Journal de l’évêque George Hills de Colombie

Colonie de Ganges Harbour, service du soir dans une cabane de rondins

5 septembre 1860

C’était le crépuscule du soir et il commençait à faire nuit mais j’étais anxieux de rendre visite sur-le-champ à certaines personnes. Nous avons mis pied à terre à l’extrémité du port et atteint la cabane de rondins en empruntant un sentier tortueux qui traversait un village indien désert. C’était la demeure de M. Leniker, le doyen des pionniers, un homme des plus respectables qui fut jadis marchand, de sa femme, la fille d’un pasteur, ainsi que de leurs enfants. Dans un coin, on gardait des poulets et des cochonnets en plus d’autres jeunes [possessions?] de la famille. Après avoir longuement parlé, nous sommes convenus d’un service qui aurait lieu le lendemain et nous avons prié : j’ai lu le psaume 6 et [illisible], puis nous avons enchaîné avec l’hymne du soir. Tous ont exprimé leurs remerciements et affirmé qu’ils ne se seraient jamais attendus à ce que l’évêque lui-même se rende dans une colonie aussi éloignée que la leur. « Oh, leur ai-je répondu, si Dieu lui prête vie, je peux vous assurer que vous verrez souvent cet évêque en de tels lieux et qu’il sera enchanté d’y être! » M. Leniker nous a reconduits au bateau en éclairant notre route et nous sommes repartis sur l’eau placide et tranquille dans laquelle la lumière phosphorescente faisait ressortir les rames et les poissons que nous pouvions voir s’éloigner comme des flèches dans toutes les directions sous le bateau.

Prières du soir à la cabane du capitaine

Nous avons prié avant de nous retirer sur nos couchettes. J’ai lu un extrait des Saintes Écritures et fait une prière. C’est un réconfort que d’être sur un vaisseau si bien mené et d’être en compagnie d’un homme aussi bon que le capitaine Robson.

Mardi 6 septembre ― prières du matin ― The Forward : à 9 heures, on a rassemblé l’équipage comme à l’habitude. J’ai lu un extrait des Saintes Écritures : Jean, chapitre VIII, verset 31, au sujet « du fils et de l’esclave », et j’ai expliqué ce passage. Suivi de prières. Nous sommes allés à terre après le petit déjeuner. M. Leniker nous attendait. Le capitaine Robson est sorti avec son fusil et a tiré trois gélinottes. Le révérend Lowe et moi-même sommes partis avec M. Leniker et M. Richardson, une personne de couleur, pour visiter les zones défrichées.

Colonie de Ganges Harbour

Les lots sont découpés en rectangles de 200 acres chacun. Il y a environ 8000 acres dans l’île qui sont pris, environ la moitié de ce côté-ci. En un an à peine, on a défriché beaucoup de terrain. Sur chaque lot, on a construit une grange en rondins et mis 3 ou 5 acres en culture. On peut voir toutes sortes de produits du potager. Des choux, des pommes de terre, des betteraves, des oignons, des tomates, des pois, des concombres, des pastèques, des carottes, du blé et de l’avoine. Des cochons, des volailles et des veaux. La terre est bonne, généralement légère; j’ai vu du très bon terreau noir, en plus grande quantité dans les vallées. Je ne crois pas avoir vu de meilleure terre en Colombie-Britannique ni dans l’île de Vancouver. Il y a énormément de bois à couper, mais on trouve aussi beaucoup de grands espaces verts couverts de fougères. Le bois n’est ni lourd ni dense. Il y a de l’eau bonne à boire dans les puits. On peut chasser la gélinotte. Du chevreuil en abondance et il est bon. Du poisson en quantité. Mme Leniker était au bord de l’eau aujourd’hui en train d’attraper des éperlans. Nous en avons mangé au dîner et ils étaient exquis. L’hiver, les oiseaux sauvages sont abondants. M. Leniker m’a dit qu’il pouvait aller en tirer autant qu’il voulait, quand il le voulait. Les pionniers se plaignent des rapaces, des faucons qui pourchassent les poulets jusqu’à la porte des maisons.

