Personne ne connaît son nom: Klatsassin et la guerre de Chilcotin
   
 

Sir James Douglas et les Indiens

The British Columbian, 8 juin, 1864

Nous ne pouvons guère dire être surpris par la tournure que les amis de l’ex-gouverneur veulent donner aux récentes révoltes indiennes sur la route de Bute Inlet. L’impression recherchée est que tout cela est dû au retrait d’un gouverneur, dont la familiarité et l’étendu des relations et des rapports avec les autochtones lui avaient donné beaucoup d’influence sur eux, ce qu’aucun autre gouverneur ne pourrait exercer; qu’ils l’estimaient et le considéraient comme un grand « Tyhee. » Cette idée a récemment été mise de l’avant par la Presse de la colonie voisine et par les quelques admirateurs de l’ex-gouverneur de cette colonie. L’autre jour, M. Waddington a eu le mauvais goût, en présence du gouverneur Kennedy, de répondre à une remarque au sujet du système « bread and treacle » de l’ancien gouverneur, « le système avait perdu son efficacité avec le départ du gouverneur Douglas, que les autochtones considéraient comme un Tyhee. » La réponse du gouverneur fût courte, directe, et demeurera une rebuffade à la misérable tentative de mousser « prop up » la popularité faiblissante d’un gouverneur sortant au détriment de son successeur. Nous reproduisons la réponse telle que publiée dans le Chronicle : — Son Excellence craignait que le système ait failli avant le départ de son prédécesseur. Il a constaté que des meurtres s’étaient produits quasi périodiquement avant qu’il n’arrive ici et que rien n’avait été fait. Ce n’étaient que de mauvaises politiques... « It was very bad policy to make demonstrations and nothing more. » Cette réponse du gouverneur Kennedy touche une corde sensible.
« This reply of Governor Kennedy’s strikes a key-note which we would not now have felt disposed to take up had not the indiscretion of overzealous friends rendered it necessary. » Nous étions disposés, autant que possible, à permettre à M. Douglas de quitter en paix si cela n’avait été de cette tentative de mettre les gouverneurs Seymour et Kennedy en mauvaise position face à la question des Indiens. Ceux qui ont été des lecteurs réguliers du BRITISH COLUMBIAN n’auront pas besoin qu’on leur rappelle que nous avons consacré beaucoup d’espace à exposer le piètre et dangereux état de nos relations avec les Indiens, l’absurdité de la, soit disant, politique appliquée envers eux par M. Douglas et le besoin de créer un système indien bien réfléchi, si nous voulons éviter ces problèmes et malentendus qui ont déjà coûté si cher en argent ainsi qu’en sang dans les autres colonies. Ces écrits n’ont été, évidemment, entendus de personne et on a laissé la colonie dériver impuissante vers les « breakers » qui nous sermonnent maintenant sur notre folie et sur les dangers en lettres de sang!,

Mais qu’était-ce que cette politique indienne de Douglas? Quiconque connaît bien les Indiens sera en accord avec le commentaire suivant du gouverneur Kennedy : — « La vraie manière de gérer les sauvages d’ici ou d’ailleurs c’est avec une justice stricte, de la bonne foi et la plus grande fermeté. » Où devons-nous regarder pour l’exercice de n’importe lequel de ces trois éléments essentiels dans la dernière administration? Est-ce la caricature de la justice qui a pendu trois Indiens à Victoria sans aucune règle ne pouvant porter le nom de procès? En trouve-t-on la trace dans un geste méconnu de Sir James qui s’est mis entre la justice et l’Indien « Loodeezeoosh », envoyé à la prison locale dans l’attente de son procès pour le meurtre crapuleux et gratuit de deux hommes sur l’une de nos îles du Nord-Ouest?

Nous faisons appel à votre indulgence pendant que nous expliquons ce dernier cas, dont les détails ne sont peut-être pas connus de tous. Un Indien nommé « Takak » fût amené ici, a subi son procès, a été reconnu coupable et a été exécuté le 6 janvier 1863 pour le meurtre de deux hommes blancs sur une de nos îles. On apprenait, pendant le procès, que son frère, Loodeezeoosh, était avec lui et avait participé à ce crime. Il a réussi à tromper les autorités pendant un certain temps, mais a été arrêté au mois d’avril suivant par le Capitaine Pike, R. N. commandant du H. M. Ship Devastation, et remis aux mains des autorités dans l’attente de son procès. Les preuves contre lui étaient incontestables; en fait, elles étaient précisément les mêmes qui avaient permis l’exécution de son frère trois mois plus tôt et, malgré cela, il a été relâché en juillet de la même année, suite à une demande émanant du gouverneur de l’époque!! Son Excellence a incontestablement le pouvoir, s’il avait subi son procès, avait été reconnu coupable et été condamné, de lui accorder un sursit, mais il n’avait certes pas le droit d’interférer avec la justice et de le secourir ainsi entre son renvoi au procès et son procès. La femme de Son Excellence n’oserait poser un tel geste même si son propre fils était prisonnier; c’est néanmoins ce qu’a fait Sir James. Sa justice envers les Indiens se résume en une brève phrase : pendre les innocents sans procès et prostituer illégalement son pouvoir pour sauver les coupables de la justice!

« De la bonne foi. » Où pourrions-nous trouver un exemple de cela? La meilleure réponse est racontée par les Indiens dans le classique « Chinook : » — « Hiyu closh wawa pe wake consick mamook coqua », qui, en français, se lirait – « Il parle bien, mais n’agit jamais. » Quant à sa « fermeté », nous chercherons aussi cela en vain. Le fait est que les récents meurtres, bien loin d’être le résultat du retrait de Sir James, sont les résultats naturels de sa politique, si déficiente en « justice, bonne foi et fermeté », et ne se distingue d’une série de meurtres commis sous la précédente administration qu’en nombre de victimes. C’est une erreur, selon ce qu’on peut constater jusqu’à maintenant, que d’investir le meurtre de Bute Inlet de toute l’importance d’une insurrection indienne. Il n’y a rien devant nous nous portant à croire que les Chilcotins y soient associés – il n’y a certainement aucune preuve pouvant laisser croire que d’autres tribus adhèrent à cet acte sanglant. Il s’agit simplement d’un meurtre, commis par quelques seize Indiens, sans doute motivés par le vol, mais principalement, selon ce que nous sommes portés à croire, pour se venger d’injustices réelles ou imaginaires.

Nous ne voulons pas blesser les sentiments de deuil des familles ou assombrir la mémoire du mort, mais la justice exige que nous contredisions l'allégation que le massacre de Bute Inlet n’avait pas été provoqué. Les preuves amassées par M. Brew prouvent que ce n’était pas le cas. Le paiement des Indiens employés au remblayage par l’équipe de Brewster était calculé pour accroître leur cupidité et pour provoquer leur vengeance. Tout cela ne diminue toutefois pas la nécessité de leur imposer une prompte justice, convainquant tous les Indiens qu’ils sont maintenant soumis à la loi britannique, une loi qu’ils ne peuvent transgresser sans impunité.

Source: "Sir James Douglas et les Indiens," The British Columbian, 8 juin 1864.

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