TAGISH (alias DAWSON) CHARLIE : CODÉCOUVREUR DE L’OR DU KLONDIKE

par Jane Gaffin

(L’information contenue dans cet article a été puisée dans Yukon Places and Names (2003), un ouvrage de référence d’une valeur inestimable compilé par feu R.C. « Bob » Coutts, ingénieur minier d’Atlin, Colombie-Britannique.)

Le nom de Charlie le Tagish évoque la codécouverte d’or alluvionnaire du Klondike du 17 août 1896, qui a lancé l’une des plus grandes ruées vers l’or du monde.

Charlie (m. 1908), George Carmack (1850?-1922), Skookum Jim Mason (vers 1855-1916) et Robert Henderson (1857-1933) sont intronisés au Prospectors’ Hall of Fame en 1988. Leurs noms sont gravés sur le socle de la statue d’un prospecteur qui surplombe le centre-ville de Whitehorse, coin Principale et 3e Avenue.

Les quatre hommes sont intronisés au Temple de la renommée du secteur minier canadien en 1999 pour avoir déclenché ce phénomène social. Leurs portraits, accompagnés d’une légende qui décrit brièvement leurs exploits, sont accrochés dans le pavillon minier de l’Université de Toronto.

En ce qui concerne la découverte d’or dans les champs aurifères du Klondike, rien n’est noir ou blanc, tout comporte des zones d’ombre. Cherchant à démêler le vrai du faux à travers tous les récits, les historiens font de leur mieux pour reconstituer et interpréter les données contradictoires.

Il est généralement admis que Robert Henderson a découvert le premier filon d’or des champs aurifères du Klondike dans le ruisseau Gold Bottom, même si ce ruisseau n’a jamais été productif. Il est également reconnu que George Carmack, Skookum Jim et Charlie le Tagish ont découvert l’or dans un cours d’eau au fort potentiel aurifère, le ruisseau Rabbit, rebaptisé Bonanza par la suite.

Carmack n’a pas pris part au débat. Il a refusé de remettre en question les histoires et les rôles des autres protagonistes de la ruée vers l’or. Il a simplement accepté le titre de découvreur de l’or du ruisseau Bonanza. Comment les autres voulaient raconter l’histoire, il ne s’en souciait pas.

En 1962, le gouvernement canadien a installé une plaque de bronze sur la concession de la Découverte sur le ruisseau Bonanza près de Dawson City, pour rendre hommage à Carmack, Skookum Jim et Charlie le Tagish.

La recherche exhaustive de M. Coutts jette une lumière quelque peu différente sur l’histoire. D’abord, l’auteur indique que George Washington Carmack est né le 24 septembre 1860 (et non en 1850), à Port Costa (Californie), après que ses parents aient traversé le continent en voiture à bœufs et en wagon Conestoga.

En 1885, Carmack se dirige vers le nord, en Alaska, puis franchit le col Chilkoot avec sept autres hommes au début du sentier à Dyea (Alaska) pour se rendre au Yukon. Carmack était sûrement le mésadapté qu’ont parfois décrit les historiens, probablement parce qu’il était un jeune homme assoiffé d’aventure qui voulait explorer le monde.

Contrairement à la croyance populaire, M. Coutts le décrit comme un homme intelligent et cultivé. Sa cabane, située à Carmacks, une colonie homonyme sise sur le fleuve Yukon à l’embouchure de la rivière Nordenskiod (NTS 115I), aurait recelé un orgue dont il jouait et plusieurs livres de littérature classique qu’il lisait. Il est abonné à Scientific American et à d’autres revues littéraires, et écrit de la poésie romantique.

Il fait la connaissance d’Indiens tagish et les apprécie, épouse Kate et adopte le mode de vie des autochtones. Charlie le Tagish est seulement identifié comme étant le neveu de Skookum Jim Mason et de sa sœur Kate.

En 1887, Skookum (un mot chinook signifiant « fort »), Carmack et Kate travaillent pour William Ogilvie. Ils transportent le matériel de l’arpenteur fédéral depuis Dyea jusque de l’autre côté du col Chilkoot et l’accompagnent jusqu’à Forty Mile, une colonie sur le fleuve Yukon nommée ainsi parce qu’elle est située à 40 milles en aval du point de référence qu’est Fort Reliance.

À Fort Reliance, Jack McQuesten établit un poste de l’Alaska Commercial Company en 1871. McQuesten et son partenaire Arthur Harper construisent un autre poste à Forty Mile en 1886.

En 1893, Carmack découvre une veine de charbon près des rapides Five Finger et une autre près de la butte Tantalus. Toutes deux sont situées à proximité du village actuel de Carmacks, où Carmack a construit une cabane et a fait un peu de traite des fourrures avec les Indiens de l’endroit.

