A. Y. Jackson, lettre à Katrinka, 11 mai 1916

Poste de transmission
60e Btn can.

11 mai

Ma chère Katrinka

Ta lettre m’est parvenue l’autre jour alors que j’étais encore au travail. les choses sont si paisibles depuis ces derniers jours qu’il y a de quoi s’inquiéter. À l’occasion un obus peut tomber dans notre direction alors nous sommes toujours prêts à plonger dans notre petite tranchée dehors. J’ai placé des pierres et des fleurs autour pour la camoufler. Le temps est plutôt froid et pluvieux. J’espère que ça ne va pas durer. Je me suis rendu aux tranchées avec une équipe de travail l’autre nuit, pour creuser une tranchée. Nous sommes revenus dans un chariot vers 2 heures du matin et le jour se levait alors vite il leur a fallu galoper sur la route pavée. J’ai encore mal à cause des cahots. Ils peuvent voir les routes depuis les lignes des Huns et s’ils voient quelque chose bouger, ils lancent un obus dessus. Hier j’ai vu Willie Gray. Il m’a envoyé un message me disant de passer le voir, alors j’y suis allé et nous avons eu toute une discussion. Je pense qu’il en a assez de la guerre. il n’a pas l’air en grande forme. il a été officier du transport pendant quelque temps mais maintenant il est dans la compagnie.

Alors comment va ton russe. J’imagine que ton professeur est ce que nous appelons ici un pauvre type. Je suis moi aussi un social-démocrate et je ne crois pas en la guerre. La Prusse est le plus grand obstacle à la social-démocratie et la Prusse croit en la guerre que nous y croyions ou pas et si nous nous inclinons sans protester, alors les sociaux-démocrates feront selon la volonté de la Prusse, ils défileront au pas de l’oie et tout et tout. Le plus triste au sujet de notre forme de gouvernement est qu’on confond liberté et irresponsabilité et les lâches et les hypocrites qui ont prospéré sous ce régime quand les libertés sont menacées et que même l’inviolabilité de leurs foyers [est] en danger ils n’ont pas honte de remettre leurs responsabilités et l’honneur même de leurs femmes et de leurs filles entre les mains de ceux qui n’ont pas prospéré dans la pagaille démocratique.

Le voyou de la rue Craig va à la guerre alors que l’homme respectable et suffisant reste à la maison. J’ai eu connaissance de plusieurs cas où c’est arrivé. Alors la comish de Pal Haywards ne fonctionne pas. J’imagine que c’est tant mieux pour l’armée. L’armée canadienne serait une bien meilleure machine à mon sens si on laissait tomber les distinctions de classes et si les officiers vivaient exactement sous les mêmes conditions que leurs hommes pour ce qui est de la nourriture et des commodités. Le seul privilège étant l’association avec les hommes les plus intelligents et les plus volontaires que l’armée produise. Nous sommes à court de lectures dans notre poste, réduits à lire Tit Bits et Jack Canuck.

La lettre est ce qui est le plus lu dans l’armée canadienne. Je m’attends à ce que nous retournions bientôt dans les tranchées. Ça ne nous inquiète pas tellement pour l’instant. Ça ressemble à un emploi d’été. La routine. Le bataillon change lentement, jusqu’à ce que dans six mois seul son nom sera inchangé. Quelle guerre. Arthur est parti pour deux jours pour apprendre à faire voler des pigeons. Sois gentille. Des tonnes d’amour à tous. [Ian Beck?] est major maintenant. Cousin Will est très fier de lui : Tra la la.

Ton frère qui t’aimera toujours
X Alex XX

Source: Library and Archives Canada/Bibliotheque et Archives Canada, MG30 D351 'Naomi Groves Jackson fond', Container 94, File 19, A. Y. Jackson, Lettre à Katrinka, ca. 11 mai 1916. Notes:

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