Les caractéristiques de l’or du Klondike

Il y a des innovations et des perturbations au Yukon vers la fin des années 1880 puisque c’est durant cette période que se développent les techniques d’exploitation minière dans le pergélisol. Joe Ladue en avait fait l’expérience à Fort Reliance pendant l’hiver de 1882-83, et elles sont mises au point cinq ans plus tard lors de la ruée vers le district de Fortymile.

L’or qui git sous le sol de la vallée du Yukon est captif du pergélisol durant une partie ou la totalité de l’année. En surface, le sol dégel en été, libérant ainsi l’or, mais plus profondément, la terre et l’or sont gelés en permanence. Si les mineurs veulent exploiter leur concession plus de quelques mois par année, ils doivent trouver une façon de libérer du sol gelé les flocons et les petites pépites qui constituent l’or placérien. Au départ, la technique employée est appelée « extraction en surface ». Elle implique de travailler l’été sur les quelque 2 pieds (environ 1 mètre) de gravier à la surface du lit du ruisseau. Plus creux, on rencontre soit de l’eau, ce qui rend le travail impossible, soit du pergélisol, qui rend le processus trop difficile pour être rentable.

Toutefois, lorsque de l’or grossier est découvert dans le district de Fortymile, les mineurs commencent à chercher des façons d’exploiter le sol jusqu’au fond rocheux. Ils croient que, puisque l’or est lourd, il se trouve en plus grande concentration dans le gravier se trouvant juste au-dessus du fond rocheux. Ce n’est pas toujours le cas, comme allait le démontrer l’histoire des découvertes du Klondike, mais il y avait un problème encore plus grave : comment venir à bout du pergélisol?

En 1887-88, alors que William Ogilvie, de la Commission géologique du Canada, passe l’hiver près de Fortymile, il suggère aux mineurs une technique qu’il a vu être employée à Ottawa pour atteindre les conduites d’eau défectueuses en plein hiver. Des feux, raconte-t-il, doivent être allumés pour dégeler le sol qui sera ensuite pelleté, puis on allume un nouveau feu, et ainsi de suite jusqu’à ce que le fond rocheux soit atteint. Le sol dégelé pouvait être pilé à côté du puits jusqu’à ce que l’eau du ruisseau dégèle au printemps, eau nécessaire pour laver le sable aurifère. Cette suggestion est immédiatement adoptée (certains mineurs comme Joe Ladue l’avaient déjà expérimentée), et elle devient le modèle à suivre durant la première phase d’exploitation minière dans le district. Donc, la majeure partie de l’exploitation minière – le creusage – était effectuée durant l’hiver. Un avantage de cette technique était qu’elle ne requérait pas de boisage des puits de mine, qui étaient creusés tant à l’horizontale qu’à la verticale sous la terre. Le pergélisol est aussi dur que du granite et ne s’effondre pas, à moins qu’il ne soit affaibli par un feu ou un dégel hâtif.

On obtient les résultats après le dégel du printemps, alors que l’or, si or il y a, est lavé pour être séparé de la terre. À l’origine, on effectue le lavage avec une batée de métal peu profonde qui ressemble à un croisement entre un moule à tarte et une cuvette ou un wok chinois, avec un petit fond plat et des côtés en pente graduelle. On met de la terre et de l’eau dans la batée, puis, d’un mouvement circulaire, on fait tournoyer l’eau et une partie de la terre dans la batée jusqu’à ce qu’elles remontent les côtés pour finalement déborder de la batée. Étant la plus légère, l’eau déborde la première, suivie de la terre légère, du sable et enfin du gravier. Les paillettes et la poussière d’or, beaucoup plus pesantes, demeurent au fond. Après avoir répété l’opération plusieurs fois, il ne reste plus que l’or qui était contenu dans le sol. Au Yukon, les touristes sont encore aujourd’hui invités à essayer cette technique simple.

Le lavage à la batée est simple et peu coûteux, mais pas très efficace. Inévitablement, une certaine quantité d’or s’échappe avec l’eau et la terre. Cette technique prend également beaucoup de temps et on en vient à ne l’utiliser que pour effectuer les tests initiaux sur la valeur d’une batée ou dans les concessions si payantes que les pertes importent peu. Le crible, qui ressemble à une machine à laver du début du siècle et sépare l’or de la terre grâce à une agitation vigoureuse, est encore plus efficace.

La troisième méthode utilisée dans le district de Fortymile, et plus tard dans le reste du Klondike, est le sluice. Il s’agit d’une sorte d’auge en bois, mesurant habituellement de 6 à 10 pieds de long (1,8 à 3 m), dotée de petits travers en bois d’environ un demi-pouce (1,3 cm) de haut appelés « riffles », cloués à intervalle régulier au fond de la boîte. Le sluice est fixé dans une pente et on déverse de l’eau par l’extrémité la plus élevée. Lorsqu’on y pellette du sable aurifère, l’eau entraîne le sable à l’extrémité la plus basse du sluice, alors que l’or, plus pesant, coule au fond et est attrapé par les riffles. On retire régulièrement l’eau du sluice pour récupérer l’or dans les riffles. Le sluice est beaucoup plus efficace que la batée ou le crible, mais nécessite une grande quantité d’eau, qui est facile à trouver au début, mais devient moins accessible plus tard dans l’histoire du Klondike, alors que des centaines de mineurs se battent pour le courant d’un petit ruisseau.

Il existe cependant une autre méthode qui nécessite beaucoup moins de travail et qui permet d’éviter d’extraire le minerai en hiver. Il s’agit de l’exploitation hydraulique, qui est mise au point en Californie et apparaît dans la vallée du Yukon en 1890. Elle consiste à arroser les bancs et le lit des ruisseaux à l’aide de tuyaux à fort débit. Les roches, la terre et le gravier dont se compose l’agrégat meuble des ruisseaux sont facilement brisés sous la pression du jet, et la boue qui en est obtenue est dirigée vers les sluices. Le fort débit est créé par les chenaux des ruisseaux voisins que l’on oriente en pente à la manière d’une petite centrale hydroélectrique. La première installation de ce type, bâtie sur la Fortymile par Frank Buteau, George Matlock et leurs partenaires, a atteint un débit de 24 pieds et a défait le sol en énormes morceaux. Cette technique sera perfectionnée au Klondike.

Source: K.S. Coates and W.R. Morrison, Land of the Midnight Sun: A History of the Yukon (Montreal: McGill-Queen's University Press, 2005), 56-7

Retour à la page principale