Dr Noble Sharpe, Objet : Réception d’ossements humains exhumés d’une tombe sans inscription dans le parc Algonquin, 30 oct. 1956

30 octobre 1956

[ Skull exhumed from Mowat cemetery site ]

Skull exhumed from Mowat cemetery site, Unknown, 1956-10-05, Algonquin Park Archives, APMA 3394, Under the supervision of Dr. Noble Sharpe, this skull was exhumed from the Mowat cemetery site burial discovered days before by William Little and his friends

Sous-commissaire Jas. Bartlett,
Bureau du commissaire,
Police provinciale de l’Ontario
Édifices du Parlement, Toronto

Objet : Réception d’ossements humains exhumés d’une tombe sans inscription
Canton de Peck, district de Nipissing,
dans le parc Algonquin
Notre dossier : 1036-56-NS

Vous trouverez dans la présente mon rapport d’enquête et mes conclusions (ou opinions) en rapport avec l’affaire susmentionnée.

  1. Après la conversation téléphonique que j’ai eue avec vous, puis avec le Dr Ebbs, j’ai rencontré le caporal Rodger près du parc Algonquin le 5 octobre 1956. Son rapport du 9 octobre 1956 relate tout ce que nous avons fait cette journée-là.
  2. Le caporal Rodger et moi-même avons décidé que, pour nous protéger des critiques qu’allaient nous valoir l’ouverture d’une tombe, nous allions procéder comme lors d’un cas ordinaire de découverte d’ossements humains et tenter si possible de déterminer s’ils appartiennent à une personne disparue et d’évaluer la possibilité qu’il y ait eu acte criminel, mais que nous ferions abstraction des rumeurs locales voulant qu’il s’agisse de M. Thomson, l’artiste, sauf s’il était possible de l’identifier. Les évènements qui ont suivi semblent démontrer que nous avons été critiqués.
  3. Observations sur le site de la tombe sans inscription.
    Les ossements et les morceaux de bois se trouvaient dans une terre légère et sablonneuse sur une colline bien drainée. L’écoulement de l’eau expliquerait que le sable était à ce point mêlé avec les ossements. (Une dépression de surface avait été notée par les hommes qui ont creusé à l’origine.) Des noisettes (au contenu flétri) se trouvaient avec les ossements à une profondeur de 4 1/2 pieds. On doit leur présence, selon moi, à l’écoulement d’eau, car cela semble être trop profond pour les rongeurs. Les racines d’une vieille souche de pin étaient à une extrémité de la tombe et il est possible que les rongeurs aient pu se rendre profondément dans le sol par des canaux pourris, mais je n’en ai vu aucun. Certains piquets de la clôture de bois autour d’une tombe

    - 2 -

    adjacente étaient pourris au niveau du sol alors une plaque commémorative en bois pour cette tombe pourrait très bien avoir disparu. Je n’ai vu aucune plaque commémorative en pierre pour cette tombe. Les restes de bois, les poignées et les plaques de métal étaient au même niveau que les ossements. Les premiers à avoir creusé dans un coin avaient d’abord trouvé le bois, puis les ossements. Ces faits laissent supposer que le corps se trouvait dans le cercueil. Je n’avais pas l’impression que c’était nécessairement le cas, car si le corps avait été placé sur le dessus d’un cercueil vide, il serait tombé à l’intérieur si le couvercle avait pourri avant que les côtés ne pourrissent complètement. Le bois semble être celui d’un cercueil d’une fausse-tombe recouverte d’une bâche. Il n’en reste que des morceaux pourris. Si le corps a été enterré dans le cercueil, cela impliquerait que l’enterrement ne s’est pas fait dans le secret. Le cercueil semble être trop cher pour un Indien ou un travailleur occasionnel comme un bûcheron. Le tamisage du contenu n’a permis de découvrir ni anneaux ni boutons. Seuls des fragments de la bâche ont été retrouvés. Il restait une partie de bas sur un pied. Aucuns mocassins n’ont été découverts. Alors le corps a été enterré nu, à l’exception d’un bas, ou dans un linceul sans boutons.

