Canada : nouvelle vision de la glorieuse région des lacs

Il y a exactement vingt-deux ans, en juillet 1917, l’artiste canadien Tom Thomson s’est noyé dans le lac Canoe du parc Algonquin. Il avait tout juste quarante ans, et seules les quatre dernières années de sa vie avaient été consacrées à peindre les toiles incroyablement originales et colorées qui ont contribué à inaugurer une toute nouvelle ère en l’art canadien. L’emploi de « nouvelle ère » n’est pas exagéré. Les efforts du vaillant Groupe des Sept pour dépeindre la lumière, les couleurs et la vie propres au Canada, au lieu d’emprunter ces qualités à l’Europe, ont été accueillis par des moqueries, des ricanements mesquins et de la colère. L’influence du groupe, dont Thomson était probablement l’inspiration majeure, a continué de grandir et a été d’un apport inestimable à l’art canadien. […]

La rançon de la gloire

Tom Thomson a présenté sa première toile, « Lac du nord », lors d’une exposition de l’Ontario Society of Artists en 1913. Le sentiment d’appartenance à notre pays, ainsi que la fraîcheur de ce paysage de lacs bien à nous ont été une révélation. Pourtant, devant l’acquisition de son tableau par le gouvernement de l’Ontario, Thomson s’est montré plus déstabilisé que surpris. Durant les quatre années qui ont suivi, il a peint ces toiles célèbres qui ont grandement enrichi l’art canadien, sur lequel il a eu une influence certaine.

Il n’a pas été le premier peintre à s’intéresser à ce pays de lacs qu’est le Nord. Cette beauté virile et accidentée avait été couchée sur toile auparavant, et ces œuvres présentaient, certes, un intérêt. Cependant, Thomson a capté le premier les nuances et les changements subtils de ce pays du nord et a réussi à traduire ces subtilités dans le langage des formes et des couleurs. C’était un poète lyrique, qui faisait des rimes avec des pigments et créait le rythme de ses coups de pinceau.

Le Nord envoûtant

Alors, vous, les adeptes de randonnées dans le pays des lacs, admirez ses beautés glorieuses avec les yeux du visionnaire qu’était Tom Thomson. Le pin noueux et tortueux poussant dans le sol rocheux au bord du lac est le grand prêtre du vent d’ouest, soufflant sur le lac blanc d’écume. Les épinettes longent la rivière dans un parcours en dentelle, et le flot ininterrompu incite à la contemplation. De plus, si vous faites une halte, l’éclat doré d’un jeune mélèze, le noir de l’épinette, les bleus vivants du lac et du ruisseau, ainsi que le pourpre éclatant des collines vous sauteront aux yeux. Ces couleurs vous apparaîtront exactement telles que Thomson les percevait, du lever au coucher du soleil, puis dans la nuit ensorcelante au clair de lune. Ce festin de couleurs ne peut être absorbé que dans le calme d’une marche en forêt, non pas à la vitesse d’une promenade en automobile. Une randonnée à pied, une excursion en canot : voilà comment se laisser toucher par la beauté des couleurs, comment être en phase avec les nuances et entrer dans la paix des paysages sauvages du Nord, tout comme Tom Thomson, l’apôtre de la beauté, savait le faire.

Source: Percy Grant, "," Evening Telegram, 25 juillet 1939

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