Le véritable découvreur de l’or du Klondike

Par Mme WILLIAM CAMPBELL LOWDEN

Plusieurs personnes de tous les pays s’imaginent que George Carmack est le découvreur de l’or du district du Klondike, mais tel n’est pas le cas. Le nom du véritable découvreur d’or de cette région est M. Robert Douglas Henderson, plus connu sous le nom de Bob Henderson. M. Henderson est un prospecteur typique de l’ouest, enthousiaste, intelligent et énergique. Il est l’un des hommes les mieux connus et les plus populaires de Dawson City. Ce célèbre découvreur de l’or des champs placériens de renommée mondiale situés au Klondike est né dans le comté de Pictou en Nouvelle-Écosse, en 1857. Durant son enfance et du temps où il va à l’école, il lit l’histoire de l’Alaska avec plus d’intérêt que toute autre matière et il ne manque jamais de lire tout livre ou article traitant du Nord sur lequel il peut mettre la main, ce qui très tôt fait naître en lui l’ambition de devenir prospecteur.

M. Henderson grandit à Big Island où on lui apprend à devenir pêcheur et, jeune homme, il fait plusieurs voyages le long de la côte de la Nouvelle-Écosse, seul la plupart du temps. D’aussi loin qu’il se souvienne, il a toujours cherché de l’or; mais ce qu’il a trouvé s’en approchant le plus, c’était du fer blanc. Il montre cette trouvaille à son ami, un autre jeune homme pas plus vieux que lui, qui le console toujours en lui disant :

« Eh bien, c’est une sorte d’or. »

Mais une « sorte d’or » ne suffit pas à Bob et à l’âge de quatorze ans, ce jeune plein d’initiative quitte le nid familial et passe de nombreuses années en Nouvelle-Angleterre. De là, il se rend à Portland (Oregon) avec l’intention d’aller en Alaska, mais rate le vapeur [[italic]]Alaska[[/italic]], qui est à l’époque le seul vapeur qui assure le trajet des États-Unis jusqu’à Sitka et Juneau. Pendant qu’il attend le retour du bateau, il tombe sur un mineur californien, Jim Fielding, et se laisse persuader d’aller en Patagonie pour y faire de l’exploitation minière; mais, n’arrivant pas à destination, il rentre au bercail en Nouvelle-Écosse.

En 1880, il retourne dans l’ouest et travaille dans les mines du Colorado pendant quatorze ans et, en 1894, il décide de retourner dans le Nord. Il débarque à Dyea en avril 1894 et transporte ses pénates au-delà du col Chilcoot jusqu’au lac Linderman, où il arrive autour du 1[[superscript]]er[[/]] juin avec son dernier relais. Il campe à cet endroit, scie quelques billots et construit un bateau, puis descend le fleuve Yukon jusqu’à la rivière Pelly. Il prospecte quelque temps sur les barres de la Pelly, récoltant à la batée une valeur de cinquante-quatre dollars. S’il avait eu des provisions en quantité suffisante, il aurait passé l’hiver à prospecter sur cette rivière, mais elles diminuaient et comme il n’allait pas pouvoir en acheter d’autres avant d’atteindre Sixtymile, à une distance de cent trente milles de la Pelly, il allait être forcé de s’y rendre pour se réapprovisionner.

Il achète un peu de matériel de Joe Ladue au poste de Sixtymile et, de là, lui et un homme du nom de Jack Conlins descendent le Yukon jusqu’à la rivière Indian. Remontant cette rivière à la perche, ils s’arrêtent pour prospecter sur différentes barres, trouvant de l’or dans chaque batée. L’or est cependant très fin et n’est pas en quantité suffisante pour justifier qu’ils y établissent leur campement. Ils continuent leur périple en remontant la rivière Indian sur quarante-cinq milles jusqu’à un ruisseau appelé Quartz, mais à l’époque, on ignore le nom de ce ruisseau. À la source de ce cours d’eau inconnu, ils récoltent dix cents d’or de la batée.

