire ici, Freydis? »

Elle a répondu : « Je veux que tu te lèves et que tu viennes dehors. J’ai à te parler. »

Il a fait ce qu’elle lui demandait. Ils sont allés à un tronc d’arbre qui se trouvait près du mur de la maison et se sont assis.

« Est-ce que tu te plais ici », lui a-t-elle demandé?

« Je pense que la terre est généreuse, mais je n’aime pas la mésentente entre nous, car je n’en vois pas la cause. »

« Ce que tu dis est vrai, dit-elle, et je suis d’accord avec toi. Mais mon but en venant te voir est de te proposer d’échanger nos bateaux, car le vôtre est plus grand que le mien et je veux quitter cette place. »

« Je pourrais accepter, dit-il, si cela peut te fait plaisir. »

Puis, ils se sont quittés. Elle est rentrée chez elle et Finnbogi est retourné se coucher. Lorsqu’elle est retournée dans son lit, ses pieds froids ont réveillé Thorvard qui lui a demandé pourquoi elle était si froide et si trempée.

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Elle a répondu farouchement : « Je suis allée voir les frères pour leur demander d’acheter leur bateau parce que je veux un bateau plus grand. Ils se sont fâchés; ils m’ont frappée et m’ont malmenée, mais tu es si lâche que tu ne feras rien pour réparer le déshonneur que j’ai subi et qui rejaillit sur toi. Je paie maintenant le prix d’être si loin des miens au Groenland et, à moins que tu ne me venges, je divorcerai! »

Ne pouvant plus supporter ses reproches, il a dit à ses hommes de se lever aussi vite que possible et de prendre les armes. Puis, ils ont été à la maison longue des frères, y sont entrés pendant que tous les gens dormaient, ils les ont pris, les ont ligotés et, une fois cela fait, les ont sortis. Freydis a ordonné que tous les hommes amenés dehors soient tués.

Rapidement, tous les hommes ont été tués et il ne restait que les femmes puisque personne ne voulait les tuer.

Freydis a alors dit : « Apportez-moi une hache. »

Cela a été fait et elle a alors attaqué les cinq femmes et les a toutes tuées.

Ils sont retournés à leur maison après cet acte infâme et il était évident que Freydis était très contente de ce qu’elle avait accompli. Elle a parlé à ses compagnons : « Si nous avons la chance de revoir le Groenland, a-t-elle dit, je ferai tuer quiconque parlera de ces évènements. Nous dirons qu’ils sont restés ici lorsque nous sommes partis. »

Chapitre 8

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Freydis est retournée à sa ferme et à son bétail; tout s’était bien passé en son absence. Elle s’est assurée que tous ses compagnons avaient été bien récompensés, car elle voulait que ses crimes restent cachés. Puis, elle est restée sur la ferme.

[...]

Certains étaient trop bavards pour être capable de garder le silence sur ces crimes et cette méchanceté et, éventuellement, cela s’est su. Un jour, cette histoire est arrivée aux oreilles de son frère Leif qui a pensé que c’était une terrible histoire.

Leif a pris trois hommes parmi les compagnons de Freydis et les a forcés

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sous la torture à dire la vérité sur les évènements et leurs récits étaient identiques en tous points.

« Je ne suis pas celui qui fera subir à ma sœur Freydis le châtiment qu’elle mérite, a dit Leif, mais je prédis que ses descendants ne réussiront pas dans ce monde. »

En fin de compte, tous se sont toujours attendus au pire de leur part.

Source: Keneva Kunz, trans., "Freydis Eiriksdottir et son époux Thorvard dans « La saga des Groenlandais »" in The Sagas of Icelanders: A Selection, preface by Jane Smiley, introduction by Robert Kellogg, (New York, London, Victoria (Australia), Toronto: The Penguin Group, 2000), 636-652. Notes:

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