Quelques principes sur la politique étrangère du Canada : discours prononcé à l’Institut canadien des affaires internationales, section de Vancouver, janvier 1948

[ Gouzenko spying revelations spill over Canada-U.S. border ]

Gouzenko spying revelations spill over Canada-U.S. border, Unknown, 1946-02-18

Je suis convaincu […] que la politique canadienne […] sur la sécurité de la collectivité est différente et beaucoup plus positive que celle que nous mettions en pratique […] avant la guerre. À mon avis, cette différence résulte de changements conjoncturels. Quels sont ces changements?

  1. Le siège social des N.U. se situe aux États-Unis;
  2. nous avons eu une deuxième guerre mondiale;
  3. un empire slave cruel, calculateur et ayant réussi à devenir très puissant, et ce, pour satisfaire ses propres fins politiques, a usurpé le pouvoir du communisme pour les croisades et la subversion.

Regardons ces changements de plus près.

Tout d’abord, le fait que les États-Unis ne soient pas seulement un membre, mais le chef de file des N.U. depuis le début, change radicalement la situation par rapport à celle qui prévalait dans l’ancienne Société des Nations. On se souviendra que le plus grand cauchemar des gouvernements canadiens d’avant-guerre était un affrontement ou une divergence de politique entre les gouvernements américain et britannique, les deux gouvernements avec qui le Canada voulait rester en phase. [...]

Ce danger n’existe pas avec les Nations Unies où les politiques britanniques et américaines marchent généralement côte à côte. Nous pouvons marcher en cadence à leurs côtés et, à certaines occasions, nous pouvons même les devancer. Bien entendu, il y va de notre intérêt de renforcer toute organisation qui permet d’aligner plus étroitement Londres et Washington. Face à la menace que représente le communisme, les N.U. accomplissent cette tâche.

[...]

La seconde différence entre 1948 et 1928 est que nous avons vécu une seconde guerre mondiale.

[...]

La Seconde Guerre mondiale nous a laissés, ainsi que le reste du monde, non pas avec cette confiance de 1919 qui nous permettait de croire que le monde était prêt pour la démocratie et que c’était un endroit convenable où les héros pouvaient vivre, mais plutôt avec un sentiment d'insécurité proche de la panique. Cela provient en partie des horribles implications apportées par la guerre atomique, supersonique et bactériologique; et en partie du fait que les vainqueurs du fascisme sont profondément divisés en deux camps hostiles, idéologiquement et politiquement.

Ce qui nous amène à la troisième différence entre la situation présente aux Nations Unies et celle qui prévalait à la Société des Nations. La principale menace réside maintenant dans un communisme subversif et agressif, le jeu serviteur de la politique de la force. [...] Face à la menace d’un communisme d’agression, les démocraties se rapprochent toutes et elles sont prêtes à faire des concessions de droits nationaux, ce qu’elles n’auraient jamais considéré il y a dix ans.

[...]

[L’]objectif fondamental de la politique soviétique est de rendre l’Union soviétique assez forte pour qu’elle puisse gagner la bataille décisive qui devrait être déclarée lors de la prochaine crise, qui est inévitable, du capitalisme monopolistique. Les tactiques peuvent changer, mais la stratégie fondamentale reste la même. L’affrontement avec le capitalisme monopolistique, cependant, n’est pas nécessairement imminent et, en attendant, l’Union soviétique peut de temps en temps être d'accord avec le reste du monde, à condition que cela n'entraîne jamais un affaiblissement de sa position fondamentale en vue de la bataille ultime et inévitable.

[...]

Source: Lester Pearson, "Quelques principes sur la politique étrangère du Canada : discours prononcé à l’Institut canadien des affaires internationales, section de Vancouver, janvier 1948" in Words and Occasions, (Boston, MA: Harvard University Press, 1970), 70-74

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