Le discours de Staline

Pendant les élections [des candidats pour le Soviet suprême le 10 février] en URSS, le gouvernement soviétique a bien fait comprendre à tous que les dangers d’une guerre étaient loin d’être éliminés et que, selon le prochain plan quinquennal, le peuple soviétique sera de nouveau appelé à faire de très grands efforts pour rebâtir l’industrie lourde soviétique, ce qui retardera la montée des niveaux de consommation.

Le discours du premier ministre Staline, qui sera discuté et mémorisé par des milliers de Clubs communistes en URSS et dans les cercles communistes à travers le monde, est en grande partie un soutien à la politique d’industrialisation forcée d’avant-guerre, un élément essentiel pour s’assurer de la victoire en temps de guerre.

[…]

Nous comprenons la nécessité pour ce programme. N’eût été l’industrialisation de l’URSS, nous aurions peut-être perdu cette guerre. Les sacrifices endurés par le peuple soviétique ont profité à tous et nous devrions lui en être éternellement reconnaissants. Pourtant, il y a danger que ce nouveau programme exige de nos amis russes qu’ils soient à nouveau soumis à une atmosphère de méfiance politique et de peur envers les autres nations afin de justifier le réarmement à grande échelle et la construction d'industries de l'armement. Staline a consacré une grande partie de son discours à la création d’une grande Armée rouge, à prouver que le capitalisme était la cause de cette guerre et que sous le capitalisme, la guerre était inévitable. D’autres candidats à ces élections sont allés beaucoup plus loin. « Nous sommes encore au sein du cercle capitaliste, a dit Lazar Kaganovich, […] nous devons fortifier la vigilance bolchevique. » « Ce n’est un secret pour personne que nos amis nous respectent parce que nous sommes forts », a dit G. M. Malenkov, le secrétaire du Comité central du Parti communiste. Nos amis nous respecteront aussi longtemps que nous serons puissants[…] C’est pourquoi nous devons […] fortifier notre glorieuse Armée rouge. »

[…]

Nous acceptons la condamnation du monopole capitaliste du premier ministre Staline, mais elle ne doit pas mener à une attitude fataliste relativement à la guerre. Nous comprenons le raisonnement de Kaganovich et de Malenkov, pourtant les Britanniques et les Américains ont tous deux procédé au désarmement, à un point tel que nos forces de l'air sont à peine fonctionnelles et que nos forces d'occupation sont dangereusement réduites. Aucun de ces deux pays n’a accepté la conscription d’après-guerre et les deux désirent ardemment la paix. Ce serait une tragédie si ce désir profond ne trouvait pas d’expressions similaires dans les politiques mondiales de toutes les nations.

Une des raisons de l’industrialisation forcée de l’URSS s’explique par le fait que, pour financer son industrialisation, la Russie doit compter sur ses ressources déjà épuisées. Un énorme prêt des Américains à ce moment permettrait une montée rapide des niveaux de consommation et une expansion simultanée de l’industrie lourde soviétique. Ce geste prouverait notre bonne foi et aiderait à conserver la prospérité dans ce pays; cela devrait mener à de larges échanges culturels et sociaux entre nos peuples, échanges essentiels au maintien de la paix.

Source: Editorial, "Le discours de Staline ," The New Republic (New York), 18 février 1946

Retour à la page principale