Pionnier canadien

J’ai visité la ferme de M. Boothe. Il était occupé à défricher sa terre. Je lui ai demandé s’il aimait cet endroit. Il m’a répondu que oui, que c’était bien mieux que le Canada à cause de l’hiver qui est si doux.

Jeunes hommes venus d’Angleterre

Il y a deux jeunes hommes très bien, Despard et Andrews, qui viennent du vieux pays et qui ont une ferme. Ils viennent de finir leur cabane de rondins. Ils sont arrivés tard. Ils ont été [malchanceux?]. Une vache est allée dans leurs pommes de terre et a détruit tous les premiers fruits de leur labeur. Une truie a eu une portée, mais tous les petits ont été tués. Ils n’étaient pas de bonne humeur, aussi ai-je tenté de leur remonter le moral.

Les gens de couleur

J’ai visité la ferme de M. Richardson, un homme de couleur. Il a fait montre d’une grande diligence et très bien réussi à s’installer sur la terre. Plusieurs acres avaient produit d’abondantes moissons. J’ai rendu visite à M. Moore, un enseignant de couleur, qui a une ferme lui aussi. Il y a un bon nombre de gens de couleur. Leurs terres défrichées en comparaison de celles des autres.

Le lac [lac Sainte-Marie]

Il y a un lac magnifique à environ 3 milles du lieu d’appareillage. Des poissons et des oiseaux sauvages y [vivent?].

Les services religieux

À 3 h 30, les gens se sont assemblés chez M. Leniker. Nous avons entonné les litanies et les hymnes. J’ai fait mon sermon d’après la deuxième épître aux Corinthiens, chapitre IV, versets 10 à 31, et j’ai montré les motivations, la direction, les possibilités et les fruits d’une vie chrétienne. Après le service, M. Leniker m’a exprimé les remerciements des pionniers pour ma visite. Il a demandé si je reviendrais et si je croyais [illisible] pouvoir leur envoyer un pasteur. Je lui ai répondu que j’étais heureux d’être parmi eux et que je ferais tout ce qui était en mon pouvoir. Ils sont venus en foule avec moi jusqu’au bateau. Nous nous sommes serré la main et nous sommes partis.

Mme Leniker est la fille d’un pasteur, le révérend Vincent, de la ville de Wyoming, en Australie. Son père fut l’un des premiers hommes d’Église à se rendre là-bas. Elle a bien connu l’illustre Samuel Marsden qui lui a souvent fait faire un tour à bord de son cabriolet lorsqu’elle était enfant. Elle a séjourné chez lui pendant des semaines. Parfois, elle trouve la vie terrifiante. Elle craint les Indiens. Il y a six semaines, il y a eu une bagarre entre Indiens dans le port, tout près de leur demeure. Un canot d’Indiens Haïdas est arrivé. […] rancune à cause d’un tort causé des années auparavant. Environ cinquante Cowichans ont pris part aux hostilités. Ils ont tiré sur eux, cachés derrière les arbres. Un Haïda est tombé, puis un autre. Au bout du compte, la plupart ont été tués et une femme a été faite prisonnière. Certains ont réussi à s’échapper sur une courte distance, mais ils ont été pris au piège et tués. Dix d’entre eux ont ainsi été tués. Mme Leniker était en proie à la panique. Elle s’est réfugiée dans les bois avec ses enfants.

Un sauvetage

Peu de temps après, le Satellite est venu au port et a aidé à sauver la femme. Elle a été emmenée à Victoria. Lorsqu’ils sont arrivés, un Haïda s’était rendu [à Victoria], lui aussi seul rescapé du massacre. Il s’est avéré qu’il s’agissait de l’époux de la femme qui avait été sauvée. On peut s’imaginer leur joie étant donné que chacun croyait l‘autre mort.

