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Réponse du CCUB au premier ministre

Christian Community of Universal Brotherhood Ltd.

(Copie envoyée à l’hon. M. Sloan le 20 avril)

16 avril 1925

John Oliver,
Premier ministre de la Colombie-Britannique
Victoria, C.-B.

Monsieur,

[...] Nous décrivons dans cette lettre le traitement exact qu’ont fait subir des hommes instruits à notre population à Grand Forks, le 11 avril 1925.

Le 10 avril, la police de Grand Forks se préparait bruyamment à envahir les Doukhobors, leurs voisins, des gens paisibles, parce que les enfants doukhobors ne vont pas à l’école anglaise. À environ dix heures, le 11 avril, plusieurs automobiles et camions remplis de monde se sont amenés à grande vitesse au village doukhobor en soulevant tellement de poussière qu’on aurait dit un ouragan. Précédant les automobiles, il y avait des hommes à cheval arrivant comme la cavalerie. Ils ont rapidement entouré l’entrepôt doukhobor qui est situé en périphérie de la ville. Dans cet entrepôt se trouvait des produits comestibles et était également utilisé comme un bureau. Cette bande de bourreaux armés de revolvers, de fouets, de tuyaux de caoutchouc et de manches de pic, environ cent cinquante hommes menés par l’inspecteur Dunwoody, a dévalisé l’entrepôt et le bureau, prenant tout ce qu’ils trouvaient : toutes sortes de marchandises, des pommes de terre et autres produits comestibles, des meubles, une machine à écrire, un coffre-fort, des livres, des lettres d’affaires et des documents. […] L’entrepôt et le bureau ont été dévalisés pendant quatre heures, plus de vingt camions ont été chargés et les marchandises envoyées à Grand Forks. Ils ont pris non seulement des produits comestibles mais aussi des pots de verre pour les conserves.

À trois heures de l’après-midi en ce même jour, la même bande s’est rendue dans la colonie doukhobor situé à environ deux milles de la ville et ont pillé le moulin à farine où les Doukhobors avaient entreposé une petite réserve de blé et de farine pour nourrir leurs enfants. Là, les femmes et les enfants ont essayé pacifiquement de sauver le travail de leurs hommes et de leurs parents ainsi que leur maigre subsistance. En pleurant, ils ont supplié cette bande cruelle de ne pas prendre leur dernier morceau de pain quotidien. Cela n’a pas aidé, et en réponse à leurs pleurs, ils ont été tabassés, battus sans pitié avec des fouets et ils ont été piétinés par les chevaux. Avec des pleurs déchirants, les femmes et les enfants les ont suppliés d’avoir pitié. Une femme a été si gravement blessée qu’elle a dû être transportée chez elle. Une fois les femmes et les enfants éloignés du moulin, les bourreaux ont fracassé la porte et se sont mis au travail, y prenant le blé et la farine.

Avant que cette bande n’arrive au village des Doukhobors, ils s’étaient emparés de cinq cargaisons de traverses qui étaient prêtes à être envoyées au Canadien Pacifique. Ils se sont aussi emparés de deux camions et d’autres machineries.

Selon l’inventaire, ils ont pris plus de 20 000,00 $ en biens meubles appartenant aux Doukhobors pour se rembourser une somme de 4 000,00 $ due pour des amendes.

Cette destruction a été commandée par les personnes haut placées à Victoria parce que les enfants doukhobors ne vont pas à l’école anglaise. [...]

Les Doukhobors ne veulent pas envoyer leurs enfants à l’école anglaise parce qu’ils veulent préserver leur foi pour laquelle leurs ancêtres ont souffert pendant des centaines d’années et parce qu’ils désirent préserver leur langue russe.

Nous avons constaté l’erreur de nos frères en Saskatchewan, eux qui ont envoyé leurs enfants à l’école anglaise jusqu’à l’âge limite. Leurs enfants ne veulent plus parler la langue russe à leurs parents. Quelle langue utiliseront-ils à l’avenir pour proclamer la foi de leurs pères? Plusieurs de leurs filles ont marié des hommes qui n’étaient pas de leur foi, et ce, sans le consentement de leurs parents. De plus, l’éducation reçue à l’école influence les enfants et ils n’honorent plus leurs parents comme ils le devraient mais ils se laissent plutôt tenter par le travail facile et ils veulent fuir l’agriculture, un travail honnête. Si tout le monde est éduqué et vit dans les villes, alors qui travaillera la terre et produira la nourriture?

Le gouvernement local et la population blâment les Doukhobors de ne pas avoir obéi aux lois canadiennes. Laissez-nous vous répondre à ce sujet : où trouverez-vous sur la planète des lois supérieures à celles auxquelles obéissent les Doukhobors? Ne pas porter d’armes à feu, vivre en paix, ne pas tuer d’animaux, ne pas manger de viande, ne pas boire de whiskey, ne pas utiliser de tabac sous quelque forme que ce soit. Depuis vingt-cinq ans que nous vivons au Canada, nous n’avons jamais porté atteinte au gouvernement ou à la population de ce pays. [...]

Nous vous supplions, cher monsieur, de considérer sérieusement notre appel au secours et de prendre les mesures nécessaires pour arrêter la persécution de chrétiens. L’utilisation de la force et de la violence à ce moment – un temps de savoir et de progrès – n’a pas sa place et n’apporte rien de bon au présent gouvernement ni aux citoyens de ce pays.

Nous répétons que, dans ce pays civilisé, nous avons perdu notre bien-aimé Peter, le Divin, de qui nous sommes encore en deuil et pour qui nous prions Dieu constamment. Nous vous supplions au nom de Jésus Christ de nous laisser vivre en paix.

Respectueusement
The Christian Community of Universal Brotherhood, Ltd.
Par [signé] W.G Sherstobitoff, directeur

Source: BC Archives, GR 441, Vol 246, File #7; Premier – 1925 — Doukhobors, W.G Sherstobitoff, Réponse du CCUB au premier ministre, le 16 avril 1925 , 16 avril, 1925.

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