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Une utopie vouée à l’échec

Les Doukhobors et leurs problèmes – Comment Peter Verigin utilise l’ignorance de ses disciples

[ La communauté des Doukhobors était reconnue pour son utilisation des technologies les plus récentes, dont une charrue à vapeur pour pénétrer le sol de prairie, Unknown, Plakun Trava p. 94 ]

Par madame W. Garland Foster.

Essentiellement un peuple pacifique, contre la guerre sous toutes ses formes, les Doukhobors, tout comme le reste de la population mondiale, ont ressenti l’agitation qui résulte d’un retour aux conditions normales. L’expérience de ces gens, qui essaient de préserver une colonie dont les idéaux diffèrent du reste du monde, devrait être utile à ces pays qui désirent maintenir un splendide isolement au cœur des problèmes que connaît le monde.

La désagrégation de la « Community of Universal Brotherhood », comme ils se nomment, se poursuit depuis quelques temps, probablement depuis leur arrivée dans ce pays, même si plusieurs croient que la ligne de démarcation n’a pas été tirée avant l’arrivée de la guerre et que le besoin d’une plus grande expansion a poussé les administrateurs à créer une société à capital actions. [...]

Pendant la guerre, les Doukhobors ont dû connaître des difficultés et on a entendu certaines choses au sujet du manque de rations dans la communauté. Produire de la nourriture pour une si grande population n’était pas facile dans un nouveau pays et l’opinion publique ne leur était pas très favorable. [...]

Pendant cette période d’agitation où il a été question que des soldats soient cantonnés sur les terres des Doukhobors, le comité de reconstruction de Grand Forks a noté que les Doukhobors de « cette colonie ont 200 enfants d’âge scolaire et même si le gouvernement a ouvert une école séparée, seuls 12 élèves vont à l’école, tous des garçons. Nous croyons que les Doukhobors exploitent le système scolaire dans le but de maintenir leur système communautaire, c’est-à-dire pour préparer des chefs pour leurs différents départements et non pas pour l’éducation de leurs enfants en général. »

[...]

La question scolaire est devenue un sujet d’actualité pour plusieurs raisons. Il est intéressant de noter que toute démonstration dans la « Community of Universal Brotherhood » a généralement lieu peu de temps après la rencontre annuelle qui se tient toujours le premier mars. Au printemps de 1922, ils ont tenté de faire une parade « au naturel » ce qui a mené certains agitateurs dans la prison de Nelson. L’année dernière, il y a eu l’incendie de la première école de Grand Forks, rapidement suivie de trois autres incendies d’écoles. Jusque là, la seule réponse du gouvernement de la C.-B. était de sommer quelques Doukhobors de comparaître en justice pour ne pas s’être soumis à la loi scolaire. L’attitude du chef Veregin quant à l’incendie de la première école était étrange et, à ce moment, semblait indiquer qu’il était à tout le moins au courant de certains faits ou qu’il approuvait ce qui s’était passé, jusqu’à un certain point. Il a déclaré que les amendes demandées aux Doukhobors pour ne pas s’être soumis à la loi scolaire ne seraient pas payées de plein gré et que si la force était utilisée, toutes les écoles seraient fermées et qu’il ne pouvait garantir que d’autres écoles ne seraient pas brûlées. De plus, il a accusé le gouvernement de tenter de provoquer une querelle et il a aussi accusé l’inspecteur et les enseignantes de manquer de tact, laissant entendre que le fait que les jeunes enseignantes sortent tard le soir avec des amis masculins donnait un mauvais exemple aux jeunes Doukhobors. […]

Verigin était probablement content d’avoir une excuse pour distraire l’attention de ce qui se passait réellement dans la colonie. Pendant l’hiver 1921-1922, à la suite d’un rapport selon lequel les Doukhobors pourraient retourner en Russie, il y a eu une tentative de collecte de fonds pour aider les Russes et les réfugiés qui souffraient de la famine; 500 personnes de la communauté se sont prononcées ouvertement contre cette collecte et ont appuyé un article dans le journal local signé par Toporov, Lapatkin et Kortsoff. Pour bien ressentir la fine glace sur laquelle Peter Verigin tentait de patiner à ce moment-là, il suffit de regarder le paragraphe décrivant sa position, dont voici une reproduction fidèle : « Nous, de la Christian Community of Universal Brotherhood, avons également des gens à la tête de notre organisation, Peter Veregin et d’autres, qui nous demandent de ramasser des fonds pour les gens qui souffrent de la famine en Russie et pour ceux qui se sont échappés. Veregin vit une belle vie; il mange toujours et il travaille peu. Mais nous, un groupe de plus de 500 travailleurs, nous protestons énergiquement contre la collecte de fonds pour les Russes qui souffrent de famine parce que nous-mêmes, nous sommes restreints dans notre nourriture. Et s’il devait y avoir une répétition cette année de ce qui s’est passé l’année dernière, alors nous aussi, nous serions très près de la famine au Canada… Il est temps d’adapter un adage anglais : « Aidez-vous vous-mêmes! »

[...]

La « Community of Universal Brotherhood » [peu de temps après] a émis une déclaration sur les buts de la société et qui se lit comme suit : « Cette société a été fondée sur un principe qui dit que tous les travailleurs œuvrent dans le même intérêt. Du simple travailleur au président, tous les membres reçoivent la même rémunération. Chaque membre a droit à une somme d’argent limitée en prévision des temps durs, mais chaque personne qui vit dans la communauté reçoit une maison, de la nourriture, des vêtements, etc. De plus, les dépenses de voyage des administrateurs sont payées par la société. »

[...]

L’élection [des administrateurs de la « Community of Universal Brotherhood »] pour l’année 1924 semble s’être déroulée sans trop de publicité, mais dans la liste des administrateurs, on ne retrouve pas les noms de Koftinoff, qui a été remplacé comme gérant à Brilliant par Larry Veregin, de Shervinin, qui a eu plusieurs contacts avec le prolétariat canadien et dont on dit qu’il avait jeté l’œil d’Omar sur les tentations corporelles du monde extérieur; et Reibin, qui avait une certaine influence dans la communauté, est parti en Californie à la suite de divergences d’opinions.

Cependant, depuis la réunion annuelle, les fanatiques ont encore une fois été fort occupés et trois autres écoles se sont ajoutées à la liste des écoles incendiées l’an dernier et, à cette occasion, la maison de Peter Verigin à Brilliant a aussi brûlé. Il y a quelque chose d’assez étonnant à propos de cette maison meublée avec grand confort, pour ne pas dire luxueusement, et dont on dit qu’elle contient des tapis orientaux de grande valeur; on dit que le propriétaire n’y aurait jamais passé une seule nuit! Étonnant que cet homme de pouvoir ne dorme pas en paix dans une communauté où les gens sont si intègres qu’ils ne mangent pas de viande (sauf en cachette) et que lorsque les écureuils et autres rongeurs deviennent gênants, on les attrape et on les transporte un mille plus loin pour les relâcher plutôt que de les tuer.

Le ministère de l’Éducation de la C.-B. a déjà annoncé la reconstruction des écoles, le coût sera ajouté aux taxes des Doukhobors. Verigin dit lui-même que les incendies sont l’œuvre de fanatiques et il est généralement admis à l’extérieur de la communauté que, cette fois, le fanatisme était dirigé contre sa propre personne.[...]

Source: Mrs. W. Garland Foster, "Une utopie vouée à l'échec," Saturday Night, 14 juin, 1924.

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