Service du soir à bord du Forward

Le vendredi 7 septembre. Ce matin aux environs de 6 h, nous avons fait route vers la colonie établie du côté nord-est de l’île Amiral. Nous nous en étions approchés hier au lac. Nous avons tourné en rond pendant deux heures. À 9 heures, j’ai lu des prières et j’ai dit quelques mots aux hommes au sujet du 139e Psaume. Nous avons accosté à 10 h 30.

La colonie du nord-est de l’île Amiral [la colonie de Begg]

M. Lowe m’a accompagné sur la terre ferme. Quelques pionniers sont venus à notre rencontre. J’ai visité la plupart des cabanes de rondins qui sont construites sur les lots. [Voir le croquis d’une cabane de rondins par Mallandaine.] Cette terre est plus dégagée que celle que nous avons visitée hier de l’autre côté. Cela ressemble presque à un parc et la terre est, par endroits, du riche terreau noir, ailleurs [illisible] et pas riche. Il y a beaucoup de bons fourrages. Il y a 16 pionniers, surtout de jeunes hommes. Ils vivent presque tous avec des Indiennes. J’ai rendu visite, entre autres, à la ferme d’Elliot. Il a été forgeron à Nanaimo pendant quelques années. Il a une bonne cabane de rondins. Il a construit de vastes espaces pour engraisser les cochons. Il posait le toit d’une étable. Il avait semé plusieurs acres en pommes de terre. J’ai visité une autre ferme, celle de Mills. Il a clôturé 25 acres et les labourait. Il fait pousser des pommes de terre sur environ 3 acres. Il a cinquante cochons, deux vaches et deux bœufs, […] deux trayeuses et de la volaille. Il vient d’Eltham, dans le Kent. Il y a également la ferme de M. Beggs, qui est un bon pépiniériste. Il a environ 4 acres en culture. Il a planté un verger. Ses légumes sont excellents. Sa terre est un riche terreau noir. Il dit qu’il ne pouvait espérer rien de mieux. Il a l’intention de transformer sa terre en pépinière et je n’ai aucun doute qu’il trouvera un marché au milieu des besoins grandissants des colonies. Mills a une étable, une grange dans laquelle le foin et les pois en gousses sont entreposés. Il venait à peine de terminer 7 excellents enclos en rondins pour les cochons. En cette saison, ils se nourrissent de ce qu’ils trouvent dans le bois. Les cochons déterrent des noix et des quamassies. Pendant l’hiver, on donne au bétail du foin, des pois et des pommes de terre. Il y a quantité de poissons et du chevreuil en abondance. On peut se procurer un chevreuil de 80 livres pour 1 dollar. Un bon mâle de 120 livres pour 1 dollar et demi.

Service à la colonie du nord-est

À 1 h, j’ai officié le service : environ 9 personnes étaient présentes. J’ai lu les litanies. Nous avons entonné trois hymnes. Les gens chantaient très bien. Les feuillets contenant 10 hymnes donnent de bons résultats. Je les distribue avant le service et les reprends à la fin. Notre service a eu lieu dans la cabane de Geary que quelqu’un remplaçait et qui était très heureux d’accueillir le service. J’ai remarqué que quelques personnes entonnaient les hymnes comme si les paroles leur étaient familières. J’ai prêché l’histoire du Fils prodigue. Ils m’ont écouté avec attention. J’ai donné des exemples dont j’avais eu connaissance de jeunes hommes qui étaient partis travailler dans les mines et qui avaient tout dépensé dans une vie de détresse. Certaines personnes présentes avaient travaillé dans les mines. Par la suite, l’une d’entre elles a dit au capitaine Franklyn : « Monsieur, je connais plusieurs cas exactement comme ceux que le gentleman a décrit. » Je les ai alors exhortés à réfléchir à leur propre vie. J’ai parlé de leur demeure et de la Demeure du Seigneur, les invitant à l’amour et à la miséricorde du Sauveur et j’ai bon espoir que les mots que j’ai prononcés changeront leurs sentiments et ne seront pas sans [résultat?]. Les pionniers ont fait part de leur désir d’avoir un pasteur. J’espère que nous serons en mesure de les aider, même si je ne sais vraiment pas de quelle façon. Ils m’ont raccompagné au bateau.