Ils jugent que c’est un bon endroit pour passer l’hiver et le 1[[superscript]]er[[/]] octobre, ils repartent vers Sixtymile pour s’y procurer leur nécessaire hivernal. Mais la glace les en empêche; ils sont obligés d’abandonner leur bateau et de traverser les montagnes à pied. La vie les met à l’épreuve de plusieurs façons pendant ce voyage; ils doivent parfois camper sous les arbres et plusieurs fois, ils doivent dormir à découvert sans aucun abri, mais à force de persévérance, ils parviennent un jour sur la rive opposée au poste de Sixtymile, et on envoie un bateau les chercher.

Après quelques jours de repos, M. Henderson achète ses provisions d’hiver et se prépare à repartir pour le ruisseau Quartz. La rivière rejette de grandes quantités de bouillie de glace et M. Ladue tente de le persuader d’attendre qu’elle gèle. Habitué qu’il est à la glace, M. Henderson n’a pas peur d’entreprendre le voyage; mais puisque Jack Conlins en a assez de trimer dur et préfère demeurer au poste, il est forcé de repartir seul.

Grâce à sa détermination, il parvient à l’embouchure de la rivière Indian. Il atteint le rivage en sécurité, mais la température s’adoucit et il est contraint d’y camper jusqu’à ce qu’il fasse assez froid pour que l’eau regèle sur la rivière Indian, et c’est pourquoi il met trente jours à retourner au ruisseau Quartz.

Il prospecte durant l’hiver de 1894-1895 sur le cours inférieur du ruisseau Quartz jusqu’en février, puis il remonte la rivière Indian jusqu’au ruisseau Australia. Sur ce ruisseau, il découvre de l’or fin partout où il plonge sa batée, mais il veut trouver mieux encore et il a la profonde conviction qu’il y arrivera. Il quitte le ruisseau Australia, remonte la rivière Indian jusqu’à ce qu’il arrive au ruisseau Wounded Moose. Au cours de ce voyage, il connaît de nombreuses épreuves et la malchance s’acharne sur lui. La température est si froide et la neige si épaisse qu’il lui faut soixante-quatre jours pour charrier son matériel du Quartz au Wounded Moose.

À partir de son campement sur Wounded Moose, il fait sept voyages jusqu’au sommet pour voir s’il y aurait moyen de faire descendre son matériel par l’une des pentes de la vallée de la Klondike. Mais alors qu’il voyage par les montagnes sous le soleil qui jette sa lumière étincelante sur la neige blanche, il est atteint de cécité des neiges, ce qui le force à abandonner la route.

Il demeure au campement jusqu’à ce que ses yeux se rétablissent, puis il redescend le ruisseau. En chemin, la neige molle détrempe son équipement, gaspillant tout le sucre qu’il transporte. Il établit son campement et étale ses articles pour les faire sécher.

Pendant ce temps, un troupeau de caribous passe par là et, voyant les couvertures rouges, qui sont également étendues pour sécher, la curiosité les gagne et ils s’approchent pour voir cette couleur vive de plus près. M. Henderson, qui a envie de viande fraîche, saisit cette chance rêvée de réapprovisionner sa cache. Il s’empare de son fusil et tire un coup, qui atteint un caribou et le tue, puis la balle ricoche et en tue un second.

Alors qu’il pare les animaux, l’idée lui vient qu’il pourrait faire un bateau avec les peaux afin de transporter son bagage sur l’eau provenant de la neige qui fond des montagnes et ruisselle sur la glace qui recouvre la rivière. Le bateau est trop petit pour le porter lui et son matériel, alors il charge ses marchandises et marche dans l’eau glacée, laissant son bateau dériver devant lui tout en le retenant par une corde, également faite de peau de caribou. Le courant est très fort à plusieurs endroits et parfois, incapable de retenir le bateau, il est entraîné dans de profonds trous dans la glace et est obligé de nager.

De Wounded Moose à la rivière Indian, il n’y a qu’une très courte distance, car la jonction des ruisseaux Wounded Moose, Australia et Dominion forme ladite rivière; mais il lui faut trois jours pour l’atteindre, car il peut seulement parcourir une courte distance dans l’eau glacée avant d’avoir des crampes aux jambes et d’être forcé de sortir de l’eau pour allumer un feu et faire sécher ses vêtements. En plusieurs endroits, il doit dégager les broussailles et les arbres de l’eau afin que son bateau puisse passer sans être déchiré, ce qui est une autre raison pour laquelle il met tant de temps à franchir une si courte distance.

