Norman sous la loupe

Lorsque le président Vladimir Poutine a annoncé le 2 novembre 2007 que George Koval recevrait à titre posthume la plus haute récompense de la Russie, c’était un autre signal que l'affaire Herbert Norman ne serait pas résolue dans un avenir prévisible. Koval, le nouveau « héros de la Russie », était un chercheur né aux États-Unis, mais qui a vécu en Russie de 1948 jusqu’à sa mort en 2006. En 1944-1945, une période cruciale, Koval était une taupe pour le service soviétique de renseignements à l’intérieur du projet Manhattan. Répondant au nom de code « Delmar », l’espion du GRU a pu obtenir des renseignements sur la bombe atomique. Poutine a déclaré que le travail de Koval avait radicalement réduit le temps qu’il avait fallu à l’URSS pour développer un arsenal nucléaire capable de rivaliser avec celui des Américains. Au moment où les agences américaines de sécurité nationale ont commencé à enquêter sur lui pour espionnage, Koval s’est enfui des États-Unis pour s’installer en Union soviétique.

Lorsqu’ils ont eu la confirmation que des gens comme Koval avaient réussi à espionner pour le compte de l’URSS et qu’ils ne s’étaient jamais fait prendre, les agents occidentaux du contre-espionnage ont dû redoubler d’ardeur pour trouver les traîtres. Malgré l’existence du projet d’interception Venona et malgré l’aide apportée par les transfuges, les agents occidentaux de sécurité nationale n’ont pu attraper tous les espions soviétiques. De gros poissons ont échappé aux filets. À la fin des années 1940 et au début des années 1950, il semblait justifié d’augmenter la vigilance.

En 1950, Herbert Norman s’est trouvé pris par les filets des services de renseignements. Vous pourriez vous intéresser à une question débattue par les historiens : comment Herbert Norman est-il devenu si intéressant pour les autorités? Cette partie du site contient des documents traitant de cette question. D’autres documents se retrouvent dans les sections Un procès par le biais de la télévision, Suites et Les réactions immédiates.

Étant donné l'atmosphère très anticommuniste qui prévalait dans les pays occidentaux, voici une autre question qui pourrait être étudiée : est-ce que Herbert Norman aurait dû être démis de ses fonctions comme diplomate canadien parce qu’il avait admis avoir été associé au communisme dix ans plus tôt? À cette époque, il y avait deux avenues lorsque la loyauté d’un fonctionnaire était mise en doute. La première était un principe reconnu, l’autre une convention largement appliquée. Le principe était que, bien que les enquêtes étaient menées par des spécialistes des questions de sécurité, normalement la GRC, ceux-ci ne prenaient pas les décisions à savoir si un fonctionnaire serait embauché, retenu ou mis à la porte. Cette décision était laissée aux cadres supérieurs du ministère où était rattachée la personne. La convention, quant à elle, prévoyait que lorsqu’il y avait un doute sur la loyauté d’un fonctionnaire, il devait être renvoyé. Il n’existait aucun droit au travail dans la fonction publique à l’époque et il n’y en a aucun aujourd'hui. En effet, certains pourraient argumenter que l’État a un devoir de renvoyer ou de refuser d’embaucher quiconque dont le passé soulève des doutes quant à sa loyauté.

Si vous aviez été le ministre des Affaires extérieures de 1950 à 1952, quelle aurait été votre décision par rapport à Herbert Norman?

L’affaire Norman se complique par le fait que, à tort ou à raison, elle ne pouvait pas être traitée uniquement comme une affaire interne. En effet, le fait que la guerre froide soit une confrontation internationale voulait dire que le terme « sécurité nationale », fréquemment utilisé, était inapproprié. Bien qu'il existât des standards nationaux qui devaient s’appliquer aux questions de sécurité et de renseignements, tous les gouvernements occidentaux savaient qu'ils étaient membres d’une équipe et qu’ils devaient jouer le jeu. Évidemment, les États-Unis étaient l’entraîneur de l’équipe et voulaient être reconnus comme tels. Cette notion s’appliquait de façon générale à la relation entre le Canada et les États-Unis et de façon plus particulière à la relation entre la GRC et le FBI. En effet, les deux agences avaient officialisé leur collaboration en 1937 dans le but de travailler ensemble pour traiter les questions de dissidence durant la Crise. Cette coopération voulait dire qu’un agent de liaison du FBI était en poste aux quartiers généraux de la GRC à Ottawa et qu'un vis-à-vis de la GRC était en poste aux bureaux du FBI à Washington, DC. Les officiers du FBI à Ottawa avaient un accès presque complet aux rapports des services secrets de la Section spéciale de la GRC par des canaux officiels et par des contacts informels.

Herbert Norman avait étudié aux États-Unis dans les années 1930 et, en raison de son travail, il avait été très proche des services de renseignements américains et des cadres supérieurs des forces américaines d'occupation au Japon. Déjà, il devenait intéressant pour le FBI. Il ne faut donc pas se surprendre que les rapports de la GRC le concernant se soient retrouvés entre les mains du FBI. Cette situation compromettait dangereusement la capacité du système politique canadien de tirer ses propres conclusions sur la loyauté de Herbert Norman. Bien sûr, le Canada pouvait décider de le garder à son emploi, ou non, au ministère des Affaires extérieures. Mais le feu vert de ses supérieurs n’était pas nécessairement suffisant pour convaincre les autorités américaines de la loyauté de ce diplomate.

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Thèse ou dissertation