Traditions démocratiques au Japon : le discours de Herbert Norman au « Festival pour la démocratie », en 1949

[ Norman and Japanese women ]

Norman and Japanese women, Unknown, 1947, University of British Columbia Library, Rare Books and Special Collections, BC 2124-59, Norman and Japanese women, whose company he enjoyed, at a memorial for his father at Nagano, Japan

J’ai appris avec un grand intérêt la tenue du « Festival pour la démocratie » qui doit se tenir dans quatre villes de la préfecture Shizuoka et je vous suis sincèrement reconnaissant de l’insigne privilège qui m’est accordé de pouvoir communiquer un message au festival.

On retrouve dans l’histoire de toute nation des traditions qui se contredisent et qui rivalisent entre elles pour obtenir la prédominance. Le Japon ne fait pas exception à cette règle. Il y a ce qu’on pourrait nommer la tradition obscure née de l'autocratie, de l’oppression, de la bigoterie et du chauvinisme; et il y une tradition brillante et vivifiante surgie de la résistance à la tyrannie, de la poursuite des libertés intellectuelles et de la lutte pour l'édification populaire. Au cours des années où dominaient les forces antidémocratiques, il était naturel qu’on ait quelque peu négligé les pages de l’histoire japonaise décrivant les efforts pour accéder à une vie plus libre et plus remplie sous les régimes féodaux successifs. Puisqu’il est maintenant possible d’étudier le passé japonais en toute liberté, il est essentiel que les Japonais redécouvrent les traditions chaleureuses et généreuses de leur histoire.

Il ne faut pas pour autant supprimer ou modifier la tradition plus sombre; au contraire, afin de mettre en perspective la lutte brutale et souvent décourageante menée par les précurseurs de la démocratie au Japon, il ne faut pas reculer devant le récit de la redoutable opposition aux efforts de réforme. Malgré les traditions de Kanson Mimpi (littéralement « respecter les officiels et mépriser le peuple ») et malgré les efforts des autorités en place, spécialement pendant les années Tokugawa, pour garder le peuple dans l’ignorance et la passivité, c’est toujours une source d'inspiration que de lire la façon dont des individus et des groupes de gens humbles dont nous connaissons à peine les noms ont toujours tenté de se forger une existence plus décente et plus humaine, et ce, non seulement pour eux-mêmes, mais pour les générations futures.

Les leçons à tirer de tels exemples sont peut-être trop évidentes, mais je voudrais tout de même en mentionner au moins deux. La première est que, même si les individus qui ont mené ces luttes afin de réduire les tributs féodaux ou pour améliorer le niveau de vie de la population ont généralement été victimes des autorités féodales, la force de l’opinion populaire a été si grande à cette époque que la main de la tyrannie a été arrêtée par une vaste et solide opposition. La seconde est que les intérêts du peuple sont toujours mieux servis par la discipline et l'ordre que par les actes de violence, peu importe si ces actes semblent empreints d’héroïsme ou d’abnégation comme dans les romans ou les récits historiques romancés.

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Source: Herbert Norman, "Traditions démocratiques au Japon : le discours de Herbert Norman au « Festival pour la démocratie », en 1949," 31 novembre 1949, 12-13

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