L’AFFAIRE BIDDULPH.

Une lettre pleine de bon sens de « Justitia »

La lettre qui suit a paru dans le Spectator de Hamilton hier soir : – MONSIEUR, – Il semblerait que le Globe ait la mission de chasser les hommes actuellement en prison accusés du meurtre des Donnelly. Hier une lettre a été publiée dans ses colonnes qui, c’est le moins qu’on puisse dire, était très peu convaincante, et n’exposait que trop bien la mission que le Globe s’est lui-même donnée. Rarement dans les annales de l’histoire journalistique a-t-on vu un journal prendre une aussi importante position, par rapport à quelque crime contre la loi que ce soit, que le Globe dans cette affaire; et la véhémence avec laquelle il exige le changement de lieu du procès semble très suspecte. Quand une communauté n’est plus capable d’appliquer la loi pour se protéger contre le vol, le meurtre et la rapine, et les dommages aux biens, la chose la plus naturelle au monde est que cette communauté organise et utilise des moyens qui lui permettront de se débarrasser des malfaiteurs et des meurtriers. La série d’événements à Biddulph qui ont mené aux récents homicides n’a pas d’équivalent dans l’histoire du Canada. Même du propre aveu du Globe , des hommes sont volés en plein jour et menacés d’une mort immédiate s’ils osent dénoncer, leurs chevaux et leur bétail sont éviscérés et estropiés; leurs granges et leurs maisons sont incendiées; leurs récoltes sont laissées à pourrir dans les champs de peur des Donnelly; et à vrai dire, ce train d’infamie, ce train d’atrocité, ce train de carnage, continuera à rouler parce que ces hors-la-loi savent commettre leurs infractions et échapper à la justice. Pendant des années ces gens se sont allongés sur des lits de torture, nuit après nuit, sans savoir s’ils allaient être brûlés vifs dans leurs maisons; pendant des années les Donnelly ont été la terreur du pays et de la Roman Line, et maintenant le Globe prétend que justice ne peut être rendue si l’on juge ces hommes dans leur propre comté. Le Thunderer de Toronto oublie que cela met en doute le comté de Middlesex au complet, il oublie que nul ne peut mieux juger si un homicide est défendable que ceux qui connaissent personnellement les faits et circonstances, et cet argument doit être particulièrement faible et spécieux pour qu’il donne au comté entier l’air d’être si avili, que, en fait, la population de comtés entiers est si littéralement dépourvue de droit et de justice qu’elle ne pourrait prononcer un verdict honnête près de la scène du carnage. Pourquoi le Globe fournit-il autant d’arguments pour un nouveau changement de juridiction? Pourquoi essaie-t-il de conduire le procès à des centaines de kilomètres? Il y a dans tout cela une adhésion tacite au vieux proverbe Vox populi, vox dei ; et si la question n’était pas si grave, il serait amusant de voir l’anxiété inhabituelle qu’éprouverait le Thunderer à désapprouver une telle décision. Dans tout cela, je crains d’apercevoir la queue du serpent politique, devant laquelle même le Thunderer de Toronto se déroberait. Il ne fait pas de doute que le Globe s’indignera vertueusement, démentira et repoussera l’accusation, mais il pourra difficilement nier que, dans toute sa vertu et son sens de la justice , il a pris sous son aile l’un des pires criminels qui aient jamais déshonoré l’Ouest du Canada. « Prenez-le tendrement, n’y touchez qu’avec soin », a été sa devise, pendant que toute sa vertueuse indignation et ses furieuses invectives ont été lancées aux accusés. Il a fait l’éloge du témoignage honnête du jeune Connors, qui, à la barre des témoins, a déclaré sous serment qu’il (Connors) était un menteur; pour faire sensation, il a publié les histoires les plus invraisemblables sorties de la bouche de Bill Donnelly; il s’est vanté tous les soirs de ces mensonges impromptus et, en fait, a agi de façon scandaleuse pendant le procès en tant que juge et avocat de la poursuite, sachant très bien que dans toute enquête préliminaire d’une telle nature, les prisonniers ne peuvent produire de preuves en réfutation, qu’il serait même dangereux pour les défendeurs de dévoiler leur jeu et, en vérité, il a crié d’un ton plaintif « Coupable! Coupable! », peut-être pas de façon aussi explicite, mais avec une intention dont personne ne peut douter. Est-il vrai que le Globe livre dans cette affaire une bataille de clan? L’on pourrait difficilement espérer obtenir de la part du Thunderer une réponse sur laquelle on puisse se fier, mais d’autres enquêteront et découvriront la cause de cette intense animosité et de ce processus pour capturer les hommes qui, en dernier recours – à l’instar du Globe – ont joué une tragédie qui a ébranlé le Canada, mais sous une pression et une tentation dont le courant est si fort qu’il aurait pu emporter des têtes plus froides, et la loi par son application négligée ne se serait avérée que trop certainement impuissante pour sauver leurs vies, leurs foyers et leurs biens de l’incendie et de la dague de l’assassin de minuit.
JUSTITIA

Source: Unknown, "The Biddulph Affair — A Common Sense Letter from "Justitia"," London Free Press, mars 19, 1880.

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