    Temps que le corps a passé sous terre : Il est impossible d’être précis à ce sujet. Les ossements sont si légers (en raison de la perte de calcium) que l’enterrement peut dater de 20 à 40 ans et même davantage. Si le corps a été embaumé puis enterré pendant 40 ans, comme dans le cas de Thomson, je me serais attendu à retrouver des restes de chair. Or, il n’y en avait pas.
  4. Identification : Les ossements appartenaient indéniablement à un homme. Les calculs effectués à partir de l’humérus, du fémur et du tibia permettent d’estimer la taille à 5’8”, à 2” près. Ces ossements suggèrent aussi que la personne était robuste et très musclée. Les sutures du crâne permettent de situer l’âge entre 20 et 30 ans. L’absence de caries sur les dents (il n’en manque aucune à l’exception d’une molaire inférieure qui a été brisée) suggère aussi un âge inférieur à 30 ans. Il n’a pas été possible de déterminer si l’homme fumait la pipe. Le professeur J.C.B. Grant, du Département d’anthropologie à l’Université de Toronto, a été consulté et à son avis, le squelette est celui d’un homme, fort, mesurant 5’8” à 2” près, dans la fin vingtaine et de type mongol, soit indien ou de sang presque purement indien. Il ne pouvait donner aucune estimation quant au temps que le corps avait passé sous terre.
  5. Autres études : Les fragments de bois ont été identifiés comme étant du chêne et du cèdre. Le bois contenu dans les poignées de métal était du bois franc, fort probablement de l’érable. Sur l’un des fragments, la bâche était à l’intérieur du cercueil. Les clous – dont on a trouvé que quelques morceaux rouillés – étaient ronds. On a cessé d’utiliser les clous carrés vers 1900 environ. Mais des clous carrés ont été utilisés pour fixer les poignées. Ces poignées pourraient être bien plus anciennes que le cercueil. Le métal des poignées et des plaques est du plomb. Une photographie infrarouge des plaques montre seulement les mots « Repos éternel ». Le bas était en laine et ne pouvait pas être un mocassin. Sur la radiographie, qui a été prise avant de retirer le sable du crâne, il n’apparaissait pas de balle et aucune n’a été trouvée dans le sable retiré du crâne. Le trou dans la région temporale gauche fait près de 3/4” de diamètre. L’ouverture de la plaque interne est un peu plus large et légèrement biseautée. Selon les radiographies, elle n’aurait causé aucune fracture. Il n’y avait pas de blessure sur la table interne du crâne face au trou où une balle aurait fait des dommages. L’os orbital et les os du nez étaient tout à fait intacts, de sorte qu’il est impossible qu’un projectile se soit échappé du crâne. Le professeur Eric Linnel du Département de neuropathologie, convient que cette ouverture se trouve dans la position classique d’une

    - 3 -

    opération pratiquée sur le crâne à l’aide d’un trépan pour arrêter une hémorragie causée par une blessure à la tête. Les radiographies finales, prises une fois la voûte du crâne retirée, prouvent au radiologue ainsi qu’à moi-même que l’ouverture a été pratiquée par un trépan chirurgical et n’a pas été causée par une balle ou par un instrument pointu comme un pic ou une flèche.
  6. La possibilité qu’il s’agisse de M. Thomson
    M. Thomson est décrit dans les livres etc. comme étant un homme fort, qui aimait la nature, mesurant plus de 6 pieds et étant âgé de 40 ans. Il a été mentionné qu’il fumait la pipe. Les ossements étaient ceux d’un homme moins grand et moins âgé. Les ossements sont ceux d’un Indien. Je ne trouve aucune note sur les origines de M. Thomson sinon qu’il est né à Claremont en Ontario. Les recherches se poursuivent. La dentition du squelette était exceptionnellement bonne et comportait une irrégularité particulière à la mâchoire inférieure. Des photos ont été remises à l’inspecteur McDermott dans le but de savoir si des proches peuvent la reconnaître.

