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  Personne ne connat son nom: Klatsassin et la guerre de Chilcotin
   
 

HOMATCHO
ou
l’histoire de l’expdition de Bute Inlet et du massacre commis par les Chilcotins

[ Dtail de la carte de Waddington, Slough, campement, Copie de la carte originale, Alfred Waddington, British Columbia Surveyor General Branch Vault, Original Maps, 47 TY1 ]

En 1862, l’audacieux projet de construction d’une route qui serait relativement courte et facile emprunter vers les mines d’or de Cariboo en Colombie-Britannique, au lieu de la route prvue par le gouvernement qui devait passer par le fleuve Fraser, a t conu par feu M. Alfred Waddington, un riche pionnier nergique et un homme d’une farouche persvrance dans toutes ses entreprises et toujours prt de nouvelles expriences dans l’intrt de l’ouverture du territoire; c’est lui qui a tent, travers de nombreuses difficults et de dures preuves, d’avantager la population minire par l’exploration de cette partie de la formidable barrire, la chane des Cascades, afin d’ouvrir la voie pour la construction d’un passage vers les mines sur cette route, diminuant le parcours terrestre de prs de deux cents milles.

L’anse de Bute est un long bras de mer qui pntre dans le continent sur prs de quarante milles vers le nord; la pointe de l’anse se trouvent deux grands valles, l’une courbant vers le nord-ouest, l’autre vers le sud-est, d’o coulent des torrents, dont l’un vers l’ouest que les indignes ont nomm Homatcho , et qui est navigable sur une longue distance par bateau ou par navire vapeur de faible tirant. La rivire Homatcho est un torrent qui serpente vers le nord-ouest dans la valle trs fertile, bien qu’extrmement boise; l’t, le courant se situe autour de cinq nœuds dans la rivire et, sa source, on a dcouvert cette route courte et facile emprunter vers les rgions aurifres dans le secteur le plus au nord de la Colombie-Britannique. (Voir rapport du capitaine Richards, R.N.)

La construction de cette route par un individu tait une entreprise particulirement difficile, le gouvernement alors en place n’accueillant cette entreprise que comme un projet qui tait en concurrence avec les investissement requis pour le chemin de roulage le long du Fraser que des sapeurs et des mineurs construisaient sous la direction du colonel Moody; mais la plausibilit du projet, en plus des voies de transit faciles vers les mines une fois passes les Cascades, les vastes plateaux pittoresques et la plaine ondulante traverser qui s’tire jusqu’ Fort Alexandria, en plus de la facilit d’accs offerte par le golfe de Georgia pour atteindre un point terminal scuritaire, ont persuad de nombreux marchands et autres habitants de Victoria d’investir dans le projet de construction de la route. Une compagnie a finalement t cre et M. Waddington a dirig la slection de quelques travailleurs prts participer avec lui aux travaux, et nous suivrons cette quipe au cours de sa progression, jusqu’ l’endroit de sa terrible conclusion.

Au dbut d’avril 1863, nous avons quitt le quai de la Compagnie de la Baie d’Hudson sur le navire vapeur Enterprise , command par feu le Capitaine Mouatt, en direction de Bute Inlet. L’expdition tait compose de quatre-vingt-onze hommes travailleurs, y compris deux commissionnaires, des voyageurs franais en charge du grand cano, [trois mots illisibles] et un chef Stekin, dix-neuf mulets, une jument grise et deux porteurs, des provisions et de l’quipement; M. Waddington tait accompagn de M. Stelly, un touriste, du lieutenant Leech, un des sapeurs, et de M. Fred. Whimper, artiste, ainsi que de deux hommes, Clarke et un Italien (nom inconnu) qui avaient l’intention de s’tablir l’endroit dsign pour le lotissement urbain de Waddington ou dans ses environs.

