Eirik le Rouge dans « La saga d’Eirik le Rouge »

Chapitre 2

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Il y avait un homme qui s’appelait Thorvald, fils d’Asvald Ulfsson, lui-même fils de Thorir-aux-Bœufs. Son nom était Eirik le Rouge. Le père et le fils ont quitté Jaeren [une province dans le sud-ouest de la Norvège] et ont navigué jusqu’en Islande, car (ils avaient été impliqués dans) des meurtres. Ils ont revendiqué des terres sur la côte ouest du Hornstrandir et se sont installés à Drangar. Thorvald y est mort.

Eirik a épousé Thjodhild, la fille de Jorun Atlason. La mère de Thjodhild, Thorbjorg Poitrine de Bateau, était alors mariée à Thorbjorn du Haukadal. Eirik est ensuite parti vers le sud, a défriché la terre du Haukadal et a construit une ferme à Eiriksstadir près de Vatnshorn.

Les esclaves d’Eirik ont provoqué un glissement de terrain qui a détruit la ferme de Valthjof à Valthjofsstadir. Un membre de sa famille, Eyolf le Crasseux, a tué les esclaves près de Skeidsbrekkur au-dessus de Vatnshorn. À cause de cet acte, Eirik a tué Eyolf le Crasseux. Il a aussi tué Hrafn le Duelliste à Leikskalar. Geirstein et Odd de Jorvi, qui étaient parents avec Eyolf, ont exigé réparation pour ces meurtres.

Eirik a été banni du Haukadal. Il a revendiqué les îles Brokey et Oxney et, le premier hiver, il s’est établi à Tradir sur l’île de Sudurey. C’est alors qu’Eirik a prêté à Thorgest les planches qui formaient le cadre de son lit. Ensuite, il est parti à Oxney où il a établi sa ferme à Eiriksstadir. Il a alors redemandé les planches, mais en vain. Eirik s’est rendu à Breidabolstad et les a repris; Thorgest l’a poursuivi. Ils se sont battus près de la ferme située à Drangar et deux des fils de Thorgest, ainsi que plusieurs hommes, ont été tués.

Après cela, les deux camps se sont assurés de toujours avoir une large garde. Eirik avait le soutien de Styr et d’Eyolf de Sviney, de Thorbjorn Vifilsson et des fils de Thorbrand de l’Alftafjord, alors que Thord le Braillard et Thorgeir du Hitardal, Aslak de Langadal et son fils Illugi ont apporté leur soutien à Thorgest. Eirik et ses compagnons ont été bannis par le parlement communautaire de Thorsnes. Il a équipé son bateau à Eiriksvog et Eyolf l’a caché à Dimunarvog pendant que Thorgest et ses hommes le cherchaient partout dans les îles. Thorbjorn, Eyolf et Styr ont accompagné Eirik dans les îles. Eirik disait qu’il avait l’intention de partir à la recherche de la terre qu’avait vue Gunnbjorn, le fils d’Ulf la Corneille, lorsqu’il

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avait dérivé vers l’ouest et qu’il avait découvert les Gunnbjarnarsker (les récifs de Gunnbjorn). Il promettait de revenir s’il trouvait cette terre et les amis se sont quittés en très bons termes. Eirik a promis de leur accorder son aide si jamais ils en avaient besoin.

Eirik a pris la direction du large à partir de Snaefellsnes et il a approché la terre [Groenland] en passant au large du glacier appelé Hvitserk (manteau blanc). De là, il a navigué vers le sud, à la recherche de terres à coloniser.

Il a passé le premier hiver sur l’île Eiriksey, à peu près au centre de l’Établissement de l’Est. Au printemps suivant, il s’est rendu à l’Eiriksfjord où il s’est installé. Cet été-là, il a exploré les Établissements de l’Ouest qui étaient [alors] inhabités et il a donné des noms à divers endroits. Il a passé le deuxième hiver à Eiriksholmar près du Hvarfsgnipa et le troisième été, il a navigué loin au nord jusqu’à Snaefell et au Hrafhsfjord. Il pensait alors avoir atteint l’extrémité de l’Eiriksfjord. Il est ensuite retourné passer le troisième hiver à Eiriksey à l’embouchure de l’Eiriksfjord.