Il parvient toutefois à la rivière Indian, mais un autre malheur l’attend, qui met presque fin à sa carrière. Juste au-delà de l’embouchure du ruisseau Australia, il abat une grosse épinette pour la jeter en travers du ruisseau afin de le franchir et d’aller prospecter plus haut sur le cours d’eau. Il a déjà trouvé un prospect sur ce ruisseau, mais a toujours espoir de trouver mieux.

La glace de la rivière s’est rompue ce matin-là et la glace et l’eau coulent en un torrent régulier. Le tronc d’arbre est son seul moyen de traverser de l’autre côté. Après avoir abattu l’arbre, il prend sa hache et commence à l’ébrancher, maintenant son équilibre en tenant une perche dans la main gauche, qui prend appui dans le fond du ruisseau. À mi-chemin, la perche se brise : il se rejette en arrière pour éviter de plonger tête première dans l’eau tumultueuse, mais il glisse et tombe à la renverse et une branche pointue se plante dans son mollet.

Suspendu là, tête en bas, il croit sa fin venue. Puis, avec l’énergie du désespoir, il décide de se tirer de cette situation. Heureusement, il tient encore la hache et après un effort surhumain, il réussit à l’accrocher à une branche et à se relever de façon à pouvoir dégager sa jambe et à se hisser sur l’arbre.

Après avoir rampé jusqu’à sa tente, il traite sa blessure du mieux qu’il peut en la baignant dans l’eau glacée environ chaque heure et en l’enveloppant dans des tranches de bacon entre-temps, ce qui empêche l’inflammation.

Il reste à ce campement du six au vingt-deux mai et durant son séjour à cet endroit, des orignaux, des caribous et des ours traversent les bois par centaines; les loups y sont en abondance aussi; il les entend hurler dans les environs chaque nuit, mais il y a amplement de gibier et les loups ne sont pas affamés; ils ne l’embêtent donc pas.

Quand il est capable de se déplacer un peu, clopin-clopant, il abat deux orignaux. Son bateau en peau de caribou est abîmé et il doit en fabriquer un autre, alors il utilise les peaux d’orignaux à cet effet.

Dès qu’il peut voyager, même si la blessure à sa jambe est loin d’être guérie, il retourne au ruisseau Quartz, où il prospecte pendant deux semaines; mais comme sa jambe continue de le faire souffrir, il part pour le poste de Sixtymile, dans son canot en peau d’orignal, pour recevoir des soins. Les médecins n’abondent pas à Sixtymile, alors après deux semaines de repos, il achète des provisions et se prépare à repartir; mais quand il fait un premier voyage de provisions jusqu’à l’endroit où son bateau est amarré, il s’aperçoit que les chiens ont mangé la peau d’orignal et il est obligé d’acheter un autre bateau.

Il retourne au ruisseau Quartz, prospectant le reste de l’été. Au début de l’automne, il doit retourner au poste de Sixtymile pour se réapprovisionner et cet hiver-là, celui de 1895-1896, il le passe aussi à prospecter sur Quartz. Allumant des feux pour atteindre le fond rocheux et creusant des tunnels à la recherche d’un filon, il récolte six cent vingt dollars d’or.

Pourtant, M. Henderson n’est pas satisfait, car il a la certitude qu’il y a mieux, tout près, et au printemps de 1896, il fait un autre voyage jusqu’à la source du ruisseau Australia. Comme il ne trouve que très peu d’or, il retourne à son campement sur le ruisseau Quartz, puis franchit la montagne jusqu’à un ruisseau qu’il appelle Gold Bottom, qui porte encore ce nom aujourd’hui.

Sur ce ruisseau, il découvre de bons prospects en surface. À deux reprises, il lave cinquante batées et pèse l’or : en moyenne deux cents la batée. Il décide immédiatement de passer l’été à travailler là et retourne chercher son matériel. Quand il arrive à son campement, il rencontre dix-huit hommes, arrivés à Sixtymile par le fleuve Yukon au printemps, et que Joe Ladue a envoyés jusqu’à lui pour voir ce qu’il a découvert comme filon.

Il leur parle de son prospect sur le ruisseau Gold Bottom et leur propose de venir travailler avec lui durant l’été, et qu’à l’automne ils se divisent l’or en parts égales. Ils auraient également le privilège de jalonner sur le ruisseau à l’endroit qu’ils jugeraient idéal.

