LA TRAGÉDIE.

[...] Préparation de l’enquête.

LE PÈRE CONNOLLY SUCCOMBE À L’EXCITATION NERVEUSE.

[...] DIMANCHE À LUCAN.

Lucan, 8 février.- Ce village qui semble habituellement très tranquille et monotone, sauf quand vient l’heure de la messe dans certaines de ses églises ou quand les fidèles reviennent à la maison après la messe, était particulièrement animé aujourd’hui. Carrioles et traîneaux, conduits par des hommes impatients d’entendre les nouvelles et de voir de leurs propres yeux les restes de la

VIEILLE MAISON DE BOIS ROND,

qui a été la scène de la tragédie perpétrée il y a quelques nuits, ont afflué de toutes parts. Ils venaient de Exeter, St. Mary’s, London, et de partout à travers le pays environnant, ils avaient tous l’air horrifiés et tristes quand ils se rendaient à l’endroit qui leur était indiqué, où reposaient

LES RESTES CALCINÉS D’UNE MÈRE,

qui, alors qu’elle priait, en vain, car ses meurtriers ne lui avaient laissé qu’un court instant pour se préparer à la mort, avait été assassinée. Même chose à l’endroit où gisaient les cendres d’un garçon, qui n’avait passé qu’une courte année à Biddulph, et qui ne savait rien des complots de la bande des Donnelly; il a lui aussi crié grâce aux meurtriers de minuit, mais a prié en vain.

À L’ÉGLISE.

Ce matin des foules nombreuses se sont rendues à l’église catholique en pensant que le père Connolly ferait de nouveau allusion à l’horrible meurtre. Il était trop bouleversé, cependant, par l’atrocité de l’événement qui frappait ses paroissiens pour célébrer la messe et le rév. père Dillon, de London, est venu le remplacer, et c’est lui qui a dit la grand-messe. Juste avant que ce dernier fasse son sermon, le vénérable père Connolly s’est approché à l’avant de l’autel et a imploré l’assemblée de prier Dieu Tout-Puissant pour le repos des âmes de ces pauvres victimes. Il lui a aussi demandé de prier pour ceux qui avaient pour l’instant perdu

UN PÈRE, UN MARI OU DES FRÈRES.

Il souhaitait que leurs voisins s’assurent qu’ils ne manquaient de rien. Il aurait aimé aller les voir et les réconforter, mais il avait été débordé de travail ces derniers temps et était incapable d’y aller à présent. Pour sa part, il a dit qu’il était bouleversé par

L’AMPLEUR DU MALHEUR

qui venait de survenir parmi eux, parce qu’il n’avait jamais soupçonné qu’une telle chose puisse arriver dans la paroisse où il était curé. À cet instant le pasteur d’âge mûr fit une pause, incapable de poursuivre, trop ému pour parler, et il avait l’air de vouloir se retirer et trouver la paix, là où il n’entendrait plus jamais un mot sur le sujet. Il dit être persuadé que ses paroissiens n’avaient rien à se reprocher, mais un fin observateur pouvait à coup sûr remarquer que le

CURÉ AU CŒUR BRISÉ,

en disant à l’assemblée être persuadé que ses paroissiens n’avaient pas sur leurs mains le sang de la famille assassinée qu’il avait lui-même secrètement crainte, espérait en dépit de tout qu’il s’adressait par le fait même à quelques-uns des hommes qui avaient fait brutalement entrer la mort dans la famille assassinée. Une fois revenu à lui, le rév. gentleman a lentement déclaré que son frère Dillon, de London, était venu de London pour l’aider et le réconforter dans son malheur. Il souhaitait que ses paroissiens s’en remettent à Dieu Tout-Puissant pour qu’il leur donne la force de ne pas se laisser abattre par ce grand malheur. Ils avaient tous pu constater qu’il faisait de son mieux, depuis son arrivée auprès d’eux, pour prêcher la paix et la bonne volonté au sein de la communauté, tant par le précepte que par l’exemple. Il leur avait souvent conseillé d’éviter les voies qui mènent au péché et au non-respect des lois, et il était certain que s’ils avaient suivi ses conseils, une large part du mal dont ils avaient été affligés leur aurait été épargnée. Il espérait qu’ils tourneraient la page et qu’à l’avenir, ils mèneraient une vie vertueuse et sobre. Qu’ils s’amélioreraient à l’approche du carême, qui commence après le Mercredi des cendres, et que s’ils venaient à l’église, ils attireraient la bénédiction de Dieu sur cette congrégation souffrante.