Certains récits historiques indiquent que le charbon intéressait très peu Carmack. M. Coutts a découvert qu’Arthur Harper a encouragé les entreprises houillères de Carmack et en était propriétaire à 50 pour cent. Harper était un prospecteur et un négociant en fourrures irlandais parti de la région de Cariboo pour venir au Yukon en 1873.

En 1896, Carmack, sa femme Kate, Skookum Jim et Charlie le Tagish pêchent le saumon à l’embouchure de la rivière Klondike quand Robert Henderson les rencontre par hasard.

Henderson, un Néo-écossais de six pieds, commandité par le négociant Joe Ladue, passe deux ans à prospecter les affluents de la rivière Indian. En 1896, il traverse la ligne de partage des eaux entre le ruisseau Quartz, qui descend du King Solomon’s Dome pour se jeter dans la rivière Indian (NTS 115O), et l’affluent ouest de ce qui allait être baptisé le ruisseau Hunker. Il découvre de faibles quantités d’or dans le lit d’un ruisseau où il avait espéré trouver le précieux métal en épaisses couches dans le fond rocheux. Pour la chance et par optimisme, il le nomme ruisseau Gold Bottom.

Henderson descend la rivière Indian jusqu’à la colonie d’Ogilvie (Sixty Mile) pour s’approvisionner. Chemin faisant, il rencontre le groupe de pêcheurs et leur parle de sa découverte. C’est ici que l’histoire s’embrouille. Peut-être qu’il a seulement invité Carmack à visiter son ruisseau. S’il ne voulait pas partager le ruisseau avec les Indiens, pourquoi Henderson se serait-il soucié d’en parler à un Blanc qui s’était visiblement lié d’amitié avec des Indiens?

Au début d’août, Carmack, Skookum Jim et Charlie le Tagish décident de visiter Henderson, dont les concessions sur Gold Bottom lui rapportent très peu. En cours de route, le trio remonte le ruisseau Rabbit et découvre des indices aurifères encourageants. Après avoir examiné les indices peu impressionnants de Henderson, Carmack jalonne quand même une concession, et le groupe repart à l’embouchure de la rivière Klondike par le ruisseau Rabbit.

Le 16 août 1896, les trois hommes découvrent de l’or riche et grossier dans le gravier du ruisseau Rabbit en revenant de leur inspection des travaux de Henderson sur Gold Bottom. Le lendemain, le 17 août, reconnu comme le jour de la Découverte, Carmack jalonne la concession de la Découverte. Il aurait écrit le mot « bonanza » sur un bout d’écorce et l’aurait cloué sur l’affiche de la Découverte. Le ruisseau Rabbit est officiellement rebaptisé ruisseau Bonanza.

Enfreignant le code tacite des prospecteurs, ils ne sont manifestement pas retournés pour partager la nouvelle avec Henderson.

Quand la nouvelle atteint le monde « extérieur », la ruée vers l’or commence. La ville de Dawson City se construit pratiquement du jour au lendemain. Elle est nommée ainsi en l’honneur de George M. Dawson, un administrateur de la Commission géologique du Canada (1895-1901).

Surnommée le « Paris du Nord », Dawson City est la capitale du Yukon de 1897 à 1951, année où la capitale devient Whitehorse. Mais Dawson conserve son statut de capitale du Klondike.

Après août 1896, Charlie le Tagish est appelé « Dawson » Charlie. Comme Skookum Jim et Carmack, Charlie devient un homme riche grâce à sa concession dans le Klondike sur le ruisseau Bonanza.

Dans une région près de chez lui à Carcross, au sud de Whitehorse, il jalonne des concessions minières en 1903. Le cours d'eau, nommé ruisseau « Dawson » Charlie (NTS 105D), est un affluent de la rivière Wheaton qui descend de Gold Hill.

Le 4 juillet 1903, Charlie jalonne la concession de la Découverte sur le ruisseau Fourth of July (NTS 115G), un affluent du ruisseau Jarvis dans la région de Kluane. En 1903, il découvre de l’or dans le district de Kluane et lance une ruée qui dure plusieurs années.

Skookum Jim et Charlie prospectent tous deux beaucoup dans le sud du Yukon et commanditent leurs semblables.

Selon M. Coutts, une loi spéciale du Parlement, datée du 2 juillet 1904, a accordé à Charlie « tous les droits et privilèges d’un citoyen blanc ». Il pouvait voter, intenter des poursuites ou être lui-même poursuivi en justice, occuper des fonctions officielles, acheter et boire de l’alcool. Alors qu’il rentrait d’une fête le 26 janvier 1908, à Carcross, il est tombé du pont de la White Pass & Yukon Route, la glace a cédé et il s’est noyé.

Skookum Jim est mort après une longue maladie à Carcross le 11 juillet 1916. Il avait environ 60 ans.

George Carmack est mort à Vancouver le 5 juin 1922.

Retour à la page principale