Le soir, nous sommes arrivs Nanaimo et au point du jour suivant, nous naviguions lentement vers l’anse dans le brouillard alors dominant, lorsque nous avons t rveills soudainement car nous tions entrans directement sur une berge gazonne l’embouchure de la Homatcho, et le vieux vapeur y tait bien pris et n’a pu repartir avant un jour ou deux, ayant subi des dommages. Les Indiens prvoyaient l’arrive des hommes blancs pour le printemps car M. Waddington, qui avait explor cette rgion deux ans plutt avec le capitaine Price, avait inform les Homatcho de ses intentions; ils n’ont pas tard venir notre rencontre et nous ont prt tous les canos disponibles pour nous aider. Plusieurs d’entre eux ont t engags pour transporter le matriel et les hommes l’appontage. Ce matin-l, la vue de ces autochtones pour un tranger assez intressante, car pas un seul visage n’tait dpourvu de peinture, et ce qui tait le plus voyant tait la profusion de vermillon sur un ct du visage qui contrastait abominablement avec le noir appliqu de l’autre ct; nous avons toutefois remarqu que cette mthode d’ornementation tait seulement utilise par une minorit, des visiteurs de cette localit. Certains de ces Indiens singeaient aussi un peu la civilisation en revtant ce qui semblait tre les vieux uniformes de soldats, avec leurs dcorations; les uniformes ne semblaient pas reprsenter une nationalit en particulier; certains taient mme vtus de vieux habits noirs de gentlemen, alors que ceux qui n'taient pas tents par la mode des vtements civiliss enveloppent encore leur silhouette imposante dans les replis de couvertures rouges, blanches, bleues ou vertes.

Les Homatcho et leur chef (Nunimimum) ont t les premiers nous souhaiter la bienvenue. Cette tribu d’Indiens n’est pas nombreuse, mais ses membres sont chaleureux et particulirement amicaux l’gard des Blancs. Ils taient accompagns de quelques membres de la tribu Clayhoose avec laquelle ils pratiquaient les mariages mixtes et qui taient galement trs amicaux avec les hommes blancs, comme nous le verrons au cours de notre rcit. Ils sont assez intelligents et sont de bons travailleurs; ces tribus sont toutes catholiques et semblent tre fidles leur foi. Les derniers, mais non les moindres, taient des membres de la tribu Euclataw du Cape Mudge contre qui nous avions t mis en garde et qui taient ouvertement et suspicieusement pis par leurs voisins car on dit qu’ils sont responsables du meurtre de l’quipage de la golette de traite Thorndyke , meurtre commis quelques annes plus tt proximit de leur habitation. Le dbarquement de l’quipement s’est fait rapidement; des tentes ont rapidement parsem le terrain choisi pour l’tablissement du premier camp et la journe a t bien occupe jusqu’ la tombe de la nuit. On pouvait voir de nombreuses personnes discuter des vnements de la journe prs du feu de camp qui brlait lentement. Au cours du mois d’avril et pendant une partie du mois de mai, les hommes taient diviss en camps sectoriels distances presque gales; les fendeurs et les constructeurs de ponts ouvraient la voie prvue par l’arpenteur dans la valle, trs prs de la rivire sur environ quinze milles. Les limites de la ville ont t dfinies et un quai muni d’un entrept a t construit sur la nappe d’eau, calme et magnifique, nomme Waddington Harbor. Quelques cabanes de bois rond ont t bties – deux par les colons qui nous accompagnaient, lesquels ont par la suite t embauchs pour travailler avec les constructeurs de la route, et une suffisamment grande pour abriter les fournitures du commissariat qui servira de quartier gnral, supervis par un certain M. Brewster.

