Chère Irene (26 octobre 1945)

26 octobre 1945

Chère Irene,

Tu n’as aucune idée à quel point j’ai été occupé ces deux dernières semaines et pourtant je n’ai jamais vécu des semaines aussi palpitantes de ma vie. Je suis chef du bureau Recherche et analyse du service de contre-espionnage du GHQ et c’est aussi intéressant que cela en a l’air. Ce qui est encore mieux est que le chef du SCE est le général Thorpe, un soldat franc, brusque, à la langue bien pendue mais en même temps si honnête et modeste que c’est un plaisir de travailler avec lui. Il accepte les suggestions si facilement et avec tant d’amabilité que cela me surprend parfois.

Mes proches collaborateurs sont de jeunes officiers aussi aimables et gentils qu'on peut l'être. C’est assez étrange d’être un civil responsable d’une unité de l’armée américaine. Il y a 1 major, 1 capitaine, 5 lieutenants et 25 hommes de troupe qui travaillent dans le service et un plus grand nombre d’hommes qui collaborent étroitement dans des services connexes.

À propos, voici quelques exemples de ce que j’ai eu à accomplir. Interroger des prisonniers et des chefs politiques – rassembler des livres et des magazines sur les politiques, etc. L’expérience la plus palpitante de ma vie a été de sortir en voiture avec un autre officier jusqu’à une prison située à 20 milles de Tokyo et d’être les premiers représentants des Forces alliées à pénétrer dans une prison où se trouvaient 16 prisonniers politiques importants dont 2 communistes (emprisonnés depuis 18 et 19 ans), 2 chefs du mouvement indépendantiste coréen, des chefs religieux Tenrikyo (une secte qui ne croit pas à la divinité de l’Empereur), et qui sont des intellectuels anti-fascistes (des indépendants). L’accueil que nous avons reçu défie toute description. Je n’ai jamais autant aimé faire quelque chose que lorsque j’ai pu leur dire que, suivant les ordres du général MacArthur, ils seraient relâchés d’ici une semaine. Plus tard, nous avons eu l’occasion de les questionner en profondeur et après quelques jours de liberté, ils ont pu nous donner de l'information politique du plus haut intérêt sur les affaires courantes.

De vieux amis sont arrivés récemment dont Pat Ayres, T. A. Bisson (Étude sur les bombardements stratégiques), Bill Holland, Smith-Hutton, et Owen Lattimore devrait arriver bientôt.

Je suis si fatigué que je n’arrive plus à écrire. Je travaille de 8.30 am à 12 et de 1 à 5.30 pm et je continue le soir. Dimanche, j’irai à la campagne avec John Emerson et Shigeto visiter la résidence de Riho.

Écris à maman et à Howie de ma part. Je leur écrirai bientôt.

Avec amour,
Herbert.

Source: UBC Special Collections, Roger Bowen Collection, Norman, E.H., Chère Irene (26 octobre 1945), 26 octobre 1945

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