Ils acceptent cette proposition à l’unanimité et entreprennent de bonne foi, sac au dos, l’ascension des montagnes. Mais bientôt, certains d’entre eux se disent épuisés et déclarent que c’est trop difficile alors, un à un, ils abandonnent et retournent au fleuve, jusqu’à ce qu’il ne reste auprès de M. Henderson que trois hommes, qui demeurent avec lui tout l’été.

Alors qu’il se repose au sommet de la montagne, Henderson, comme à l’habitude, regarde le pays et se dit que le ruisseau Rabbit semble bien attrayant, et il s’y rendrait volontiers au lieu de retourner à Gold Bottom, si ce n’était de la proposition qu’il avait faite aux autres hommes; mais M. Henderson n’a qu’une parole et il continue jusqu’à Gold Bottom.

Cependant, durant l’été, il laisse les hommes travailler et, avec un petit sac de provisions, franchit le sommet sur la limite droite du ruisseau Gold Bottom; arrivé à un ruisseau qu’il nomme Gold Run, il prospecte un peu. Il récolte des batées de cinq à trente-cinq cents avant d’atteindre le fond rocheux.

C’est ce qu’il a trouvé de mieux jusqu’ici. Il retourne le dire aux autres, mais ils décident tous que comme les choses s’annoncent encourageantes, ils y resteront jusqu’à la fin de l’été.

Toutefois, les provisions sont presque épuisées et comme M. Henderson connaît si bien le pays, c’est lui qui est désigné pour aller en chercher d’autres. Il passe par le ruisseau Quartz pour atteindre la rivière Indian, où il a laissé son bateau, il descend le Yukon puis remonte à la perche jusqu’au poste de Sixtymile. Il n’achète qu’une petite quantité, juste de quoi leur suffire jusqu’à ce que les nuits froides les forcent à suspendre le lavage au sluice pour la saison, puis il repart vers le camp. L’eau est trop basse pour remonter la rivière Indian à la perche, alors il descend jusqu’à la rivière Klondike, puisqu’elle est plus large et contient toujours de l’eau en abondance. En passant par la Klondike, il n’a pas à transporter les provisions sur une aussi longue distance que s’il était retourné par Quartz.

Quand il arrive à l’embouchure de la Klondike, il rencontre George Carmack avec sa femme indienne et sa famille, ainsi que de nombreux autres Indiens, qui campent là où Klondike City se dresse aujourd’hui. Ils y effectuent leur voyage annuel de pêche au saumon.

M. Henderson prend Carmack à part pour l’informer du filon qu’il a trouvé et l’invite à venir jalonner sur son ruisseau. Carmack répond qu’il irait immédiatement si les Indiens pouvaient tendre ses filets pour lui.

M. Henderson continue son chemin avec son chargement, remontant la rivière à la perche par endroits et longeant la rive quand où le courant est trop fort pour qu’il puisse le contrer à la perche, jusqu’à l’embouchure de son ruisseau, Gold Run. Il se bâtit une cache et laisse les provisions qu’il ne peut transporter en un voyage; il fait le trajet en deux jours. À quatre heures du matin, il arrive au Camp de la découverte sur Gold Bottom pour découvrir que Carmack, sa femme et deux Indiens sont arrivés le soir précédent, en remontant le ruisseau Rabbit et en traversant les montagnes, ce qui leur a permis de raccourcir le trajet.

Carmack et les deux Indiens jalonnent et quand ils sont prêts à repartir, Henderson annonce :

« Carmack, j’avais l’intention de prospecter sur le ruisseau Rabbit cet hiver, mais vous pourriez plonger votre batée à quelques endroits sur le chemin du retour et si vous trouvez quelque chose, envoyez un des Indiens me l’annoncer et je le paierai pour être venu. »

Carmack accepte et repart, mais quand vient l’heure du dîner et qu’ils s’arrêtent pour manger, Carmack s’allonge pour faire une sieste, oubliant de prospecter. Sa femme indienne, se promenant dans les environs, découvre un bout de fond rocheux qui fait saillie; elle saisit une batée et prend du sable, se rend au ruisseau et, après avoir lavé le sable, découvre qu’elle a récolté une valeur de quatre dollars vingt-cinq.

