L’or du Klondike

En 1894, Robert Henderson, originaire de Big Island sur la côte nord de la Nouvelle-Écosse, arriva sur les lieux avec un petit groupe. Ancien marin, Bob avait beaucoup voyagé autour du globe. Ils prospectèrent sur les rives du cours supérieur du Yukon et lavèrent 54 $ d’or fin à l’embouchure de la rivière Pelly. Quand ils atteignirent le poste de traite de Joe Ladue à Ogilvie, le traiteur leur confia les dernières nouvelles au sujet des récentes découvertes. À la lumière de cette information, Henderson prit la route de la rivière Indian, prospecta tout le long de celle-ci jusqu’à l’embouchure du ruisseau Quartz et continua jusqu’à la ligne de partage des eaux sur le Hunker. Après avoir lavé une valeur d’environ 600 $ pour la saison sur le ruisseau Quartz, il continua et franchit la ligne de partage des eaux jusqu’à Gold Bottom où il découvrit un prospect à deux cents la batée. Durant l’été de 1896, Henderson fit un autre voyage jusqu’au poste de Ladue. L’eau de la rivière Indian était basse et il comprit qu’il allait être pratiquement impossible de remonter ce cours d’eau. Il en conclut que Gold Bottom se déversait dans un affluent du Yukon, à quelque distance en aval d’Ogilvie alors il descendit le Yukon jusqu’à sa confluence avec le Tron Deg [Klondike] où il trouva George W. Carmak accompagné de sa femme autochtone et de ses beaux-frères indiens, Skookum Jim et Charlie le Tagish, qui pêchaient le saumon.

Carmak avait jeté l’ancre quelques années plus tôt à Skagway et s’était rendu dans l’arrière-pays pour prospecter. Marié avec une Siwash nommée Kate et vivant avec les Indiens, il s’était valu le sobriquet de « George le Siwash ». Comme le voulait la coutume, Henderson annonça la découverte de Gold Bottom et invita Carmak à y prospecter. Peu après, Carmak et les deux Indiens se rendirent sur Gold Bottom et jalonnèrent des concessions près de celle de Henderson. Ce dernier affirme qu’il avait conseillé à Carmak et aux Indiens de traverser la ligne de partage des eaux et de prospecter le gravier du ruisseau Rabbit, plus tard rebaptisé Bonanza et, après avoir fait le nécessaire pour approvisionner le groupe, il avait demandé à Carmak d’envoyer un Indien l’avertir si les prospects s’avéraient prometteurs.

C’est à la source du ruisseau Bonanza qu’on fit la première véritable découverte peu de temps après. Le camp était à court de viande fraîche et Skookum Jim était parti chasser, devançant ses deux compagnons. Les attendant sur le bord du ruisseau, il s’arrêta pour boire un peu d’eau. Alors qu’il était couché sur le ventre, une faible lueur dans le lit du ruisseau attira son attention. Plus tard, quand Carmak et Charlie le rejoignirent, Jim leur parla des couleurs qu’il avait découvertes. Ils restèrent au ruisseau à laver et à inspecter le gravier et en peu de temps, ils en avaient lavé plus de douze dollars. Ils jalonnèrent des concessions sur-le-champ, Carmak délimitant la concession de la découverte et la no 1 en aval, Jim la no 1 en amont et Charlie la no 2 en aval. Sans tenter d’avertir Henderson, Carmak et Charlie construisirent un radeau et se rendirent à Fortymile pour enregistrer les concessions et répandre la bonne nouvelle alors que Jim resta pour garder le camp.

L’annonce de Carmak fut cependant accueillie avec peu d’enthousiasme au saloon de Harry Ash, puisque son alliance avec cette famille d’Indiens n’avait pas rehaussé son prestige, d’autant plus que sa parole n’était pas tenue en haute estime. En fait, la région où il disait avoir trouvé de l’or n’était pas très convoitée par les chercheurs d’or, la vallée étant trop vaste et les collines trop peu élevées. Ce n’était que mousse, boue et épilobes, un pâturage idéal pour les orignaux l’été et une région de choix pour la chasse au gros gibier, point final.

Carmak avait beau montrer la poudre d’or, on ne le prenait pas au sérieux. Les gens lui disaient en riant « Carmak a trouvé du gravier aurifère dans le pâturage à orignal » et continuaient à boire. Tous sauf Clarence Berry, le barman, qui sortit en douce, fila jusqu’au lieu de la découverte et arriva à temps pour jalonner la Quarante en amont. Il acquit par la suite les concessions Quatre, Cinq et Six de l’Eldorado. La première année, il ne garantit qu’une moitié indivise sur la Cinq qui lui rapporta 130 000 $. Il en tira l’une des plus grosses pépites de la région qui pesait près d’une livre et se chiffrait à 230 $.

Du jour au lendemain, l’exploit sembla soudain faire mouche et la ruée vers le ruisseau Rabbit, plus tard rebaptisé Bonanza, était lancée. Avant que la nouvelle ne parvienne au saloon d’Oscar Ashby à Circle City, plus de deux cents concessions avaient été jalonnées, et avant que Circle City soit presque désertée pour les nouvelles excavations, le Bonanza avait été jalonné dans toutes les directions.

Pendant ce temps, Bob Henderson avait continué son chemin jusqu’à Gold Bottom et n’entendit pas parler de la découverte que Carmak avait faite dans la région qu’il lui avait indiquée avant octobre, alors que le sol était entièrement jalonné. Il fut si amèrement déçu d’apprendre l’ampleur de la découverte et la façon dont Carmak l’avait laissé tomber qu’il jeta sa pelle et plongea dans ses couvertures, incapable de parler. Il quitta le Klondike et passa un hiver, abandonné et à demi mort de faim, à Circle City avant de rentrer chez lui en Nouvelle-Écosse, malade et aigri. Sa déception ne fut que partiellement apaisée lorsque le gouvernement fédéral lui accorda le titre de découvreur légitime de l’or du Klondike, voyant qu’il avait été le premier à avoir exploité l’un de ses affluents. En 1927, il renonça à la pension honorifique qui lui était versée et retourna vers l’ouest sur l’île de Vancouver pour participer à une autre ruée. Mais cette fois encore, la chance ne lui sourit pas et il mourut en pensant à la toute dernière fortune qui, par un concours de circonstances, lui avait filé entre les doigts.

Skookum Jim et Charlie le Tagish ont été nommés citoyens d’honneur du Canada pour leur participation à la découverte, ce qui leur a donné le privilège refusé aux Indiens d’avoir tout l’alcool qu’ils pouvaient se payer, alors que Carmak, citoyen américain, n’a reçu aucune reconnaissance spéciale. Quittant sa femme indienne, Kate, dont on dit qu’elle était la véritable responsable de la découverte de l’or, et sa famille métisse, il alla vivre à New York et mourut sans le sou. Skookum Jim, Dawson Charlie et Kate Carmak sont enterrés dans le petit cimetière indien de Carcross, quarante milles au sud de Whitehorse, Charlie est mort noyé après avoir fait une chute du pont du chemin de fer de Carcross en 1910.

Source: A.Cherry Hinton with Philip H. Godsell, Le Yukon (Toronto: Ryerson, 1954), 51-3

Retour à la page principale