LA TRAGÉDIE.

Funérailles des victimes du meurtre.

SERMON PRONONCÉ PAR LE RÉV. PÈRE CONNOLLY.

[...]

SERMON DU PÈRE CONNOLLY

Lors des funérailles aujourd’hui, le père Connolly a prononcé le sermon. Ses remarques, qui condamnaient fortement les assassins, ont été la source de presque autant d’étonnement que la tragédie même. Avant ces remarques, on supposait que le père Connolly était un ennemi juré des Donnelly, et d’affreuses rumeurs circulaient relativement à son lien avec le Comité de vigilance. On ressent maintenant un soulagement et il est fort probable que l’explication du prêtre exonérant les Donnelly jouera un rôle important dans le rétablissement de la confiance et aidera grandement à ramener la paix entre les parties adverses.

Le discours du père Connolly, à la fin de la grand-messe, a été très long. Au sujet de la terrible tragédie, il a dit : Chers amis, vous êtes devant une des scènes les plus solennelles dont il m’ait jamais été donné d’être témoin, et pourtant j’ai assisté à bien des scènes solennelles, mais jamais comme celle-ci. J’en ai le cœur brisé. (À ce moment, le rév. père a éclaté en sanglots et, succombant à l’émotion, s’est détourné de l’assemblée.) S’étant quelque peu remis, il a continué : je n’aurais jamais cru qu’une telle scène puisse se produire. En venant à Biddulph, j’ai quitté un endroit paisible—un endroit chrétien—et un endroit où les lois de Dieu et de l’homme étaient observées et respectées. Je suis venu dans un district où ni les lois de Dieu ni celles de l’homme n’étaient observées, d’où les conséquences, terribles et fatales, que nous avons devant moi aujourd’hui. Oui, chers amis, les lois de la terre, fondées sur les lois éternelles de Dieu, n’ont pas été observées dans ce comté et ce district, et ceux qui étaient chargés d’appliquer ces lois ont omis d’accomplir leur devoir et ils devront répondre des vies de cinq personnes autre part. Avant d’arriver ici, je ne savais pas qu’il y avait eu des incendies et de terribles destructions ici, et je ne pouvais croire qu’il se trouvait un catholique irlandais à Biddulph pouvant attirer un tel déshonneur sur lui et sur son église en commettant ces actes sanglants, qui n’auraient pas déshonoré la communauté si la loi avait été correctement appliquée. Deux choses doivent être observées dans toute société, peu importe de quelle religion est cette société. Les hommes peuvent avoir leur propre opinion sur l’évangile et leur interprétation personnelle de ses enseignements; mais personne ne doit avoir de doute quant au fait que dans l’intérêt du christianisme—de la société—tous devraient s’efforcer d’observer cette loi, et de la faire appliquer. Cela n’a pas toujours été fait à Lucan et à Biddulph, et ceux qui étaient chargés de l’application de nos lois n’ont pas rempli leur devoir, et l’ont prostitué; et c’est à cause de cette prostitution que nous sommes aujourd’hui rassemblés en cette occasion solennelle. Les coupables qui ont souillé leurs mains de sang innocent auront à répondre de ce crime affreux devant le Dieu vivant. Les scènes qui se sont déroulées ici ont déshonoré le district et ceux qui y vivent. J’en suis désolé, et en particulier pour toute la famille. On pourrait penser que je n’avais pas d’amitié pour cette famille. J’avais de l’amitié pour les parents, mais je ne connaissais pas beaucoup les enfants. J’étais particulièrement ami avec la vieille femme. [...]