Environ trois semaines plus tard, huit hommes arrivent de l’autre côté des montagnes, sacs au dos. Quand ils arrivent, M. Henderson leur dit :

- Salut, les gars, d’où venez-vous comme ça?
- Du ruisseau Bonanza, répondent-ils.
- Du ruisseau Bonanza? répète M. Henderson.

Cela l’intrigue. Il n’a jamais entendu parler d’un ruisseau de ce nom et il a été le seul homme dans la région depuis deux ans. Il demande enfin :

- Où est le ruisseau Bonanza?
- Juste derrière les montagnes, à environ dix milles, répond l’un des hommes, en indiquant la direction du bout du doigt.
- Ah, c’est le ruisseau Rabbit.
- Les gens là-bas l’appellent le ruisseau Bonanza.
- Est-ce qu’ils ont trouvé quelque chose?
- Trouvé quelque chose? Ah ça oui, ils ont trouvé quelque chose! Ils ont le ruisseau le plus riche de tous les temps!
- Qui l’a découvert?
- George Carmack.
- Le traître!

M. Henderson laisse tomber son pic et s’assoit sur le sol, la tête dans les mains, et de très sombres pensées lui traversent l’esprit. Pour reprendre sa propre expression : « J’avais très envie d’attraper Carmack par le collet ».

Puis il demande :

- Est-ce que beaucoup de concessions ont été jalonnées là-bas?
- Oui, tout le ruisseau est jalonné d’un bout à l’autre, lui répond-on.

Les huit hommes n’ont pas l’air d’aimer le ruisseau Gold Bottom et reprennent le chemin des montagnes d’où ils étaient arrivés; M. Henderson et ses camarades continuent leur travail.

Quelques jours plus tard, à midi, deux hommes arrivent au camp par l’aval. L’un d’eux se nomme Andy Hunker, l’autre porte le nom de Johnson; ce sont des mineurs de la Colombie-Britannique.

Ils disent qu’ils cherchent Henderson, mais ils ont manqué le camp et traversé les montagnes jusqu’à un autre ruisseau, où ils ont trouvé une haute bordure de fond rocheux et récolté vingt-deux dollars cinquante d’or grossier dans leurs batées.

- Oui, répond Henderson, je suis allé là et j’ai découvert de l’or et j’ai jalonné la concession de découverte. Avez-vous vu mes jalons? J’ai baptisé le ruisseau Gold Run.

Oui, Hunker a vu les jalons et lui aussi a jalonné et veut avoir le privilège de nommer le ruisseau. En deux mots, ils ont fini par trancher la question en lançant une pièce de cinquante cents en l’air pour déterminer qui aurait le droit de nommer le ruisseau, et c’est Andy Hunker qui a gagné.

Henderson et les trois hommes continuent le travail qu’ils se sont réservé pour la saison et quand ils ont fini, ils possèdent sept cent cinquante dollars, qu’ils se divisent, selon l’entente, en quatre parts égales.

Puis, M. Henderson part pour Fortymile afin d’enregistrer ses concessions, puisque c’est là que se trouve le bureau d’enregistrement minier le plus près. En chemin, il découvre qu’un grand nombre de concessions ont été jalonnées sur le ruisseau et quand il arrive à l’embouchure du ruisseau Bear, il le remonte et jalonne la N[[superscript]]o[[/]] douze, car la loi stipule qu’un homme a droit à une concession de cinq cents pieds sur chaque ruisseau, et pour une découverte, il lui est permis d’avoir mille pieds en amont et en aval du ruisseau.

Quand il arrive à Forty Mile, il se rend au bureau d’enregistrement et réclame la découverte sur les ruisseaux Gold Bottom et Gold Run, ainsi que pour la concession N[[superscript]]o[[/]] douze sur le ruisseau Bear.

On lui apprend qu’il n’y a pas de ruisseau Gold Run. Quand il demande le nom du ruisseau dans lequel se déverse Gold Bottom, on lui répond que c’est le ruisseau Hunker; qu’un homme du nom d’Andy Hunker a enregistré la concession de découverte sur ledit ruisseau et qu’il a eu le droit de nommer le ruisseau.

M. Henderson s’attendait à ce que M. Hunker nomme le ruisseau, mais il ne s’attendait pas à ce qu’il enregistre la concession de découverte et c’est une autre grosse déception que de penser qu’après tant de temps passé fin seul dans ce pays, ses droits soient ainsi lésés. Il tente ensuite d’enregistrer sa concession de découverte sur Gold Bottom et celle qu’il a jalonnée sur le ruisseau Bear.