Les gélinottes de l’île Amiral

Hier, le capitaine Robson avait tiré trois gélinottes. Aujourd’hui, il en a abattu une couple. On les appelle des perdrix, mais elles sont de l’espèce des gélinottes, quoiqu’un peu plus grosses. Elles sont très bonnes à manger.

Les Indiens de l’île Amiral

Un vieux chef est monté à bord ce matin. Il a apporté des baies et voulait de la poudre, ce que le capitaine lui donna gentiment. Il avait une chaîne autour du cou à laquelle était attaché un crucifix. Il avait un rouleau de papiers qu’il chérissait et parmi lesquels se trouvaient quelques feuillets des Saintes Écritures. Nous espérons que d’une manière ou d’une autre ils seront [réceptifs?] à l’influence du révérend père. Il a assisté au service sur la terre ferme et c’était intéressant de l’entendre se joindre aux chants. Il était aussi présent lors des prières du matin à bord. Je lui ai demandé s’il savait ce qu’elles signifiaient. Il a dit qu’il les comprenait et que Dieu lui avait enseigné à être bon. Il m’a dit que leur grand chef désirait ardemment me rencontrer. Je souhaiterais avoir quelque chose de valeur à donner à ces pauvres créatures plutôt que des babioles catholiques. Et pourtant, combien il est préférable de leur donner le trésor qui ne rouille pas et ne se fait pas manger par les mites, mais ils sont comme des enfants et Rome les traite en conséquence.

Du 8 au 11 septembre, en direction de Nanaimo, Cowichan

Le mardi 11 septembre. Nous avons quitté Nanaimo à 4 h 30. Le capitaine a reçu à bord un pasteur méthodiste et sa femme, M. et Mme Robson. Cette dernière était souffrante et souhaitait être emmenée à Victoria. Il y avait également une fille du capitaine Franklyn.

La colonie de Fulford Harbour

Nous avons atteint Fulford Harbour à 11 heures. Le capitaine et moi avons mis pied à terre. Une belle route bien tracée menait aux habitations de quelques Allemands. Ces hommes industrieux sont occupés à se faire des bardeaux pour les toitures et à fabriquer des douves pour les saumons et des barriques de cèdre. Ce sont des amis qui sont venus ensemble d’Allemagne, qui ont travaillé ensemble dans les mines en Californie, puis qui sont venus ici et ont décidé de s’y établir. Ce sont des catholiques, sauf un, qui est protestant. Ils semblent calmes et respectables. Je leur ai parlé des obligations de la religion. Ils ont dit que c’était une disgrâce pour un homme de ne pas aller à l’église lorsqu’il en avait l’occasion. Celui qui prenait le plus souvent la parole était un jeune homme qui a, malheureusement, invoqué le nom de Dieu sans raison à quelques reprises. Ils ne cultivent encore aucune terre. Ils apportent leur travail à Victoria et en rapportent de la nourriture : ils se font 3 dollars et demi pour 10 000 bardeaux. Ils ont un approvisionnement stable en gibier. Un chevreuil qui venait d’être tué était suspendu. Le grand nombre de peaux de chevreuil montrait l’abondance de ce gibier. Ils ont également des gélinottes. L’endroit est agréable. Quelques Anglais habitaient à une courte distance de là, mais ils sont partis depuis un certain temps. Je serais tenté de croire qu’il y a de bonnes terres à l’ouest de ce port. Il y a un ruisseau au [illisible] qui provient d’un lac 3 miles plus loin. Nous avons atteint Victoria à 6 h 30. J’ai vu que mes invités américains étaient arrivés. Le pasteur Kendig et sa femme de Fort Steclacom, et le pasteur Willis d’Olympia. Monseigneur Scott avait eu un empêchement.

Source: George Hills, Journal de l’évêque George Hills de Colombie, 1860-1887

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