Le deuxime camp a t nomm Slough of Despond (trfonds du dsespoir) cinq milles de l’embouchure de la rivire, un surnom surprenant pour cet endroit, bien sr, pour ceux qui ne sont pas informs de son origine, mais qui peut s’expliquer en quelques mots : nous naviguions par erreur cet endroit, et quelle qu’en soit la cause, la dysenterie tait assez rpandue, ce que nous avons attribu l’eau de la neige, mais qu’un spcialiste minier au sein de l’quipe a plutt attribu la quantit de cuivre qui semble trs abondant dans les environs. Ce camp a servi de station jusqu’aux environs de juin et l’on venait y chercher les vivres mesure que la construction de la route avanait. La cabane de bois rond destine leur rception tait btie sur une berge modrment leve, lgrement avance et formant une courbe dans la rivire; sa position gographique offrait une vue d’ensemble sur son cours en aval et, de cet endroit, la vue tait magnifique. Les silhouettes massives et austres des montagnes couvertes de neige ternelle atteignant de cinq huit milles pieds de hauteur et dont les sommets prsentent une irrgularit presque plaisante, pourrait-t-on dire, et semblent si prs de nous dans l’atmosphre claire et pure qui contraste de faon magnifique avec la teinte vert fonc du feuillage de la fort de la valle o abondent les immenses sapins, les pins, et mme les peupliers deltodes de hauteur impressionnante.

La station approvisionnait plusieurs camps situs plus loin et c’est ici, bien sr, que plusieurs Indiens se rassemblaient non seulement pour faire la traite de fourrures mais aussi pour obtenir du travail, et par chance, comme la caravane de mules tait largement utilise pour transporter le matriel lourd ainsi que les provisions, on avait besoin d’eux pour faire du portage. C’est cet endroit que nous avons rencontr les Chilcotins pour la premire fois; ils taient peu nombreux; la majeure partie de la tribu vient rarement si prs des ctes; leurs habitations sont situes au centre du territoire, mais le chef de cette section de la tribu accompagnait ces quelques Indiens et dsirait vivement offrir ses services lorsque ncessaire en montrant ce qui semblait tre ses rfrences. De ce que l’on pouvait discerner, une diffrence trs marque distinguait ces Indiens de ceux que nous [avions rencontrs] par le pass; ils taient peu vtus; leurs traits taient hagards, ils avaient presque l’air affams. Certains portaient des anneaux au nez et leur visage tait affreusement couvert de peinture; les jeunes attachaient leurs cheveux en forme de brosse sur le ct de la tte ce qui rendait leur apparence encore plus bizarre. Ils sont de grandeur moyenne et leur accent ressemble celui des Chinois. Ils semblent trs dsireux de troquer pour obtenir des fusils et des munitions; ils utilisent toutefois surtout des arcs et des flches. Tellot , le chef des Chilcotins, aprs avoir discut et avoir reu l’habituel cultus potlatch (petit cadeau) de tabac, avait le plus grand dsir de montrer le journal qui confirmait son importance; il a sorti un petit paquet, qu’il gardait prs de son cœur, qui tait envelopp dans plusieurs pices de flanelle qui, l’tonnement de tous, contenait une section du Illustrated London News, dat de 1847, qui montrait une photographie des navires Erebus et Terror quittant Gravesend en Angleterre pour les rgions arctiques avec leur bord l’quipe de Sir John Franklin. Dans la marge, on pouvait lire ceci : Tellot, chef des Chilcotins, un bon guide, loyal et digne de foi, etc., sign Capitaine Price . Les instructions de M. Waddington exigeaient l’embauche de ces Indiens parce qu’ils s’avreraient utiles lorsque viendrait le temps de pntrer leur pays, mais les instructions faisaient aussi explicitement tat du traitement de tous les Indiens et celui qui oserait traiter l’un d’eux ou leurs familles respectives de faon causer une msentente entre eux et les Blancs serait immdiatement expuls et renvoy Victoria la premire occasion; un seul cas est survenu et ceci dmontre le bon comportement des hommes.

Mais tout ce qu’on peut dire des Indiens qui connaissent peu les coutumes des Blancs est qu’ils sont trs difficiles et qu’il faut utiliser beaucoup de tact et d’imagination pour leur faire faire ce qu’on veut, comme le dmontre cet exemple.