- La Klondike a été divisée en deux districts et vous ne pouvez enregistrer qu’une concession par district, lui répond-on.

Il tente de convaincre le greffier qu’il est le premier homme dans le pays, le premier homme à avoir découvert de l’or dans ces ruisseaux, et qu’il a jalonné ses découvertes avant que le pays soit divisé en districts; mais Hunker a déjà enregistré la concession de découverte et elle ne peut être attribuée à deux personnes. Il y a beaucoup de gens dans le pays à cette époque, et le greffier ne connaît pas Henderson; il lui fait donc encore la même réponse : « Vous ne pouvez enregistrer qu’une seule concession. »

- Très bien, alors je vais enregistrer celle que j’ai jalonnée sur Hunker, qui, selon vos registres, sera la N[[superscript]]o[[/]] trois en amont de la découverte. Je ne veux que ce qui me revient de droit et rien de plus, mais ces découvertes m’appartiennent à juste titre et je me battrai pour les obtenir, en tant que Canadien, aussi longtemps que je vivrai, répond M. Henderson.

Il retourne à Dawson dans l’intention d’exploiter sa concession cet hiver-là, mais sa jambe se remet à lui faire mal, devenant de plus en plus douloureuse jusqu’à ce que, après quelques pas, elle cède sous lui et qu’il s’effondre sur le sol. Il décide ensuite de se rendre sur la côte pour une consultation médicale, et monte à bord d’un vapeur à destination de St. Michael, mais le temps froid arrive et le vapeur ne se rend pas plus loin que Circle City. Il subit une opération à Circle et demeure sous surveillance médicale pendant la majeure partie de l’hiver. Il retourne à Dawson au printemps de 1897, mais est toujours incapable de travailler et demande au commissaire de l’or de lui accorder une prolongation de délai pour lui permettre d’effectuer ses travaux d’évaluation, mais il esssuie encore un refus, pour la raison que si on accorde une extension à l’un, il faudra l’accorder aux autres également.

Alors afin de ne pas perdre complètement sa concession, M. Henderson la vend pour trois mille dollars. Par la suite, il reçoit des redevances sur les quatre cent cinquante mille dollars d’or tiré de cette même concession et plus tard, celle-ci se vendra deux cent mille dollars.

M. Henderson tient parole et revendique son droit aux découvertes dans le Klondike. Il a un décret émis par le Ministère à Ottawa lui accordant deux mille pieds de sol placérien inoccupé qu’il pourra trouver et jusqu’à ce qu’il trouve une portion de terrain qui compensera ses pertes, il reçoit et continuera de recevoir deux cents dollars par mois de la part du gouvernement.

M. Henderson est un noble pionnier et il passe la plupart de son temps à prospecter dans les montagnes, cherchant constamment à faire une découverte, et il mérite tout le respect de ses compatriotes.

Une lettre m’a été remise par un député d’Ottawa, qui va comme suit :

« Au cas où il subsisterait un doute dans vos esprits quant à l’identité du découvreur des champs aurifères du Klondike, permettez-moi de joindre une lettre de M. Ogilvie, ancien commissaire du Yukon et pionnier dans le Yukon en 1887 et 1895-1897, qui règlera définitivement la question en dépit de l’effort d’attribuer le titre à Carmack. Notez que le supposé découvreur se rend aux États dépenser l’argent qu’il a gagné au Klondike, alors que le véritable découvreur reste dans le Nord canadien à la recherche d’autres champs aurifères chaque fois qu’il en a l’occasion. »

En plus de la lettre de M. Ogilvie, j’ai obtenu des lettres de la part de M. F.T. Congdon, Major Wood et M. J.F. Lithgow, et l’Hon. Jas. H. Ross m’a promis la sienne, et ils accordent tous le titre de découvreur à Henderson. W. W.B. McInnis et le Dr Alfred Thompson, député, ont aussi promis toute l’aide qu’ils pourront lui offrir.

Source: Mrs. William Campbell Lowden, "Le véritable découvreur de l’or du Klondike," Alaska-Yukon Magazine (31 septembre 1908): 415-21

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