Carmack annonce la bonne nouvelle (tiré du livre "Carmack of the Klondike")

Le matin, après avoir fait descendre rapidement un repas frugal avec du café noir, les trois hommes partirent jalonner leurs concessions. Les règlements concernant les exploitations minières sur les terres fédérales qui étaient alors en vigueur dans la région yukonnaise des Territoires du Nord-Ouest permettaient à tout mineur de plus de 18 ans, citoyen ou non, de jalonner une concession de placer alluvial de 500 pieds de long, mesurés en suivant le cours général de l’eau. En largeur, la concession s’étendait de la base de la colline ou du rivage d’un côté du cours d’eau jusqu’à la base de la colline ou du rivage de l’autre côté.

Sur le bord de la plaine où ils avaient établi leur campement se trouvait une petite épinette d’environ six pouces de diamètre. À l’aide de sa hachette, Carmack étêta l’épinette, la laissant sortir de cinq pieds de terre. Tout en chantant quelques couplets de « Home Sweet Home », il équarrit le bout du tronc en donnant des coups de hache au rythme de la chanson. Carmack réussit même à faire sortir Jim de sa mauvaise humeur habituelle. Charley approuva d’un sourire.

À l’aide d’un crayon tronqué, Carmack écrit sur le côté en amont de l’épinette qu’il venait d’équarrir :

À qui de droit :

En ce jour, je jalonne et revendique, à titre de découvreur, cinq cent pieds en amont du présent avis. Jalonné ce 17e jour d’août 1896.

G.W. Carmack.

À l’aide du ruban de 50 pieds de Carmack, les hommes mesurèrent 500 pieds en amont de l’épinette, délimitant ainsi la concession de la Découverte de Carmack et le commencement de la no 1 en amont, jalonnée pour Skookum Jim. De la même façon, la no 1 en aval fut délimitée et jalonnée par Charley le Tagish. Les Indiens ne pouvaient ni lire ni écrire l’anglais, ni même lire les chiffres sur le ruban, alors Carmack s’occupa de faire tout le marquage nécessaire pour répondre aux exigences légales concernant le jalonnement d’une concession.

Retournant à un grand bouleau près de l’endroit de la découverte, Carmack enleva un morceau d’écorce et y inscrivit : « Je nomme ce ruisseau Bonanza. George Carmack ». Après avoir fixé cet écriteau d’écorce de bouleau au jalon de découverte à l’aide de petites branches d’épilobe, Carmack déposa sa pelle et sa batée au pied du jalon.

Une fois que Carmack se fut assuré que les quatre concessions étaient correctement identifiées, les trois hommes rassemblèrent leurs affaires et retournèrent à leur camp de pêche à l’embouchure de la rivière Klondike. Charley le Tagish voulait rester et commencer les opérations minières immédiatement, mais Carmack réussit à le convaincre du contraire en soulignant qu’un homme qui se servait d’un sluice pouvait laver 20 fois plus de sable aurifère qu’en se servant d’une batée. Pour bâtir un sluice, ils avaient besoin de scies, de marteaux et de clous, et ils n’avaient rien de tout cela. Afin d’obtenir l’argent nécessaire à l’achat des outils et des matériaux dont ils avaient besoin, ils devaient faire flotter le bois qu’ils avaient déjà coupé sur le fleuve Yukon et le vendre au moulin à scie de Fortymile. Ce ne serait qu’une fois ces opérations complétées et le sluice bâti que l’extraction d’or pourrait se mettre en marche pour de bon.

Quand Carmack leur eût expliqué cela, Jim et Charley acceptèrent volontiers. Carmack comprit qu’à partir de ce moment, en plus de gérer ses propres affaires, il devrait s’occuper des affaires commerciales de ses deux associés.

Aucun d’eux ne songea à retourner au camp de Henderson pour lui faire part de leur trouvaille sur le ruisseau Bonanza. Après tout, Carmack avait déjà montré à Henderson l’or grossier qu’ils avaient recueilli dans leurs batées le long du ruisseau Bonanza. Carmack avait déclaré son intention de jalonner ce ruisseau et avait invité Henderson à venir voir la nouvelle découverte. Henderson avait décliné l’offre, disant qu’il voulait rester à la concession Gold Bottom jusqu’à ce qu’il atteigne le fond rocheux. Avec tant de travail à effectuer avant les gelées de l’automne, Carmack ne pouvait se permettre de perdre deux jours de voyage pour aller dire à Henderson ce qu’il savait déjà. Puisque Henderson avait déclaré sans ménagement qu’il ne voulait pas que des Indiens prospectent sur Gold Bottom, Jim et Charley ne voulaient naturellement pas que Henderson prospecte sur Bonanza.

