Le Vinland scandinave et les colonies européennes subséquentes

Jusqu’à quel point les Scandinaves se sont-ils approchés de la réussite dans la landnåm [colonisation] du Vinland? Est-ce que cela a été un de ces évènements qui ont presque réussi et qui fourmillent dans l’histoire de nos civilisations? Est-ce qu'une Amérique scandinave ne s’est pas réalisée à cause de la malchance de la blessure de Thorval ou du mauvais caractère de Freydis? Il n’y a pas de réponse ultime pour de telles questions, mais peut-être pouvons-nous tenter de cerner les probabilités en […] considérant brièvement les efforts de landnåm [colonisation] qui ont eu lieu plus tard au dix-septième siècle.[…]

Il est pourtant difficile de laisser tomber les hypothèses post-hoc que toute colonisation européenne de l’Amérique du Nord ne pouvait que réussir. Une analyse détaillée des débuts de Jamestown, Plymouth et de deux colonies françaises du seizième siècle près de la ville de Québec pourrait corriger cette distorsion perceptuelle. La colonie de Jamestown, très mal administrée, s’est révélée un véritable puits sans fond en ce qui a trait à sa population. En 1667, un certain monsieur Garroway a fait remarquer à la Chambre des communes que la consommation de personnes par la Virginie était si grande que la colonie avait besoin de recevoir des nouveaux colons chaque année pour pouvoir survivre. En effet, les registres indiquent qu’il n’avait pas tort : 6048 des 7289 colons arrivés entre décembre 1606 et février 1627, soit 83 %, avaient péri, la plupart pendant leur première année.

En comparaison, la colonie de Plymouth était un peu mieux organisée et elle s'en est beaucoup mieux tirée à long terme, mais au cours du premier hiver, le taux de mortalité atteignait 50 %. La colonie de Stadacona fondée par Cartier en 1534 a été un échec complet après la première année et celle de Robertval a perdu le tiers de ses colons le premier hiver (1541) à Cap Rouge et la colonie a été abandonnée en 1543. Contrairement aux Scandinaves du début du millénaire, ces colons sont arrivés par bateaux entiers avec de grandes quantités de provisions et ils pouvaient s’attendre à recevoir de nouvelles marchandises en provenance d’Europe à intervalles réguliers.

Les fouilles effectuées à Martin's Hundred ont donné des preuves dramatiques de l’impact désastreux d’une attaque militaire par les Amérindiens contre une colonie qui était beaucoup plus grande, qui formait un bon noyau et qui était mieux défendue que toute ferme scandinave. Ainsi, les exemples des deux colonies anglaises les plus connues du dix-septième siècle et des tentatives de colonisation françaises du seizième siècle pourraient suggérer que la seule force du nombre et le soutien d’états commerciaux de plus en plus puissants représentaient des facteurs à tout le moins aussi importants pour le succès des colonies européennes que les avantages technologiques et la débrouillardise des pionniers.

Sommaire

Cet aperçu bref et inévitablement superficiel du processus d'expansion scandinave de l'autre côté de l'Atlantique Nord et l'analyse préliminaire de ses caractéristiques démographiques et écologiques peuvent offrir une perspective sur la landnåm [colonisation] du Vinland et sur son échec. Cette perspective permet de commencer à identifier les facteurs qui ont mené à la fin rapide de la colonie du Vinland.

Ces facteurs doivent inclure :

  1. la distance du Vinland de la patrie productrice de bateaux et donc le nombre limité de bateaux qui pouvaient naviguer en mer et qui étaient disponibles pour des efforts additionnels de colonisation au Groenland du onzième siècle;
  2. l’absence d’avantage militaire important sur les Skraeling jumelée à la vulnérabilité des Scandinaves aux raids des indigènes pendant la phase critique de landnåm [colonisation];
  3. la stabilisation rapide de la colonisation et du nombre d'habitants au Groenland, la relative pauvreté de la colonie, le conservatisme de ses dirigeants et son extinction éventuelle;
  4. la transition généralisée des modèles d’expansion démographique, économique et culturelle de la période viking dans la Scandinavie atlantique vers le modèle médiéval présentant des capacités de navigation diminuées, l'adaptation aux ressources locales, la stabilité ou le déclin démographique ainsi qu'une prospérité généralement décroissante.

Finalement, les concepts généraux de biogéographie et l’analogie avec la landnåm [colonisation] européenne des seizième et dix-septième siècles suggèrent probablement que les chances de succès de la colonie du Vinland n’ont jamais été très élevées.

Source: Thomas H. McGovern, "L'aventure du Vinland : une perspective du Nord de l'Atlantique," North America Archaeologist 2 (1981): 300-302.

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