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La fin tragique de Peter, le Divin

Le mercredi 29 octobre 1924, nous attendions l’arrivée de Peter Vasilievich le Divin à Grand Forks en provenance de Brilliant. Il devait arriver sur le train de Grand Forks à 2 heures du matin. Vasilii Vasilievich Koochin et Aleksey Aleksyevich Popoff attendaient le train à la station de West Grand Forks. Le train est arrivé en retard à 3 h 30 du matin et le chef de train a informé nos frères qu’il y avait eu une explosion sur le train près de la station de Farron et que Peter V. le Divin et plusieurs autres étaient morts.

Aleksey A. Popoff a immédiatement averti la Maison de l’orphelin de la tragédie. Vladimir A. Rezansoff est entré en courant dans ma maison à environ 5 heures du matin de la Maison de l’orphelin et m’a dit en pleurant : « Petushka est mort. Viens aussi vite que possible à la Maison de l’orphelin. » [La Maison de l’orphelin était, au Canada, le nom de la résidence du chef des Doukhobors lorsqu’il visitait les différentes communautés.]

En arrivant à la Maison de l’orphelin, j’ai remarqué que la voiture du Divin était déjà prête à partir; Peter Vasilievich Koochin (le chauffeur habituel de Peter Vasilievich Verigin) était au volant. Je suis rapidement monté dans la voiture et nous sommes allés chez Vasya Koochin où nous avons eu plus de détails sur l’explosion et l’endroit où elle avait eu lieu. Nous avons appris qu’il serait impossible d’aller à Farron en voiture. Nous avons demandé au cantonnier, c’est-à-dire aux travailleurs des chemins de fer, de nous amener par chariots, mais ils ont refusé.

Ensuite, nous sommes allés avec Peter Koochin à Cascade en voiture et nous avons demandé au contremaître du chemin de fer mais il a également refusé de nous transporter, nous disant qu’il aurait probablement à y amener une commission (un médecin, un officier de police et d’autres personnes). Le contremaître nous a conseillé de nous rendre à Paulson en voiture mais il nous a averti que la route était mauvaise.

Nous avons suivi son conseil et avons commencé à monter la côte vers Paulson. Nous y sommes finalement arrivés avec beaucoup de difficultés vers 9 h 30 du matin. De Paulson à l’endroit où l’explosion avait eu lieu, il y a une distance de 4 milles que nous avons parcourue à pied en suivant les voies ferrées et en courant presque tout le long du chemin. Comme nous approchions de l’endroit de l'explosion, nous avons vu un groupe de travailleurs ferroviaires debout près d’un feu car il faisait froid et la terre était recouverte de neige. Lorsqu’ils nous ont aperçus, deux d’entre eux ont couru à notre rencontre. Le premier était Vasilii Kooftinoff (l’ancien) et le deuxième, le contremaître des travailleurs. Vasya Kooftinoff a dit : « Je suis très content que vous arriviez. J’avais peur qu’ils n’amènent Petushka et qu’aucun Doukhobor ne le voie. » Le contremaître, lorsqu’il a su qui nous étions, nous a prévenus, en réponse à notre demande de voir le corps de Verigin, que nous ne pourrions pas le voir avant que la commission n’arrive et ait complété son enquête. « Mais, a-t-il dit, si vous le voulez, vous pouvez voir la voiture qui a explosé et a brûlé – il ne reste que du métal. »

Au même moment, un train est arrivé de Nelson (une locomotive, une voiture-lit et un fourgon de queue). M. Miller, un représentant du chemin de fer de la région de Kootenay (le surintendant) est descendu du train. Il est venu nous voir et a commencé à poser des questions pour savoir qui nous étions. Nous lui avons expliqué. Il a commencé par nous dire qu’ils avaient reçu des nouvelles à Nelson au sujet de l’explosion de la voiture et qu’elle aurait été causée par un des réservoirs de gaz situés sous les voitures pour éclairer l’intérieur. « Conséquemment, a-t-il dit, vous avez l’occasion de voir les débris de la voiture avant l’arrivée de la commission. » Près des décombres il y avait un cadavre brûlé; il était impossible de l’identifier. Le contremaître nous a dit qu’ils pensaient que c’était celui d’une femme – la servante de Verigin. C’était effrayant et triste de regarder la scène. Alors que nous examinions minutieusement les décombres de la voiture, nous avons vu que le réservoir de gaz n’avait pas explosé et que toutes les conduites étaient en bon état. Se retournant vers nous, le surintendant a dit : « Les deux parties qui sont ici – la compagnie ferroviaire et vous, les Doukhobors – ont tout examiné ensemble et nous pouvons voir tous les deux que la source de l’explosion ne provient pas de la voiture elle-même. »

Nous avons commencé à examiner les morts. Le premier corps avait été déchiqueté en plusieurs morceaux. Il était couché sur le côté gauche de la route. C’était un étranger (un Hindou). En allant plus loin, nous sommes arrivés sur la voie ferrée à l’endroit où l’explosion avait eu lieu. Quatre traverses étaient totalement démolies entre les rails et il y avait un trou d’environ deux pieds de profond. Les rails étaient séparés. Les membres de la commission ont parlé de l’explosion à ce moment et tout le monde était d’accord pour dire que l’explosion avait été relativement puissante.

De là, le contremaître a amené le groupe vers la droite et vers le bas où il y avait un autre corps qui était recouvert d’une couverture, à environ 50 pieds de l’explosion sur les rails. En y allant, j’ai glissé et pour m’empêcher de tomber jusqu’en bas, je me suis appuyé sur ma main. Sous ma main j’ai senti quelque chose de doux. C’était une partie d’un membre humain, un pied. Dès que je l’ai vu, j’ai su immédiatement que c’était une partie de la jambe de Peter Vasilevich parce que je l’avais souvent vu marcher pieds nus. Je l’ai pris, l’ai enveloppé dans une serviette et j’ai commencé à pleurer de douleur et de tristesse. Lorsque nous sommes arrivés à son corps et que nous avons enlevé la couverture, nous avons vu Petushka. Il était couché face contre terre près d’un ruisseau qui venait de la montagne. Il n’y avait pas de pierres à cet endroit et le gazon était épais et doux comme un tapis.[…]

Écrit le 16 octobre 1954 par Simyon F. Makhortoff, West Grand Forks, C.-B. Traduit du russe en anglais par Maureen Sager.

Source: "La fin tragique de Peter, le Divin," The Arrow, Issue 5, October 1973.

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