L’Islande dans le chapitre 36

Chapitre 36

Au sujet de l’île Thulé, située à une grande distance dans l’océan, loin de toutes les autres îles, on dit qu’elle est encore assez inconnue. Cependant, les écrivains romains et les barbares ont écrit plusieurs choses dignes de mention. « Thulé, ont-ils écrit, est la dernière de toutes les îles dans l’océan. La nuit ne tombe jamais au solstice d’été, lorsque le Soleil passe par le signe du Tropique du Cancer. De même, le jour ne se lève jamais au solstice d’hiver. Il y en a qui pensent que cela arrive à tous les six mois. » Beda écrit que les courtes nuits d’été en Bretagne démontrent qu’au solstice d’été, il doit y avoir le jour continu pendant la moitié d’une année et, par contraste, la nuit devient permanente au solstice d’hiver lorsque le Soleil s’est éloigné. Le Marseillais, Pithyus, nous dit que c’est aussi le cas à Thulé qui est à une distance de six jours par bateau de la Bretagne. Ladite Thulé est l’île appelée Islande à cause de sa glace qui rend la mer solide. Entre autres, le peuple de Thulé raconte cette chose remarquable à propos de l’île : la glace, très ancienne, est si noire et si sèche qu’elle brûle si on y met le feu. Cependant, cette île est si grande qu’elle abrite plusieurs personnes. Ils vivent exclusivement du bétail qu’ils élèvent et ils s’habillent de peaux d’animaux. Il n’y a pas de céréales et très peu de bois. Ils habitent dans des cavernes sous la terre et ils aiment partager leur maison et leur nourriture et vivre en compagnie de leurs animaux. Ils vivent donc une existence de sainte simplicité, car ils ne demandent rien de plus que ce que leur apporte la nature et, dans un état de béatitude, ils peuvent dire comme l’apôtre : « Tant que nous avons de la nourriture et des vêtements, nous pouvons vivre heureux. » Les montagnes sont leurs villes et les ruisseaux, leur bonheur. J’avance que ce sont des gens heureux de qui personne n’envie la pauvreté. Ils sont encore plus heureux depuis qu’ils ont tous adhéré au christianisme. Ils ont de nombreux traits de caractère qu’il faut louanger, par-dessus tout l’amour qu’ils portent à leur prochain qui les incite à tout partager, et cela s’applique autant aux étrangers qu’aux voisins. Ils vénèrent leur évêque comme s’il était leur roi et tous sont soumis à sa volonté. […]

Source: Adam of Bremen, "L’Islande dans le chapitre 36" in Beskrivelse af øerne i Nordern [Description of the Islands in the North], (Copenhagen: Wormianum, 1978), 59-60. Notes: Texte original latin et traduction danoise avec commentaires d’Allan A. Lund. Traduction vers l’anglais par B. Wallace. Titre original : Descriptio insularum Aquilonis. Rédigé vers 1075.

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