NEURASTHÉNIE

Définition. – État de faiblesse ou d’épuisement du système nerveux.

Ce terme, inventé par Beard, englobe un groupe de symptômes variés et mal définis. Ces symptômes sont soit de nature générale, exprimant une perturbation du système dans son ensemble, soit de nature locale, et sont alors circonscrits à certains organes particuliers, d’où les appellations de neurasthénie cérébrale, spinale ou gastrique. À certains égards, il s’agit du pendant physique de la démence. Tout comme l’un des aspects fondamentaux de la démence est une réaction anormale aux stimuli, intérieurs comme extérieurs, au niveau des plus hautes structures régissant l’esprit, la neurasthénie semble être l’expression d’une réponse morbide et malsaine à des stimuli ciblant les centres nerveux qui régissent les fonctions vitales. Aucune ligne de démarcation absolue ne peut être tracée entre la neurasthénie et certains autres états mentaux, dont notamment l’hystérie et l’hypocondrie.

Étiologie.

[…] Acquise. – Bien que les fonctions soient plus susceptibles d’être perturbées chez les individus ayant hérité d’une faible constitution, elles peuvent également être endommagées par des exercices surpassant proportionnellement la force – c’est-à-dire par un effort trop important. Les soucis et inquiétudes associés à la réalité d’avoir à gagner son pain peuvent être abordés sans sombrer dans la détresse, mais chez de nombreuses personnes, l’acharnement devient insoutenable et se manifeste d’abord sous forme d’inquiétude. L’individu perd la capacité de distinguer l’essentiel du futile, une bagatelle provoque chez lui l’irritation, et l’organisme entier réagit avec un vain empressement aux plus légers des stimuli, entrant ainsi dans un état que les anciens savants nommaient la faiblesse irritable. Si un tel état est détecté hâtivement, et que le patient est mis au repos, l’équilibre peut être rapidement restitué. C’est le cas de nombreux neurasthéniques que l’on retrouve au pays, particulièrement chez les hommes d’affaires. D’autres causes, plus subtiles, mais très influentes et difficiles à contrer, sont liées aux soucis que provoquent les aventures amoureuses, l’incertitude religieuse et la passion charnelle.

Symptômes.

[…]Lorsque les symptômes spinaux prédominent – qu’il s’agisse d’irritation spinale ou de neurasthénie spinale – les patients se plaignent, en plus de plusieurs des éléments mentionnés ci-haut, d’une grande fatigue à la suite du plus insignifiant des efforts, d’un manque de tonus, de maux de dos et de douleurs aux jambes. Il y a présence possible de points sensibles à même la colonne vertébrale. On observe occasionnellement une perturbation des sensations, notamment des sensations d’engourdissement et de picotement, ainsi qu’un accroissement possible des réflexes. Une douleur constante au dos ou derrière le cou fait l'objet des plaintes les plus fréquentes. Chez les femmes, il est souvent impossible de déterminer si l’état relève de la neurasthénie ou de l’hystérie.

[…] Le diagnostic est facilement rendu. Il est parfois difficile de départager ces cas de l’hystérie, et cela ne devrait guère surprendre, puisqu’il n’est pas toujours possible de distinguer entre les deux états. La neurasthénie affecte surtout les hommes, et représente, à de nombreux égards, la contrepartie masculine de l’hystérie.

[…] Traitement de la neurasthénie.— De nombreux patients nous sont confiés beaucoup trop tard pour pouvoir bénéficier d’un traitement efficace, et dans ces cas, il est possible que les ressources épuisées ne puissent jamais être restituées. Dans d’autres circonstances, le rétablissement est prompt, et le patient profite d’une bonne santé pour quelques mois ou une année, jusqu’à ce que le surmenage, voire l’usure ordinaire du quotidien, l’anéantisse à nouveau. D’autres personnes dérivent dans l’invalidité chronique, ou encore deviennent esclaves de la morphine ou du chloral. Dans le cas d’hommes d’affaires ou de professionnels, chez lesquels l’état se développe en réaction au surmenage ou à l’étude excessive, il est possible que la consigne de repos absolu, allié à un certain dépaysement et à un changement dans l’alimentation, puisse suffire. Un voyage à l’étranger, comprenant un séjour d’un mois ou deux en Suisse, ou encore, s’il y a présence de symptômes de dyspepsie nerveuse, dans l’un des nombreux spas, sera habituellement suffisant. L’excitation des grandes villes étrangères devrait être évitée. Dans ces cas, si un tel traitement est poursuivi, une existence champêtre au milieu des bois et des champs est encore plus vivement recommandée. Trois mois sous la tente dans les Adirondacks, ou dans les Rocheuses, mettent parfois un terme aux cas les plus aigus. Une telle entreprise, cependant, n’est pas à la portée de tous. Dans de bien plus nombreux cas, chez de nombreuses femmes neurasthéniques notamment, un traitement systématique Wier Mitchell, rigoureusement administré, devrait être considéré (voir hystérie). Aucune solution n’est aussi efficace que ce type de traitement pour ce qui est des cas persistants et prolongés, particulièrement s’ils s’accompagnent d’une dépendance au chloral ou à la morphine. Le traitement des symptômes gastriques ou intestinaux, si fréquemment liés à cet état, a déjà été abordé. Pour les cas plus légers, le massage s’avèrera très utile. Pour les douleurs intermittentes, particulièrement au dos et au cou, la thermocautérisation est inestimable. Les médicaments sont d’une bien faible utilité. La strychnine, en doses complètes, est parfois salutaire. Pour le soulagement de l’insomnie, toutes les pistes possibles devraient être explorées avant de considérer l’utilisation de médicaments.

Source: William Osler, "NEURASTHÉNIE." (New York: Appelton, 1892), 978-980

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