« La famille de Tom Thomson interdira l’exhumation de la dépouille du défunt », Owen Sound Sun-Times, 8 févr. 1969

Les demandes d’un producteur de la télévision de la CBC concernant la tombe de Leith, que la majorité croit être l’endroit où reposent les restes de Tom Thomson, artiste canadien reconnu mondialement et précurseur de l’école d’art canadien du Groupe des Sept, a soulevé beaucoup d’indignation à Owen Sound.

Les gens, dont plusieurs sont des amis de longue date de la famille Thomson, croient non seulement que d’ouvrir la tombe 50 ans après la mort du peintre serait de très mauvais goût et causerait beaucoup d’angoisse aux membres toujours vivants de sa famille immédiate, mais ils ne voient pas non plus à quoi cela servirait, même si l’indication improbable selon laquelle il aurait été assassiné s’avérait exacte.

Le téléfilm sur Tom Thomson, présenté jeudi soir à la CBC, a causé une grande déception au sein des milieux artistiques locaux et des autres personnes liées à la famille Thomson. Il semblerait que son seul but ait été de prouver l’hypothèse selon laquelle M. Thomson aurait été assassiné et d’accentuer ainsi la pression pour que la tombe soit ouverte.

ILS NE LE PERMETTRONT PAS

La décision finale revient aux membres toujours vivants de la famille, deux sœurs et un neveu. Ce dernier, Geo. Thomson, de la galerie d’art Brantford, a déclaré que ses tantes, lui-même et les autres membres de sa famille ne donneront pas leur permission pour que l’on ouvre la tombe, ni maintenant, ni jamais.

Il n’y a jamais eu de doute dans la tête des membres de la famille que Thomson était mort accidentellement, comme l’a certifié officiellement l’enquête qui a suivi et qui attestait d’une mort par noyade.

Son père, le regretté Geo Thomson, doyen des artistes de la région pendant plusieurs années et personnage reconnu pour ses paysages, s’est immédiatement rendu sur les lieux en apprenant que Tom avait disparu et que l’on croyait qu’il s’était noyé, se rappelle le fils. Il a cherché son corps durant six jours. Il a ramassé les esquisses de l’artiste avant de retourner à la maison et peu de temps après, la famille a été informée que le corps avait été retrouvé.

Geo. Thomson père a déclaré avoir été informé que Tom s’était foulé la cheville juste avant sa disparition. Il était d’avis que Tom avait débarqué du canot en s’appuyant sur sa cheville blessée, qu’il avait glissé, s’était cogné la tête sur une roche et avait roulé dans l’eau, inconscient, pour ainsi se noyer.

Lorsqu’un membre du personnel du Sun-Times a demandé à Geo. Thomson il y a 10 ou 12 ans ce qu’il pensait de la rumeur, qui était réapparue à l’époque, il a affirmé avec conviction que la dépouille de Tom se trouvait dans un cercueil enterré à Leith et que sa mort avait été accidentelle.

OPINION PUBLIQUE

On a demandé à plusieurs résidants d’Owen Sound, dont certains connaissaient la famille depuis bon nombre d’années, quelle était leur opinion au sujet de la proposition. Voici ce qu’ils ont répondu :

Mme S. H. Pearce : – « Je crois que cette proposition est de très mauvais goût et je ne vois pas ce qu’on pourrait en tirer de bon. Nous avons un très beau monument commémoratif à la mémoire de l’artiste Tom Thomson dans notre galerie d’art Tom Thomson. J’ai une grande admiration pour son œuvre et le rôle qu’il a joué pour l’art canadien et je trouve que ce mouvement est des plus déplorables. »

Mme Pearce, ancienne rédactrice de la page féminine du Sun-Times, a travaillé activement à l’établissement de la galerie d’art commémorative. Le téléfilm sur Thomson présenté jeudi soir sur les ondes de la CBC l’a grandement bouleversée. « Plutôt que de regarder ce que nous croyions être un hommage au magnifique art de Tom Thomson, nous avons observé une bande de goules à l’œuvre. »

Ald. Clifford Waugh, représentant du conseil municipal au sein du comité de la galerie municipale : – « La légende de Tom Thomson est chérie depuis des années par les gens de la région et la CBC, dans sa stupidité, a tenté délibérément de détruire l’image de cet artiste vénéré, faisant ainsi souffrir la famille Thomson. »

Mme John Harrison, présidente du comité des femmes de la galerie : – « Je crois que le suspense était bien alimenté tout au long du film, mais j’ai été déçue qu’on ne consacre pas plus de temps à sa vie et qu’on n’ait pas montré plus de ses toiles. Je suis d’avis que ce serait une bonne chose d’éclaircir le mystère entourant sa mort. »

William Parrott, professeur du département d’art de l’OSCVI: – « On devrait laisser les morts en paix et on ne tirerait rien de bon à ouvrir la tombe à Leith. »

M. Parrott a déclaré : « Les chrétiens n’ont pas besoin de savoir avec certitude où est enterré le Christ pour l’honorer, alors pourquoi devrions-nous ressentir le besoin de savoir où se trouve la dépouille de Tom pour pouvoir l’honorer? »

W. M. Prudham, ancien directeur de l’OSCVI : – « On pourrait clarifier la situation si l’on ouvrait la tombe de Leith. Sinon, des doutes referont toujours surface de temps à autre. »

Mme John Rowe, membre du comité de la galerie d’art : – « Les responsables de la McMichael Conservation Gallery de Kleinburg tiennent à prendre possession des dépouilles des membres du célèbre Groupe des Sept afin de les enterrer au même endroit. Je trouve que l’idée de déterrer des tombes est horrible. Les vies dont on se souvient sont plus importantes que des os. »

Mme K. C. Quirk, membre du comité de la galerie : – « L’exhumation serait inutile. Laissez le pauvre homme reposer en paix. On devrait respecter les désirs des membres survivants de la famille. »

Stan Latham, de radio CFOS : – « Le lieu où se trouvent les ossements de Tom Thomson n’a d’importance que pour les curieux. Ça n’a vraiment pas d’importance pour moi. Le vrai Tom Thomson vit toujours à travers ses toiles. Laissons ceux qui désirent l’honorer et commémorer sa mémoire le faire à leur façon. Je dirais que nous le déshonorons en nous querellant au-dessus de sa dépouille. Laissons le mystère reposer avec lui et cette terre qu’il aimait tant et qui était sacrée à ses yeux. »

Source: "La famille de Tom Thomson interdira l’exhumation de la dépouille du défunt," The Owen Sound Sun-Times, 8 février 1969

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