Une entente secrète permet au SISS d’obtenir des renseignements du FBI

En mars 1951, le Federal Bureau of Investigation a établi des relations normalisées et secrètes avec le Sous-comité du Sénat sur la sécurité interne des États-Unis (SISS) [Senate Internal Security Subcommittee]. Cette alliance, sur laquelle il n’existait encore aucune information, unissait deux des institutions politiques nationales d’influence des années 1950 et elle a joué un rôle important dans l’orientation des débats nationaux sur les questions de sécurité nationale. Mis sur pied à la suite du déclenchement de la Guerre de Corée et de l’adoption de la Internal Security Act [Loi sur la sécurité intérieure], ce comité du Sénat sur la sécurité interne est devenu l’organisme anticommuniste le plus puissant du Congrès, surpassant le sénateur Joseph McCarthy et le Comité de la Chambre sur les activités anti-américaines. Dès 1951, le SISS a rendu publique la prétendue menace que représentait le communisme chez les experts en politique de l'Extrême-Orient, les employés des Nations Unies, dans le système d'éducation, les organisations syndicales radicales, l’industrie du spectacle, le gouvernement fédéral, le mouvement pour la défense des droits et les journaux.

Ayant soi-disant reçu l'autorisation d'enquêter sur les violations des lois fédérales, le FBI divulguait depuis 1946, aux médias et aux congressistes conservateurs qui partageaient l’obsession du directeur du FBI face à la Menace rouge, des renseignements, obtenus illégalement ou sans aucune autorisation, sur des actes non criminels. Le début de la Guerre froide et la création du Comité McCarran ont donné à [J. Edgar] Hoover un débouché particulièrement fiable pour l’immense masse de renseignements politiques détenue par le FBI. Lorsqu’il a décidé d’officialiser sa relation personnelle avec le Comité McCarran en 1951, Hoover a démontré qu’il considérait le SISS comme un allié sérieux dans ses efforts pour protéger la nation du danger que représentait le communisme. Pour Hoover, le Comité McCarran s’est montré digne de confiance sous deux aspects : d’abord, le SISS partageait l’obsession presque fanatique du directeur quant à l’influence du communisme dans la vie américaine; ensuite, Hoover était assuré que le Comité protégerait la confidentialité des sources du FBI et ne permettrait pas que leurs relations soient révélées.

La confiance de Hoover dans le pouvoir du Comité de protéger les sources du FBI a commencé à s’effriter en 1953 lorsque William E. Jenner a été nommé à la présidence du SISS. Pendant le mandat de Jenner, le Comité a fait preuve plus ouvertement de partialité et s’est montré imprudent dans sa façon d’utiliser les renseignements du FBI, comme lorsque le SISS a prétendu en 1953-1954 que les anciens présidents démocrates avaient sciemment promu un espion communiste à un poste important au sein du gouvernement ou qu'ils avaient commandé la destruction de dossiers de contre-espionnage de la Marine contenant de prétendus renseignements sur les activités communistes. Ces actions ont forcé le directeur Hoover et les autres hauts fonctionnaires du FBI à limiter, puis à mettre fin à la relation du FBI avec le SISS en 1954. Les relations ont repris sur une base informelle en 1955 lorsque James Eastland, un autre membre du SISS qui avait une bonne relation personnelle avec Hoover, a assumé la présidence du SISS. En 1956, le FBI a établi avec le HUAC des relations normalisées, modelées sur l’entente qui existait entre le FBI et le SISS. Mais à ce moment-là, les fonctionnaires du FBI avaient compris que leur stratégie consistant à laisser fuir des renseignements négatifs sur des individus et des organisations subversives auprès des comités du Congrès était fragilisée par des décisions de la Cour suprême de 1956-1957 qui limitaient l'utilisation des rapports du FBI. Les fonctionnaires du FBI étaient également inquiets de la progression de la supposée influence communiste à l’intérieur des mouvements de protection des libertés civiques. Dans ce contexte, les fonctionnaires du FBI ont mis sur pied en 1956 de nouveaux programmes officiels de contre-espionnage, COINTELPRO, pour s’occuper de la menace que constituaient le Parti communiste et d’autres organisations considérées radicales à cette époque. Mis sur pied afin de nuire à la réputation des groupes dissidents, ces programmes du FBI étaient plus agressifs et n'avaient pas pour objectif d'informer le public des dangers du radicalisme par l’entremise des séances du Congrès, mais d'infiltrer, de suivre et de perturber ce que les hauts fonctionnaires du FBI croyaient être des activités « anti-américaines ».

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Source: Christopher John Gerard, "« Un programme de coopération : le FBI, le Sous-comité du Sénat sur la sécurité interne des États-Unis et la question du communisme, 1950-1956 ," (, Marquette University: 1993), i-iii

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