Les travaux de la route avanaient rapidement; nous tions rendus jusqu’ un endroit du nom de Boulder Creek, dix milles de distance. On y a construit des ponts, pos des rondins et une fois termin, le camp a t dplac; il tait ncessaire d’embaucher quatre des Indiens chilcotins pour porter les provisions le matin en calculant que chacun en porterait 75 lb; ils ont bien sr d’abord pris le petit djeuner avant de partir; le repas s’est ternis et la quantit de nourriture ingurgite tait tellement grande que le cuisinier, un homme de couleur, s’est fch et a refus d’en faire plus. Ils se sont gavs de fves, de lard, de pommes sches, de riz, de pain, de sucre et de mlasse, le tout arros de nombreuses tasses de th et de caf; ils se sont ensuite runis autour du feu pour fumer la pipe d’ardoise remplie de kinickanic et de tabac et ont ri l’ide de faire quoi que ce soit de la journe; ce type de comportement, cependant, ne s’est pas rpt et a donn lieu un redressement. En consquence, plus aucun petit djeuner n’a t pris en leur compagnie avant que la journe de travail ne soit termine.

Au milieu de juin, la route tait termine la satisfaction de tous jusqu’ la traverse de la rivire, environ quinze milles du site de la ville, et M. Waddington et les hommes ont travers dans des pirogues et des canos. La rivire tait basse, mais il tait urgent de traverser le plus de provisions possible, car le temps chaud s’tait install et une brusque crue des eaux tait craindre en raison des immenses quantits de neige dans les hauteurs; le vrai travail commenait; nous tions au pied des immenses montagnes et presque porte de voix du torrent qui se faufilait par le grand canyon.

Les Chilcotins nous avaient quitts pour aller pcher chez eux prs des lacs Tatla et Benshee, mais quelques Homatcho et Clayhoose sont rests. Les btes de somme ont port la plus grande partie des vivres la traverse de la rivire, au traversier, o une cabane imposante tait construite, tant donn que cet endroit allait tre une station permanente; un bac tait en construction ainsi qu’une petite embarcation et une longue corde tait prte tre tendue jusqu’ l’autre ct de la rivire, le bac allait tre tir sur l’eau par des blocs mobiles en prsentant son flanc au courant, mais avant la fin des travaux, la temprature a augment et une crue brutale s’est produite durant la nuit. La rivire a atteint un niveau impressionnant et est sortie rapidement de son lit, au point de compromettre notre communication. Frank Cote, responsable du cano, deux Portugais, De Souza et Louie, Henry MacNeill, fils de feu le capitaine MacNeill, de la Compagnie de la Baie d’Hudson, Spillet le cuisinier et deux Homatcho campaient au quartier gnral du traversier. Aprs quelques jours d’attente, il est devenu essentiel de faire parvenir plus de provisions de l’autre ct de la rivire, car quatre-vingts hommes travaillaient environ un mille au-del de la rivire et la violence du courant n’avait pas diminu; une offre gnreuse a incit les Homatcho tenter de traverser la rivire en cano et, chargs lgrement, ils ont pagay loin de la rive, environ un mille plus haut; ils ont gliss sur l’eau aussi rapidement que le vent, ont soudainement t soulevs par un rocher immerg et ils ont chavir; le cano est parti la drive et c’est seulement force de nager vigoureusement qu’ils ont atteint un contre-courant, et se sont accrochs la berge, enfin sains et saufs. Les hommes des camps plus haut sont descendus avec M. Waddington et de la berge oppose ont t tmoins de l’impasse; ils ont lanc un message attach une flche indiquant qu’ils taient presque court de provisions et demandant qu’une tentative soit faite d’une faon ou d’une autre; aprs consultation, nous avons dcid de faire un essai avec la petite embarcation que nous avons charge en consquence; avec Frank Cote au gouvernail et le reste de notre groupe qui tirait, nous sommes partis environ un mille plus haut pour atteindre le point voulu, sous le regard angoiss du groupe post sur le rivage oppos; le courant bouillonnant nous a pousss rapidement vers le bas et Cote a perdu le contrle mi-chemin du torrent et nous nous sommes retrouvs par le travers; les Portugais utilisaient toute leur force; devant nous se trouvait un rocher; nous semblions presque condamns – mais non! Seule une rame l’a frappe, s’est brise, avant de s’envoler; nous pouvions peine entendre les cris des tmoins soustraits nos regards; nous avions l’impression d’tre perdus, mais il y avait un remous favorable en avant et en tirant trs fort, nous avons russi faire balancer la petite embarcation, son chargement passablement mouill, dans les eaux calmes deux milles plus loin. Quelques jours plus tard, la crue avait suffisamment diminu pour nous permettre de tendre la corde d’une rive l’autre et aprs avoir surmont quelques petites difficults, le traversier a t install et, en faisant pivoter le bac dans sa position, on pouvait transporter les provisions, etc., de l’autre ct de la rivire o une imposante cabane de bois rond tait rige. L’endroit a t nomm Canyon Camp et cette station d’approvisionnement a t la dernire rige durant cette saison; la caravane de mules a continu de transporter tout le ncessaire au traversier partir du site de la ville et les Indiens et les Blancs ont travaill en nombre au transport des provisions dans la montagne nomme Waddington Mountain o le chemin traverse jusqu’aux camps tablis de l’autre ct. On devait cependant faire encore beaucoup d’exploration dans cette partie de la rgion la plus difficile pour s’assurer que la route construire soit la meilleure et la plus scuritaire possible; en voyant les difficults surpasser, on aurait pu tre enclin tout laisser tomber; nous avons rencontr d’immenses rochers, de terribles et normes ravins profonds et des immenses falaises pic tout autour. Mais, une fois le trajet dfini par notre chef invincible qui grimpait, escaladait et mme rampait sans cesse pour avoir des points de vue diffrents et observait les affreux prcipices, le [illisible] travail de dmolition l’explosif a commenc srieusement; chaque explosion puissante nous rendant confiants que la masse gigantesque serait dtruite.