    Il se peut qu’il ait été enterré nu puisqu’il a été découvert plusieurs jours après sa mort. Mais on rapporte aussi qu’il a été embaumé, ce qui aurait permis de le vêtir sans être nécessairement trop incommodé. De plus, s’il a été embaumé, je pense qu’un peu de chair aurait subsisté, même après 40 ans. Les rapports disponibles indiquent que M. Thomson avait une ecchymose sur le côté droit du visage. Cela apparaît dans la description faite par le Dr Howland et dans l’une de celles faites par l’entrepreneur de pompes funèbres. M. Little (du groupe qui a creusé au départ) croit avoir lu quelque part que c’était sur le côté gauche. Le Dr Howland est neurologue et c’était un de mes anciens enseignants. Il avait un si bon sens de l’observation qu’il n’aurait jamais pu ne pas remarquer une blessure sur la tempe gauche et le trou dans le crâne, s’il avait été récent, aurait laissé une blessure sur le visage, s’il avait été moins récent, une cicatrice visible.

    Le pied de la tombe dans laquelle les ossements ont été découverts était situé à 21 pieds plein nord par rapport au coin de la clôture entourant les deux tombes portant des inscriptions. Cela correspond sans doute approximativement à l’endroit où M. Thomson a été inhumé initialement. Rien ne prouve que la tombe rouverte n’est pas la même que celle de M. Thomson et le cercueil est fait de bois franc exactement comme la sienne l’était. Mais j’ai vraiment l’impression que le squelette n’est pas celui de M. Thomson. Ce que je crois cependant que cet Indien a été enterré dans la tombe originale de M. Thomson, soit à l’intérieur ou sur le dessus du cercueil vide. La seule façon de faire taire ces rumeurs est d’ouvrir la tombe qui se trouve à Leith mais, si la famille est certaine qu’il y est enterré, cela ne sera jamais possible. Il se peut que l’inspecteur McDermott ait quelques renseignements au sujet de sa taille et de son poids, de ce qu’il portait au moment de l’enterrement et de toute histoire concernant une blessure à la tête ou une opération subie plus tôt au cours de sa vie et si les membres de sa famille ont confirmé qu’il s’agissait de ses dents sur les photos.

CONCLUSIONS :

  1. Les ossements retrouvés étaient ceux d’un homme indien ou de sang presque purement indien, mesurant environ 5’8”, de stature robuste, dans la fin vingtaine.
  2. Il a été inhumé pendant au moins 20 ans, plus probablement 20 ans que davantage.
  3. À un moment donné, il a fort probablement subi une opération à la tête pour traiter une hémorragie causée par un coup. Cette blessure a pu être de nature accidentelle ou autre; il est impossible de le déterminer. Toutefois, aucune accusation n’avait apparemment été portée au moment de l’opération.
  4. Il a probablement été enterré nu, à l’exception d’un bas, à l’intérieur ou sur le dessus d’un cercueil qui semble être trop cher pour sa race. Étant indien, il pouvait très bien s’être trouvé à proximité de cet endroit au moment de sa mort; ce petit lieu de sépulture semble être bien connu; cela laisse croire que ses compagnons auraient pensé que creuser une tombe connue était le moyen le plus simple ou cela pourrait avoir été un moyen de masquer la présence d’une nouvelle tombe.

Noble Sharpe

Source: Centre des sciences judiciaires, Toronto, Ontario. Documents fournis en réponse à une demande dans le cadre de la Loi sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée, Dr. Noble Sharpe, Objet : Réception d’ossements humains exhumés d’une tombe sans inscription dans le parc Algonquin, 30 octobre 1956

Retour à la page principale