C’est lors du vol d’un cheval appartenant à Kelly que j’ai pour la première fois eu un problème avec eux. J’ai rencontré le jeune homme et voulu lui parler en tant que prêtre, et par la suite, M. William Donnelly m’a envoyé une lettre dure, incisive, qui aurait été une bonne lettre à écrire à un politicien ou à un homme d’affaires. C’était un jeune homme possédant un talent naturel et capable d’écrire une bonne lettre—s’il avait été rédacteur en chef d’un journal, elle aurait été une bonne réponse, mais ce n’était pas une bonne lettre pour un prêtre. Je n’ai parlé de cette lettre à personne jusqu’à ce que j’entende dire que William parlait de m’expulser du pays. Il y a aussi eu le battage de Ryan. Ryan est venu me voir et voulait me convaincre d’inciter les jeunes hommes à permettre ce battage. J’ai tenté, avec un ami de Québec, un ministre, de faire sortir le jeune homme de Kingston. En ce qui concerne les parents, je ne leur ai jamais tenu rancune, en fait, je n’en ai jamais eu avec aucun membre de la famille, mais les fils avaient un mauvais tempérament. Ce sont les seules difficultés que j’ai eues avec ces deux hommes. Et maintenant, au sujet de la création de la Société. Je n’ai rien à voir avec cette Société. Je n’ai jamais assisté à leurs réunions, mais j’ai une foi sans bornes en ces hommes qui étaient dans cette Société. Je crois qu’ils n’auraient jamais été capables d’une action aussi terrible. Je crois que ce comité n’a rien à voir avec cette action. Pour ce qui est des parents, je les estimais autant que quiconque dans la paroisse. Depuis la mort de Mike Donnelly ils sont venus communier. Je n’aurais jamais même rêvé d’une telle situation. Je pensais que toute l’affaire s’estomperait. Le vol de chevaux, et le rasage de queues de chevaux, étaient des choses que les gens n’aimaient pas. La foi fait défaut à tous les Irlandais. Nul homme n’est quelqu’un sans personnalité, mais s’il en a une il est tout, et s’il ne respecte pas cette personnalité, nous ne pouvons connaître la paix. J’ai été ravi, et spécialement depuis que je connais mieux Patrick Donnelly, en qui j’ai découvert un homme honnête, respectable, de lui avoir parlé et de l’avoir considéré, et peut-être que s’il avait été ici les choses auraient été différentes. La vieille dame était une femme sensée à qui j’ai parlé et que j’ai considérée, mais le vieil homme, quoique très bon, et que j’appréciais, n’était pas le genre d’homme sensé avec qui je pouvais parler comme je le faisais avec la vieille dame. Les derniers mots que la vieille dame m’a dits sont : « Père Connolly, j’ai essayé de montrer à mes garçons à être bons ». Ici, la voix du prêtre s’est encore brisée un moment, après quoi il a continué : je ne peux comprendre comment cela a pu se produire. Je ne croyais pas qu’un homme puisse être capable d’une chose pareille à Biddulph. Je savais que certains hommes pouvaient en frapper un autre quand ils étaient à demi soûls, ou en attaquer un sur la route, mais je n’aurais jamais pensé qu’ils auraient pu commettre un tel massacre. C’est une honte pour Biddulph et tous ceux qui vivent ici. Cependant, mes bien chers frères, tout ce qui nous reste à faire maintenant, ainsi qu’à la famille, est de prier pour ceux qui nous ont quittés, et ceux qui demeurent doivent se réformer, car, que ce soit par la main de Dieu ou par la vilaine main de l’homme, nous devrons tous paraître devant le Dieu vivant à une heure et un moment que nous ignorons. Pensez alors à ces malheureuses gens qui ont été appelées sans un moment pour prier, qui doivent comparaître devant Dieu et répondre de leurs péchés. C’est affreux pour ces gens. L’homme n’est qu’une ombre. Il n’a que quelques années à vivre ici. Quelle sera votre condition une fois qu’elles seront écoulées? Votre société sera-t-elle composée de voleurs, de dépravés et de meurtriers, ou sera-t-elle celle du Fils du Dieu vivant? [...]

PHOTOGRAPHIE DE LA DÉPOUILLE.

Hier matin, de très bonne heure, un journaliste de l’ADVERTISER, accompagné de M. J. S. Thoms, photographe, s’est présenté chez M. Connors, où gisait la dépouille de John Donnelly, et un cliché du défunt a été pris. C’était un jeune bien bâti, son développement physique était complété. Dans la mort, il arborait le même sourire qui jouait habituellement sur son visage lorsqu’il vivait. Il était, depuis quelque temps, un homme qui observait une stricte tempérance. Le distingué médecin qui avait fait l’autopsie a dit qu’il n’avait jamais vu un homme au cœur si gros, alors que ses poumons étaient de dimensions parfaites. Pendant la prise de photo, son frère Robert, le plus jeune, était complètement bouleversé et pleurait amèrement. Les autres frères, à l’exception d’un tremblement passager dans la voix ou d’une larme fugitive, étaient solides comme des rocs, mais la ferme détermination de découvrir les auteurs du meurtre se lisaient clairement sur leurs visages. L’inscription sur le cercueil de John Donnelly disait : « John Donnelly, mort le 4 février 1880, à l’âge de 32 ans et 11 mois ». En lisant ces mots, son frère Pat remarqua : « Pauvre petit, “mort”! Il aurait fallu écrire assassiné ». [...]

Source: Unknown, "The Tragedy - Funeral of the Murdered People," London Advertiser, février 7, 1880.

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