Un dimanche, tt le matin, quelques-uns d’entre nous ont entrepris l’ascension d’une haute montagne pour avoir une vue d’ensemble sur la rgion et jeter un coup d’œil sur les profondeurs du grand canyon. Trois hommes qui quittaient la construction de la route ont fait un bout de chemin en notre compagnie puis ont pris la route vers Cariboo. Nous leur avons fait nos adieux et leur avons souhait bonne chance, M. Waddington les enjoignant de suivre l’embranchement nord-ouest de la rivire. Aprs plusieurs heures de voyage reintant, nous nous sommes arrts pour admirer le paysage et la vue valait ce voyage. En regardant au loin vers la cte, on peut voir une range profonde et sombre de magnifiques forts qui bordent la berge de la rivire sinueuse en bas dans la valle, enserre entre d’innombrables sommets de hauteurs varies, et lorsqu’on regarde vers l’intrieur, on peut voir distinctement travers un large espace dans la chane de montagnes, un dnivellement graduel des montagnes qui se termine dans une immense tendue de prairie apparemment verdoyante, qui offre une scne d’un certain soulagement contrastant avec la masse accidente, irrgulire et enchevtre de la rgion environnante. Dsireux de jeter un coup d’œil sur le grand canyon notre retour, nous sommes descendus dans sa direction et l’on peut difficilement oublier la splendeur du spectacle lorsqu’on a vu les poustouflantes falaises profondes et sombres d’o provient l’cho de ce bruit solennel du torrent imptueux qui coule plus bas, qui ne cesse jamais de vibrer; et qui ne se calme pas, jusqu’ ce qu’il ait pass les barrires de l’norme gouffre. Notre curiosit tait amplement satisfaite par ces coups d’œil sur l’œuvre de la nature. Tout gratigns et honteusement dguenills, nous sommes arrivs au camp la tombe de la nuit, affams et reints.