L’été suivant il a navigué jusqu’en Islande où il a mis pied à terre au Breidafjord. Il a passé l’hiver avec Ingolf à Holmlatur. Le printemps suivant, il s’est battu avec Thorgest et a perdu, après quoi ils se sont réconciliés.

Cet été-là, Eirik est parti coloniser le pays qu’il avait découvert, qu’il avait nommé Groenland, parce que, disait-il, les gens y seraient attirés si l’endroit avait un beau nom.

[...]

Chapitre 5

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Eirik avait une épouse nommée Thjodhild, et deux fils, Thorstein et Leif. Les deux étaient promis à un bel avenir.[...]

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[...]Leif [...] commença à prêcher le christianisme et la vraie foi catholique dans tout le pays,[...] Eirik était réticent à abandonner sa foi, [...]

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[...] On insistait également auprès d’Eirik pour qu’il se rende [au Vinland], car les gens respectaient sa chance et ses qualités de chef. Il a longtemps refusé, mais lorsque ses amis ont insisté, il a finalement accepté.

Ils ont équipé le bateau que Thorbjorn avait utilisé pour naviguer jusqu’au Groenland et ont pris vingt hommes avec eux. Ils avaient peu de marchandises, surtout des armes et de la nourriture.

Le matin où il est parti, Eirik a pris un petit coffret contenant de l’or et de l’argent. Il a caché l’argent et est parti. Peu de temps après il est tombé de cheval et, se cassant plusieurs côtes et se blessant à l’épaule, il a alors crié « Ouch! Ouch! » À cause de cette mésaventure, il a fait dire à sa femme d’aller chercher cet argent en disant qu’il avait été puni parce qu’il l’avait caché.

Chapitre 7

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[...] Eirik a chevauché jusqu’aux bateaux avec d’autres Groenlandais et ils ont fait de bonnes affaires. Les capitaines des bateaux ont invité Eirik à se servir le premier et il les a récompensés généreusement en invitant les membres des deux équipages à passer l’hiver avec lui à Brattahlid. Les marchands ont accepté cette proposition et se sont rendus chez lui. Leurs biens ont été transportés plus tard à Brattahlid où il y avait suffisamment de bonnes dépendances pour les y entreposer. Les marchands étaient très heureux de leur séjour hivernal chez Eirik.

Mais la fête de Jól arrivait et Eirik était plus triste que de coutume. Karlsefni a eu un entretien avec lui et lui a demandé : « Est-ce que quelque chose te trouble, Eirik? Tu sembles plus silencieux. Tu nous as reçus généreusement et il est de notre devoir de t’en remercier par tous les moyens possibles. Dis-moi ce qui te rend triste. »

Eirik a répondu : « Et tu as aussi tout accepté avec gratitude et respect; tu as fait ta part dans cet échange. Mais j’aurais des regrets si cela venait à se savoir que vous avez passé ici une aussi piètre fête de Jól que celle qu’on s’apprête à vivre. »

Karlsefni lui a répondu : « Il n’en sera pas du tout ainsi. Nous avons du malt, de la farine et du grain à bord de nos bateaux et tu peux prendre tout ce dont tu as besoin pour préparer un festin digne de ta généreuse hospitalité. »

Eirik a accepté. Ils ont commencé les préparations du festin de Jól. Il a été si copieux que les hommes pouvaient à peine se souvenir d’avoir vu tel festin.

[...]

Il y a eu de nombreuses réjouissances cet hiver-là à Brattahlid; on a joué à de nombreux jeux de société, on a écouté de nombreux récits et il y a eu beaucoup d’autres divertissements pour égayer la vie des gens de la maison.

Source: Keneva Kunz, trans., "Eirik le Rouge dans « La saga d’Eirik le Rouge »" in The Sagas of Icelanders: A Selection, preface by Jane Smiley, introduction by Robert Kellogg, (New York, London, Victoria (Australia), Toronto, Auckland: The Penguin Group, 2000), 653-674. Notes:

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