Il fallut cinq heures à Carmack et à ses compagnons pour parcourir le difficile trajet jusqu’au marécage où ils avaient amarré leur bateau. Tout en voguant sur la Klondike, ils rencontrèrent quatre hommes qui remontaient le courant en tirant un bateau chargé. Après avoir échangé les salutations d’usage, ils se présentèrent. Les nouveaux venus se nommaient Dan McGillivery, Dave Edwards, Harry Waugh et Dave McKay.

  • Où allez-vous comme ça? demanda Carmack.
  • On arrive d’Ogilvie, dit McGillivery. Joe Ladue nous a raconté que Bob Henderson avait trouvé un bon endroit pour prospecter sur le ruisseau Gold Bottom, alors on a décidé d’aller y jeter un coup d’œil. Vous en avez entendu parler?
  • Oui, on était là-bas il y a trois jours, répondit Carmack.
  • Qu’est-ce que vous en pensez?
  • Bien, je ne veux pas faire la mauvaise langue, dit Carmack, incapable de réprimer un sourire, mais son prospect ne m’intéresse pas tellement. Henderson n’y a rien trouvé d’autre que de la poussière d’or.

Le visage bronzé et barbu de McGillivery s’est assombri avant qu’il n’ait le temps de répliquer.

  • Alors vous ne nous conseillez pas de nous rendre là-bas?
  • Non, parce que j’ai quelque chose de mieux pour vous autres.

Après voir montré l’or grossier qu’il avait trouvé, Carmack donna à McGillivery et ses compagnons l’itinéraire complet pour se rendre à la concession de la Découverte. Remarquant que la bande de McGillivery avait une scie à bras dans leur bateau, Carmack leur demanda s’il pourrait leur emprunter dans quelques jours.

« Après les renseignements que tu viens de nous donner, George, tu peux avoir la scie tant que tu voudras », répondit Dave McKay, qui allait plus tard jalonner la concession no 3 en aval de la concession de la Découverte. Les autres membres de la bande de McGillivery allaient jalonner des concessions un peu plus en aval, s’appropriant les nos 15, 16 et 17 en aval de la concession de la Découverte.

Les deux bateaux repartirent chacun de leur côté et le groupe de Carmack continua son chemin sur la Klondike. Arrivés au camp de pêche, Jim et Charley commencèrent à décharger le bateau pendant que George racontait toute l’histoire à Kate.

  • R’garde-moi ça, Kate, r’garde-moi ça, s’écria-t-il.

Lorsqu’il vida la cartouche de fusil remplie d’or dans les mains de Kate, ses [yeux?] foncés sont devenus grands et elle cria sa joie en tagish, puis en chinook.

  • Hiyu pil chikamin! Hiyu pil chikamin!
  • Oui Kate, beaucoup d’or, beaucoup d’or.

Patsy, le frère de Charley, arriva à la course pour voir l’or et le prendre dans ses mains.

  • Vous avez jalonné une concession pour moi?
  • Non, Patsy, t’es trop jeune pour jalonner une concession. T’en fais pas, je vais m’assurer que tu aies hiyu pil chikamin.

Peu de temps après leur arrivée, Carmack héla deux hommes qui descendaient le courant dans un petit bateau. C’étaient des Canadiens français qui se présentèrent comme étant Alphonso LePierre et George Rémillard.

  • Où est-ce que vous allez, les gars? demanda Carmack.
  • On descend la rivière jusqu’à Fortymile.
  • Allez pas plus loin. Avez-vous entendu parler de la nouvelle découverte?
  • Oh oui, Joe Ladue nous a parlé de Bob Henderson. Mais je pense que c’est une grosse menterie, a répondu LePierre.
  • C’est des menteries, ça? demanda Carmack en leur montrant l’or.

Encore une fois, Carmack raconta l’histoire de sa découverte sur le ruisseau Bonanza et leur expliqua comment s’y rendre. Bientôt, les deux Canadiens français se mirent à courir sur la plage pour se rendre à Bonanza. Dans leur excitation, ils avaient oublié d’attacher leur bateau qui aurait dérivé si Carmack ne l’avait pas attaché. Le jour suivant, Rémillard et LePierre jalonnèrent les concessions nos 11 et 12 en aval de la concession de la Découverte.

Sur la rive du fleuve Yukon opposée à celle où se trouvait le camp de pêche de Carmack prospectait Lou Cooper, celui qui avait aidé Carmack à faire remonter le fleuve à son bateau à l’aide d’une perche seulement quelques semaines plus tôt. Après le souper, le jour de la découverte, Carmack traversa le fleuve Yukon à la pagaie pour annoncer la nouvelle à son ami. Cooper et son partenaire, Ed Monahan, arrivèrent à Bonanza le lendemain et jalonnèrent les nos 32 et 29 en aval de la concession de la Découverte.

Source: James Albert Johnson, Carmack annonce la bonne nouvelle (tiré du livre Carmack of the Klondike) (Fairbanks: Epicenter Press and Horsdal and Shubert, 1990), 78-84

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