C’tait le mois d’aot et les Chilcotins devaient arriver bientt, car ils ont coutume de pcher le saumon dans un petit cours d’eau nomm Salmon Creek (Ruisseau aux saumons), prs de Canyon Camp. Peut-tre serait-il appropri de faire partager au lecteur quelques dtails intressants propos de ces Indiens. Les Clayhoose et les Euclataw revendiquent des droits sur la valle de Homatcho la tte de la valle, un endroit du nom de Salmon Ranch. La tribu suivante, une branche des Chilcotins, trs petite, revendique le territoire situ entre cet endroit et environ un mille plus au-del du grand canyon. Le territoire des Chilcotins s’tend de l’endroit mentionn plus haut (au nord), probablement sur 150 milles sur 120 d’est en ouest. La plupart possdent des chevaux. Au printemps, ils se rassemblent dans trois principaux sites de pche diffrents, c’est--dire, le lac Chi-se-cut, la rivire Chilcoaten, le lac Alexis sur le sentier qui mne Alexandria et l’extrmit nord du lac Tatla. Ces trois points forment un triangle d’environ 25 milles de ct. Les Indiens se rassemblent par groupes de deux trois cents personnes chacun de ces endroits pendant la saison de pche qui dure de mai juillet.

Un conflit existait entre les Indiens des basses terres et les Chilcotins, car ils avaient massacr dix-neuf personnes au mois de juin, quelques annes plus tt, environ un mille au-del du traversier, mais la paix avait t rtablie, bien qu’ils se mfient les uns des autres. Ces Chilcotins, vrai dire, la plupart d’entre eux, sont sales, ne pensent pas l’avenir et nombre d’entre eux doivent chasser au moyen d’arcs et de flches. Vers le milieu du mois, ils sont revenus au camp en compagnie de quelques Indiens de plus et du chef Tellot; ils avaient prs de vingt chiens ressemblant des coyotes qui transportaient divers iktas (choses) pour leurs familles. J’tais seul au camp lorsqu’ils sont venus et ils ont certainement profit de l’occasion; pendant que je conversais avec Tellot, je ne pouvais fermer les yeux sur la quantit de vols perptrs avec effronterie, non seulement par les fentes de l’entrept en bois rond, mais aussi en rampant sous les tentes des hommes; les autres hommes blancs tant partis dans les montagnes porter les provisions au camp plus haut, entre temps, ma rgle tait de ne pas dire un mot car je considrais qu'un contre sept ou huit de ces sauvages serait une lutte trop ingale, mme si je pouvais en abattre quelques-uns avec mon revolver une fois pouss l’extrme, mais j’ai agi selon le vieil adage qui dit : le bon sens vaut mieux que la bravoure et j’ai dcid de ne rien faire avant l’arrive de McNeil et des hommes, je serais alors mieux dispos pour carter ces vilains. Les choses se sont droules parfaitement pour un moment, des rires fusaient de leur ct, bien sr, j’avais le devoir d’entretenir pendant un moment les rires, me montrant parfaitement inconscients des divers accrocs aux droits de l’homme. Autour du feu de camp, ces compagnons adoptaient une attitude de grande satisfaction ayant obtenu divers couteaux et fourchettes, du tabac et autres bagatelles de peu de valeur, alors qu’on pouvait bien voir dans leurs carquois accrochs leur dos les pointes des couteaux. Le soir, une heure ou deux avant le coucher de soleil, les porteurs qui revenaient ne furent pas surpris de voir la compagnie rassemble, car les Indiens avaient t vus dans les montagnes se dirigeant la queue leu leu vers le camp. On a rapidement dcouvert que des articles avaient disparu et les nouveaux arrivants ont t points du doigt; nous avons consult Tellot, et par l’entremise de celui-ci tout allait tre remis. Harry McNeill, un homme grand et intelligent, a renvers un des Indiens (le sauvage la grande cicatrice au visage qui a particip au massacre) l’a roul sur le feu et deux couteaux, du tabac et des flches sont sortis de son carquois; se voyant dcouvert, il a immdiatement point les autres qui l’avaient accompagn dans le vol du butin. Ils ont tous t immdiatement enjoints de se ternir une distance respectable pour empcher d’ventuelles manifestations de leurs tendances kleptomanes. Le mme soir, un Indien est entr prcipitamment dans le camp et a affirm que trois hommes blancs, environ deux milles du camp, mouraient de faim et lorsqu’ils ont t transports l’intrieur, on a constat qu’il s’agissait des hommes qui avaient quitt Cariboo et qui s’taient perdus. Ceux-ci se trouvaient dans un tat lamentable; on pouvait difficilement les alimenter en toute sret car la seule nourriture qu’ils avaient prise depuis quelques jours consistait en un rat des bois qu’ils avaient captur par stratagme et une vieille sacoche de cuir, qu’ils avait fait cuire. Un des hommes tait tellement faible lorsqu’on l’a trouv qu’il pouvait peine rester debout et si ce n’avait pas t de l’aide opportune d’un chasseur indien qui par intervalles a port le plus faible sur son dos, ils seraient srement tous morts de faim. Ils se sont rapidement remis par la suite grce aux bons soins et la nourriture et aprs ces vnements, ils amusaient souvent le camp avec les aventures de trois voyageurs gars.

