Norman écrit à propos de son adhésion au Parti communiste

Cambridge [Massachusetts] – 3 mars [1937]

Cher Howie,

[…] Au cours des 3 dernières semaines, j’ai tenté de me sortir de l’état de tristesse qui s’est abattu sur moi après avoir reçu la nouvelle de la mort de mon meilleur ami à Cambridge [Angleterre], John Cornford, tué par des fascistes en Espagne; c’est un coup beaucoup plus dur que pour MacLauren que je connaissais bien, mais pas aussi intimement que John; je suis certain que tu le connaissais par mes lettres de Cambridge. J’ai été plus influencé par lui que par aucun autre ami là-bas et c’est sous sa tutelle que je me suis joint au parti. J'avais non seulement du respect pour lui et pour ses talents, intellectuels et politiques, mais je l’aimais. […] Je t’assure qu’il possédait des talents si rares que je crois fermement qu’il serait bientôt devenu une personnalité phare du mouvement révolutionnaire. Mais je manque l’ami encore plus [que] l’éducateur politique.

En passant, lui et MacLauren se sont tous les deux comportés magnifiquement; John était le premier chef de la section anglaise des Brigades internationales, il s’est battu sur 3 fronts, l’Aragon et Madrid et il est mort au front à Cordoba. MacLauren était un expert mitrailleur […]

J’ai été très touché par ta dernière lettre dans laquelle tu disais réfléchir à ton départ pour l’Espagne. Je suppose que tu as décidé de ne pas le faire pour à peu près les mêmes raisons que moi, mais qui sont encore plus valables dans ton cas. Je mets de côté un petit % de ma rémunération à chaque mois pour aller en Espagne, mais je me sens plutôt inutile et futile par rapport à ceux qui participent au conflit. J’ai fait des collectes pour l’Espagne (nourriture, vêtements, argent, etc.).

Les nouvelles en provenance d’Espagne ces derniers jours sont vraiment rassurantes. La chute de Malaga aurait eu pour effet de provoquer les forces gouvernementales à une plus grande résistance. […] As-tu lu quoi que ce soit sur l’évacuation des 150,000 civils de Malaga? Il y en avait une description graphique faite par le Dr Norman Bethune – il était dans cette région à l’époque (il s’agit du spécialiste canadien en transfusion sanguine qui aide le gouvernement).

[…] Il y a quelque temps, j’ai reçu une lettre de papa me parlant de sa carrière comme étant le moment décisif de sa vie, etc. C’était un document émouvant rempli de matériel autobiographique que j’ignorais totalement. Je vais chérir cette lettre avec précaution. Je respecte encore plus son caractère après avoir lu sur sa vie, mais je ne peux accepter l’opinion que prêcher le Christ est la plus haute activité de la vie humaine. J’ai tenté d’éviter les arguments dans ma réponse et j’ai stupidement inclus l’avis nécrologique de John Cornford et MacLauren, comme preuve que les Chrétiens avaient non seulement cessé d’avoir le monopole sur quelque idéalisme que ce soit, ou autre, (ce qui n’avait jamais été le cas), mais que le vrai porte-étendard de l’humanité pour la liberté et le droit des hommes de grandir librement est le communisme.

[…]

Affectueusement, comme toujours,
Herbert

Source: University of British Columbia Rare Books and Special Collections, Roger Bowen Collection, Box 1, File 1-5, E. Herbert Norman, Norman écrit à propos de son adhésion au Parti communiste, 3 mars 1937

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