[...] PATRICK DONNELLY.

Au sujet de ce membre de la famille, le Thorold Post a écrit mercredi matin que notre concitoyen, M. Patrick Donnelly (de Becker & Donnelly) a reçu un télégramme de Lucan, disant que son père, sa mère, deux de ses frères et sa cousine avaient été assassinés par une foule, et M. Donnelly a pris le train de midi pour Lucan.

Une vive compassion a été témoignée à M. P. Donnelly pour la terrible perte qu’il a subie. Sa réputation depuis sa venue à Thorold a été celle d’un jeune homme calme et vaillant et tous sont désolés que ses proches aient connu une fin aussi prématurée. Souhaitons que ceux qui ont commis ces actes criminels soient très bientôt châtiés.

LISTE COMPLÈTE DES PRÉVENUS.

Comme les prisonniers présentement en détention ont été amenés par intervalles, nous présentons ci-dessous la liste complète de ceux qui se trouvent actuellement en détention.

John Kennedy.
James Maher.
Martin McLaughlin.
James Ryder.
Patrick Ryder.
James Carroll.
John Maher.
John D’Arcy.
Patrick Ryder, fils.
Michael Heenen.
John Purtell.
Wm. Carroll.
Thomas Ryder.

INDIGNATION.

Lucan, 8 février.- Une vive indignation est soulevée ici par les propos nettement partiaux du Free Press. Dans tous les reportages de ce journal les villageois décèlent le désir de placer la famille Donnelly sous le jour le plus défavorable possible et de porter les meurtriers aux nues. Cela est franchement injuste et maintenant que les esprits de la population se sont quelque peu refroidis, elle se rend pleinement compte de la terrible atrocité de cet assassinat nocturne et elle n’admettra aucune tentative visant à sauver les meurtriers de la punition que mérite leur acte crapuleux.

[...] L’HORREUR À BIDDULPH.

Commentaires de journaux externes.

La communauté entière, glacée d’horreur par la tragédie de Lucan, la région voisine dans laquelle l’acte de feu et de sang a été consommé, est tout à fait consternée à la vue de ce massacre immoral qui a expédié cinq membres d’une famille vers leur dernière destination et a transformé en honte et en mépris la réputation des Canadiens qui était celle de gens respectueux des lois. Honte et mépris—et pire, si cela est possible—sont peut-être tout ce qu’ont inspiré les victimes de ce meurtre prémédité et systématique, car elles étaient sûrement de très mauvaises gens, et la terreur de leurs voisins. Mais tout cela ne justifie en rien le meurtre lâche commis par une bande de brutes masquées qui, en exécutant la peine du juge Lynch à l’endroit des Donnelly, se sont rendus coupables d’un crime au moins aussi noir que toute action qu’ait pu commettre cette famille pervertie et vouée à la perte.—Kingston Whig.

Rien d’assez sévère ne pourra être dit des auteurs de cet horrible massacre perpétré à Lucan. Que ces hommes, femmes et enfants aient été attaqués pendant leur paisible sommeil et abattus sans distinction; que l’infamie ne se soit pas limitée à un seul foyer; et que le meurtre ait été parachevé et embrouillé par un incendie, tout cela fait de ce crime un exemple d’une atrocité exceptionnelle. Que cela puisse avoir été délibérément planifié et exécuté par un nombre considérable de voisins, vivant tous ostensiblement comme des hommes honnêtes, tranquilles et même pieux, sans qu’aucun d’eux ne reçoive jamais de remontrances ou, faute de remontrances, une forme de répression plus active, est la caractéristique la plus incroyable de ces circonstances extraordinaires.—Montreal Herald.

Source: Unknown, "The Tragedy," London Advertiser, février 9, 1880.

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