Un des trois hommes est reparti pour Cariboo o il est arriv plus tard; il a travaill dans les mines pendant quelques annes et est finalement devenu autonome.

Vers la fin aot, les services du chef Tellot furent requis par M. Waddington, pour servir de guide vers Fort Alexandria. La rmunration serait : un fusil, de la poudre et des balles, deux couvertures de trois pieds et de la nourriture pour sa femme et ses trois enfants pendant son absence – le contrat rempli, on a aussi troqu avec lui une chique de tabac contre un jeune chien-loup par curiosit, un march galement satisfaisant. Le voyageur en convalescence a accompagn l’quipe qui tait compose de cinq hommes, y compris McNeill, mais a quitt rapidement, lgrement mal l’aise. Nous avons entendu dire que l’quipe est arrive Alexandria aprs environ cinq jours, aprs avoir travers des prairies majoritairement couvertes majoritairement d’herbage ondulant o les pois grimpants abondaient jusqu’aux rives des lacs Tatla et Benshee o l’on trouve une rgion dcouverte sans gal pour l’levage du btail.

Comparativement la dure tche que reprsentait la destruction l’aide d’explosifs des galeries des falaises massives des Cascades, les derniers travaux de construction de la route sembleraient passablement lgers.

En octobre, nous avons reu l’ordre de revenir au site de la ville. La neige descendait lentement des montagnes, quelques feuilles teintes de couleurs automnales taient tombes et l’on pouvait entendre distinctement pendant la nuit le hurlement plaintif des loups alors qu’ils descendaient des montagnes. Dix-sept hommes ont t dsigns pour effectuer le travail en hiver sous la direction de Brewster qui agirait comme contrematre pour faire sauter la longue galerie de la troisime falaise au-del du canyon et de Jim Smith, un ancien sapeur, qui a t nomm responsable des provisions et du traversier.

Cote, en charge du grand cano, nous attendait au dbarquement et seize d’entre nous ont fait leurs adieux nos amis les Homatcho qui nous ont dit au mme moment qu’ils espraient notre retour au printemps suivant. D’autres hommes de l’quipe avaient quitt des moments diffrents, lorsqu’une occasion se prsentait. Le voyage vers Victoria a dur environ cinq jours aprs un priple de sept mois dans les dcors les plus austres ainsi que certains des plus pittoresques de la Colombie-Britannique…

FREDERICK JOHN SAUNDERS, Commissionnaire, Membre du groupe.

NOTE.— Comme j’avais perdu certaines de mes notes sur le massacre de Bute Inlet lors de mes voyages en Californie; M. D. W. Higgins du Colonist m’a gentiment prt ses dossiers comme outil de rfrence.

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