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PROF. MAVOR CONCERNANT LES DOUKHOBORS

Au rédacteur en chef du Globe : J’ai reçu ce matin le télégramme suivant : « Nous, les Doukhobors de la Colombie-Britannique, qui sommes encore en deuil de la mort prématurée et tragique de notre bien-aimé chef, Peter le Divin Veregin, prions Dieu tous les jours lui demandant de nous aider pendant ces temps difficiles, mais le gouvernement de la Colombie-Britannique ne reconnaissant pas cette triste situation prend des mesures très cruelles pour obliger nos enfants à aller à l’école. Ils ont déjà commencé à ruiner nos propriétés, qui sont déjà en mauvais état après la saisie des biens meubles, incluant les provisions et même des ustensiles de cuisine pour remboursement d’amendes imposées par le gouvernement. Nous vous demandons humblement au nom de Jésus-Christ d’utiliser votre influence sur la population canadienne pour arrêter cette action scandaleuse qui n’a pas sa place dans un pays libre civilisé. Nous nous fions à votre bonté et nous vous remercions à l’avance pour l’aide que vous nous donnerez. (Signé) The Christian Community of Universal Brotherhood, Ltd. »

Il est difficile de résister à cet appel naïf et émouvant. Il y a environ une semaine, j’ai reçu une lettre dont voici un extrait :

« Victoria, C.-B., 31 mars 1925 : Je voudrais que vous soyez ici pour m’aider dans mes efforts afin d’obtenir du gouvernement de la C.-B qu’il offre un traitement équitable aux Doukhobors de la C.-B. Puisque les Doukhobors n’ont pas le droit de vote, ils sont traités de manière scandaleuse. En tant qu’Anglais, cette situation trouble la paix de mon esprit et mon sens de la justice. (Signé) F. W. Godsal. »

J’ai aussi reçu une lettre en date du 3 déc. 1924 d’un correspondant décrivant une visite au village doukhobor peu de temps après la mort de Peter Verigin. « Nous avons été charmés par les Doukhobors et leur grande gentillesse ainsi que par leur hospitalité. Cela me fait toujours tant de bien physiquement, mentalement et spirituellement de me retrouver avec ces bonnes gens. Je ne connais rien de tel dans ce monde corrompu. Plusieurs d’entre eux parlent parfaitement l’anglais et s'habillent comme nous, si bien qu’ils ne semblent pas russes ou étrangers, ils pourraient passer pour des Anglais. Les enfants sont gentils et bien élevés. La seule chose qui vient ternir notre plaisir d’être avec eux est la façon scandaleuse dont ils sont traités par le gouvernement de la C.-B. et par ses représentants qui ne les comprennent pas, qui les volent; même les juges devraient mieux agir; mais je suppose que puisqu’ils n’ont de chrétiens que l’appellation, ils ne peuvent apprécier ou reconnaître un pur christianisme, probablement le plus pur qui existe sur la terre dans une grande communauté. »

Je ne connais pas les circonstances qui ont mené aux incidents mentionnés dans le télégramme reçu aujourd’hui, mais je sais que le gouvernement de la C.-B. tourmente les Doukhobors depuis longtemps, qu’il fait tout en son pouvoir pour briser la communauté, qu’il a refusé d’honorer ses obligations envers eux (il leur doit 150 000 $ pour la construction de routes et de ponts qu’il refuse de payer ou qu’il tarde à le faire), qu’il refuse d’inscrire les noms des Doukhobors admissibles, ceux qui sont depuis longtemps dans ce pays, sur le registre des électeurs, qu’il les force à aller à l’école utilisant des moyens qu’il n’oserait jamais utiliser avec d’autres colons. En règle générale, le gouvernement de la C.-B. rappelle fatalement aux Doukhobors les bandits kurdes qui, alors qu’ils vivaient dans le Caucase, faisaient des descentes dans leur village pour voler leurs provisions et leurs biens. Puisque les conséquences que doivent subir les Doukhobors sont les mêmes, ils pourraient tout aussi bien être à la merci des Kurdes sauvages qu’à celle du gouvernement de la Colombie-Britannique.

Lorsqu’un gouvernement s’abaisse à piller les maisons de ses citoyens et à leur voler leurs ustensiles, il est assurément descendu jusqu’à la plus basse des infamies.

Les Doukhobors se sont plaints, entres autres, que les écoles de la Colombie-Britannique n’ont aucune discipline. Cette récrimination est amplement appuyée par les autres résidants de la province. Les Doukhobors pensent que leurs enfants étaient corrompus par les écoles et que leur vie familiale et la personnalité de leurs enfants couraient le risque d’être détruites. En conséquence, il était important pour eux que leurs enfants apprennent d’une autre façon que celle enseignée dans les institutions publiques, là où les influences sont répréhensibles et dangereuses.

Ni la population de la Colombie-Britannique ni celle du Canada en général ne peut se permettre de traiter quelque groupe de citoyens d’une telle façon qu’elle perdrait le respect du monde civilisé. En ce moment, il s’en faudrait très peu que le gouvernement provincial perde ce respect, et ce, pour plusieurs motifs. Encore quelques scandales et il y aura inévitablement une demande pour la réduction des pouvoirs des gouvernements provinciaux et de leur législature sinon, on verra disparaître la bonne réputation du Dominion.

James Mavor.

145 Isabella St., 14 avril

Source: Prime Minister's Office, "PROF. MAVOR CONCERNANT LES DOUKHOBORS," Globe and Mail, 16 avril, 1925. Notes: Page 4

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