Harvey Cushing, « La chirurgie de la tête »

Les fractures causées par des coups de feu. – Dans leur forme la plus simple, ces dernières sont des fractures perforantes provoquant une perte circulaire de substance. Lorsqu’il s’agit du résultat d’une blessure à courte portée, infligée par une arme légère moderne, nous avons observé que le crâne peut éclater vers l’extérieur sous l’action explosive de la pression hydrodynamique.[…] Nous savons, également, que ce sont des fractures ouvertes ou exposées; qu’elles sont presque toujours triturées et accompagnées de quelques dépressions de fragments; et, finalement, qu’elles sont souvent la cause de sepsies, d’hémorragies, ou de lésions intracrâniennes additionnelles, ce qui en fait une forme de blessure particulièrement dangereuse et invalidante. […]

Les fractures causées par des coups de feu auront, dans la société civile, davantage tendance à résulter de coups de revolver, et, dans les communautés où règne l’ordre, à être des blessures auto-infligées, accidentellement ou intentionnellement. Ici encore, le type de blessure observé dépend de la variété d’armes employée et de la vélocité initiale du projectile. La majorité des blessures observées de nos jours sont causées par des balles souples tirées par des revolvers ordinaires, sans grande force d’impulsion initiale; les pistolets de l’armée, plus lourds, tirent cependant des projectiles qui, à faible portée, possèdent l’effet explosif d’une carabine. Les balles souples et déformantes peuvent se loger soit dans l’os au point d’entrée, soit quelque part à l’intérieur de la cavité crânienne, en un point quelconque de leur trajectoire directe, ou dans le cas d’une balle ayant ricoché, en un point de la ligne déterminée par l’angle de déflexion de la paroi intérieure opposée. […]Il est toutefois possible de mentionner qu’en règle générale, il n’existe pas de raison particulière pour l’en extraire, car en l’absence de complications immédiates, elle devient encapsulée, et à moins que par chance la balle ne se trouve près de la surface, les dommages déjà subis ne seront qu’exacerbés par des tentatives zélées visant à la localiser et à l’extraire du crâne.

Les complications entraînées par une plaie pénétrante causée par un coup de feu peuvent être catégorisées commeimmédiates, comprenant celles causées par l’hémorragie, la compression et la destruction des tractus; intermédiaires, ou liées à la sepsie; et lessymptômes tardifs (irritants et paralytiques), témoignant des dommages permanents infligés aux tissus cérébraux. L’hémorragie, de tous les symptômes immédiats, est la plus à craindre, puisqu’elle peut causer une mort rapide par compression. Dans tous les cas, il y a une augmentation de la tension intracrânienne à cause de l’épanchement de sang, la pression expulse les tissus nerveux désassemblés par les plaies d’entrée et de sortie, et l’on retrouve des particules de tissus blancs évacués mélangés au sang qui s’écoule de l’ouverture. Il n’est pas rare que des nerfs crâniens soient atteints, que ce soit par section directe ou par implication dans une fracture basale.

Il est un fait largement connu que les suicidaires échouent souvent à accomplir leur dessein. Brun a répertorié 32 cas, dont 16 se sont remis. Dans ces cas, la région temporale droite a été la plaie d’entrée à seize reprises, la gauche à deux reprises, le front à neuf reprises et la bouche, à deux reprises. La « tempe » est considérée par les non-initiés comme un point particulièrement vulnérable, ce qui explique la prépondérance des cas ciblant cette zone. Dans de tels cas, la balle passe souvent d’une fosse temporale à l’autre, à l’extérieur du crâne. Traversant alors la partie arrière des deux orbites, elle sectionne les nerfs optiques et provoque la cécité – un bien triste châtiment pour un acte criminel. […]

Traitement. – La fracture elle-même est le moindre des maux découlant de blessures crâniennes causées par des coups de feu et ne saurait être considérée à part des autres complications occasionnées. S’il s’agit d’une perforation nette et définie, et qu’il n’y a pas de symptômes immédiats graves, un simple drain peut être installé sur la plaie et la guérison s’effectuera sans incidents; car à moins que des particules étrangères aient pénétré à l’intérieur avec la balle, sa trace se cicatrisera rapidement et la balle elle-même sera encapsulée. […] De la part du chirurgien, la tentation de sonder pour localiser puis extraire des fragments de balle situés en profondeur doit être combattue, car même si une telle procédure devait s’avérer une réussite, elle ne ferait qu’accroître les dommages déjà infligés par la balle, sans que l’extirpation du projectile n’entraîne de quelconques bienfaits.

Source: William Williams Keen, ed., Harvey Cushing, « La chirurgie de la tête » (Philadelphia and London: W.B. Saunders Company, 1908), 75-81

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