James MacCallum, lettre à Bobby, 24 janvier 1930

24/I/30

Cher Bobby,

Thompson n’a jamais eu de technique pour appliquer les couleurs – aucun peintre ne peint selon une technique. Si oui, que Dieu lui vienne en aide. La façon qu’un peintre a d’appliquer les couleurs dépend surtout de son sujet et de ce qu’il souhaite exprimer. En peinture, le dessin dépend de l’utilisation qu’on fait des couleurs. Les critiques imbéciles parlent toujours du coup de pinceau de tel ou tel peintre – je peux imiter son coup de pinceau mais ce n’est pas ça qui donne une toile ou une œuvre d’art. Ce n’est pas la technique qui permet de faire une toile, même bien imitée – oubliez les touches de couleur, le coup de pinceau et le reste et essayez de ressentir les sentiments ou

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les émotions que l’artiste a tenté d’exprimer. Tom Thomson utilisait ses couleurs et ses coups de pinceau d’une douzaine de façons différentes – il n’avait pas de technique – n’était conscient de l’existence d’aucune technique – il ne pensait qu’à ce qu’il ressentait et ce qu’il tentait d’exprimer. Je possède plus de ses œuvres que n’importe quelle personne ou institution, de ses plus anciennes à ses plus récentes – il n’employait pas de méthode, ou plutôt, il en employait des dizaines – mais il ne songeait jamais à la méthode qu’il utilisait. Je comprends votre difficulté. Un jour, en le regardant faire des esquisses, je lui ai dit Tom comment tu sais que ces traits et ces points que tu fais vont ressembler à quelque chose de réel – il a répondu Mais c’est à ça que ça ressemble! Vous n’avez pas vu Les Barges de drave (ou Spectacle du Nord) – faite avec de grosses taches de couleurs pures de 2 pouces par 3/4 – certaines plus grosses, certaines plus petites – Elle a été faite de cette façon parce que les critiques s’en étaient pris à lui et à ses méthodes. Lorsque je suis passé le voir pendant qu’il la peignait et que je lui ai demandé pourquoi il procédait ainsi, il a répondu Qu’ils aillent se faire voir! Je vais leur montrer.

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On peut savoir scientifiquement grâce au prisme en quels éléments la couleur se transforme et comment combiner ces éléments pour donner de la lumière. Les impressionnistes français travaillaient à partir de points de couleurs que les yeux et l’esprit de l’observateur pouvaient assembler – Tom avait compris qu’il pouvait accomplir la même chose avec de petites ou de grandes masses de couleur pure – Comme il m’a dit au sujet d’une esquisse « ne prends pas celle-là, il n’y a pas assez de lumière du jour dedans ».

[…]

Veuillez agréer mes plus sincères salutations,
James M. MacCallum

Source: Archives of Ontario, MU583/F1066. William Colgate Collection., Files on Tom Thomson 1915-1958. File IIA – “Tom Thomson Correspondence, 1915-1943”., Dr. James MacCallum, Lettre à Bobby, 24 janvier 1930

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