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Marie-Josèphe-Angélique, Montréal, Québec 21 juin 1734. Paul Fehmiu Brown, 2005.

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[...]

J’ai ordre de rattraper et ramener une incendiaire, personne ne m’a rien dit à ton sujet [Claude Thibault]. Mais tu resteras sous l’escorte de mes hommes jusqu’à Montréal. Tu ne devras pas quitter la ville avant que cette affaire n’ait été tirée au clair. Peut-être es-tu son complice. Je suis pour ma part convaincu que cette fille n’est pour toi qu’un égarement passager. Ce sera au juge d’en décider. [...]

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[...]

L'officier et ses hommes, après une douzaine d'heures de marche, ramenèrent triomphalement Marie-Josèphe-Angélique en ville.

Il donna ordre au peloton de tête d'emprunter la rue Saint-Paul, pour ainsi permettre à Marie-Josèphe-Angélique de constater toute la désolation laissée par son supposé forfait.

Ignorant tout de l'ampleur de cet incendie qui consuma quarante-six maisons, le couvent et l'Hôtel-Dieu, Marie-Josèphe-Angélique perdit connaissance et s'écroula.

On la ranima, la remit sur pied et le cortège continua son chemin. Tout au long des trottoirs, la consternation se lisait sur les visages ahuris des badauds et des enfants que des mères tenaient par la main ou serraient contre leur poitrine. [...]

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[...]

La rapidité avec laquelle se déroula la procédure allait en laisser plus d'un songeur, aucune preuve de la culpabilité n'ayant été établie. La cour semblait déjà acquise à la parole de madame Decouagne, avant même l'ouverture du procès.

Ce greffier possédait-il l'autorité nécessaire pour conduire un interrogatoire? De toute évidence, il était là pour intimider Marie-Josèphe-Angélique et profiter de son

désarroi.

Pendant trois jours et trois nuits, il ne cessa de lui mettre l'épée dans les reins afin de lui arracher un aveu, mais elle ne cessa pas de clamer son innocence.

[...]

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-On finira par te faire avouer ton crime, ça prendra le temps qu'il faudra.

Il se tourna vers le gardien.

-Cours me chercher Gaudrault, lui ordonna-t-il. Qu'il vienne immédiatement.

Le gardien disparut et revint bientôt en compagnie d'un homme trapu, qui tenait dans ses mains plusieurs instruments de torture.

Le greffier claqua les doigts et l'homme se mit à l'œuvre. Il empoigna violemment Marie-Josèphe-Angélique par le cou et déchira sa robe jusqu'au torse. Il lui fit signe de se dévêtir complètement. Elle s'exécuta sous l'œil amusé du gardien, qui fixait ses seins. On la poussa face au mur et on lui attacha les chevilles à l'aide d'une longue chaîne, en lui laissant les mains libres. On lui passa ensuite un carcan autour du cou.

-Cet homme est sourd et muet, déclara le greffier.

Alors je te conseille de ne pas faire de gestes trop brusques pour essayer de te débarrasser du carcan. Tu risques de te rompre le cou, et ce n'est pas ce que nous voulons. À présent, nous te laissons. À mon retour, ou bien tu seras morte, ou bien tu seras prête à tout avouer. [...]

Source: Brown, Paul Fehmiu, "Marie-Josèphe-Angélique, Montréal, Québec 21 juin 1734" (Montréal: Continents, 2005), 109-112.

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