Personne ne connaît son nom: Klatsassin et la guerre de Chilcotin
   
 

L’expédition contre les meurtriers de Bute

The British Columbian, 6 août 1864

Le premier devoir d’un gouvernement civilisé est de châtier les crimes et d’assurer la sécurité de la vie et de la propriété des individus. Personne ne peut accuser le gouverneur de cette colonie d’apathie dans l’exécution de cette fonction. Au contraire, chacun se doit d’admirer la rapidité et la fermeté dont a fait preuve Son Excellence en utilisant les moyens limités à sa disposition pour arrêter les auteurs des meurtres près de Bute Inlet. Pas plus qu’un échec de quelque sorte ne pourrait porter atteinte au crédit dû à son Excellence, qui n’a pas seulement demandé sur-le-champ tous les conseils et réquisitionné tout le matériel qui semblaient justifiés dans une telle situation, mais qui s’est joint lui-même à la campagne, s’exposant à l’inconfort et au danger qui en résultent. Et tout cela, en plus, alors qu’il n’était arrivé dans le pays que depuis quelques semaines.

Mais l’admiration suscitée par le rôle que Son Excellence a joué dans des conditions des plus éprouvantes ne peut toutefois rendre une personne entièrement inconsciente du fait que les coûts de cette expédition augmentent d’une manière déplorable. La première expédition à Bute Inlet a duré dix-neuf jours et comptait 28 hommes. La deuxième, à Bentinck Arm comptait 40 hommes, qui sont embarqués le 14 juin et sont toujours dans le territoire chilcotin. La troisième, sous les ordres de M. Cox, comprenait 50 hommes et a quitté Alexandria quelque trois semaines plus tard. De sorte que, en ajoutant ceux qui ont rejoint le détachement par la suite et ceux engagés dans le département de l’intendance, il y a une armée d’environ 120 hommes et la moitié de ce nombre en bêtes sur le terrain. Ainsi, lorsque nous déclarons qu’une fois calculée par des juges compétents la dépense approche les mille dollars par jour, nos lecteurs peuvent concevoir l’ampleur de l’opération, d’un point de vue financier. Selon ces calculs, que nous ne voyons pas comme exagérés, la dépense pour la poursuite de seize ou dix-huit meurtriers autochtones doit déjà avoir atteint un montant relativement plus élevé que cinquante mille dollars! Et le fait le plus décourageant et le plus inquiétant de cette situation est que le but n’est pas encore atteint et que nous ne pouvons tenter de prévoir la fin de cette expédition coûteuse.

Dans ces circonstances pénibles, il n’est pas étrange que l’esprit se voie disposé à revenir à l’origine de cette malheureuse affaire. Lorsque nous trouvons dans toutes les tribus autochtones avec lesquelles notre gouvernement entre en contact des personnes aux disposition amicales et loyales, la question qui se pose naturellement est : — comment ces seize membres de la tribu des Chilcotin peuvent-ils être devenus des hors la loi et des fugitifs ? Aucun acte du gouvernement ou de la population de la Colombie-Britannique n’a provoqué cet état des choses. Le caractère odieux non seulement de la présente situation, mais aussi d’autres de moindre importance, au sujet desquelles l’espace ne permet pas de parler ici davantage, semblerait être le résultat de la contrebande et des spéculations sur le passage côtier auxquelles nos voisins de l’île se sont livrées le long des côtes maritimes de cette colonie au cours des cinq ou six dernières années. La relation entre ces personnes et les Indiens de la côte a été de la plus mauvaise nature et a semé les germes de problèmes futurs dans les relations avec les tribus autochtones. Les hommes impliqués dans ce commerce illicite avec les Indiens sont généralement de la pire espèce et mal intentionnés pour ce qui est de créer, dans l’esprit des Indiens, une impression favorable sur la nature philanthropique de notre gouvernement ou les avantages que peut leur procurer l’arrivée des Blancs. En fait, s’ils considèrent la classe de personnes à laquelle nous venons de faire allusion comme un juste exemple de ce que sont les Blancs – et ils n’ont pas eu beaucoup plus d’exemples sur lesquels fonder leur opinion – nous ne devons pas être étonnés de leur disposition à fermer tout accès à ce qu’ils ont été habitués de considérer leur pays à l’invasion de « l’étranger à la peau pâle » — pour ne pas l’appeler le corrupteur et le destructeur de leur race.

Le public est généralement conscient que la cause réelle de la situation actuelle est le projet absurde dans lequel M. Waddington est impliqué, ainsi que le traitement et l’impression que les Indiens qui sont entrés en contact avec ce gentilhomme et ses employés ont reçu. M. Waddington et ses amis ont tenté de tromper le public sur ce point et ont cherché à donner l’impression que les hommes employés au sentier de Bute Inlet traitaient bien les Indiens et avaient de bonnes relations avec eux. Mais malheureusement pour ces hommes une longue série de faits graves se ligue contre eux. Le simple cas des meurtres – bien qu’injustifiable – est contre eux. Tout en tenant compte de l’égoïsme et de la perfidie des Indiens, est-il logique que ces personnes aient tué des hommes qui les auraient bien traités et avec qui ils auraient entretenu de bonnes relations – dont la présence à cet endroit leur aurait en fait été bénéfique ? Et puis, la façon particulière dont certaines malheureuses victimes ont été mutilées après leur mort montre la cause secrète du problème. Ces preuves sont cependant au mieux de simples preuves circonstancielles. Mais la preuve la plus importante a été découverte sur place par le magistrat et tend à démontrer que les relations et les transactions entre les bâtisseurs de routes et les Indiens étaient de nature calculée pour provoquer une justice vengeresse des plus terribles. Cette justice s’est faite, et nous, en tant que colonie, aurons maintenant sans nul doute à nous acquitter d’une facture énorme.

Source: "L’expédition contre les meurtriers de Bute," The British Columbian, 6 août 1864.

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