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La route du Nord

Le British Columbian, 18 avril 1861

Si l’on se fie au Colonist du 8 courant, nos voisins de Victoria semblent de plus en plus alarmés à l’idée de perdre à l’un de leurs nombreux compétiteurs le négoce de la Colombie-Britannique qu’ils considèrent, avec raison, non seulement comme la cause première de leur succès présent et passé, mais aussi comme leur meilleur espoir pour l'avenir.

Il y a quelque temps, ils ont tenté avec ardeur de convaincre les villes de Hope, Yale, Douglas, et d'autres localités situées plus haut, de leur véritable politique : la recommandation de l’union des colonies, ou comme ils l’ont formulée, "l’annexion de la Colombie-Britannique à l’île de Vancouver” et la formation d'un lien direct avec Victoria, sans passer par New Westminster. Ils n’ont toutefois pas réussi à persuader les citoyens alertes des villes en question de mordre à l’hameçon, et maintenant, ils ont recours à leur vieille rengaine d' “une route du Nord” afin de garder les profanes dans l’ignorance jusqu’à ce qu’autre chose se présente.

Ils seraient, n’en doutons pas, grandement soulagés s’ils pouvaient penser à un moyen d’obtenir la précieuse poudre de Cariboo sans risquer la descente du fleuve Fraser.

Les Britanno-Colombiens de Hope, Yale, Douglas, Cayoosh, Lytton, etc. ont lu l’article du Colonist cette fois encore. La rapidité avec laquelle les propriétaires égoïstes de Victoria abandonneraient la majeure partie habitée de notre colonie est évidente, surtout s’ils pouvaient, tout en s’enrichissant à nos dépens, nous empêcher d’approvisionner nos propres mineurs en importations directes et en produits agricoles issus de nos belles terres.

Le fleuve Fraser est la grande voie naturelle vers nos mines d’or. Tant que le gouvernement n’adoptera pas une politique plus sage et plus libérale, le fleuve Columbia attirera une petite part de notre trafic. Nous n’avons toutefois rien à craindre d’une « route du Nord » . Le gouverneur, le capitaine Richards, le major Downey, ainsi que tous ceux qui s’y connaissent en la matière, n’ont pas foi en ce chemin qui va de la côte vers le nord.

Depuis six jours, que d’histoires étranges circulent sur des Indiens qui utiliseraient ce sentier secret! Il est cependant bizarre que le major Downey n’ait pu découvrir cette passe mystérieuse lors de ses recherches, bien qu’il ait exploré à fond la région où elle devait se trouver et qu’il ait employé pour ce faire de nombreux Indiens des alentours. Son rapport suffit à convaincre tous ceux qui ont l’esprit impartial que la route du Nord était un canular et qu’elle ne serait jamais d’une grande importance pour Victoria ou tout autre localité au sud du 52 degré de latitude Nord sur ce continent.

Le vieux sentier McKenzie, du bras de mer Bentinckà un point proche du fort George sur le Fraser, nous est alors désigné comme le meilleur choix pour une telle route. Admettons qu’on puisse la tracer entre ces deux endroits. Quel en serait le résultat? Victoria en tirerait-elle profit? C’est fort peu probable. Toute personne sensée dont les propres intérêts n’ont pas faussé le jugement devrait examiner avec attention une bonne carte de la côte (en premier exemple, celle du livre de M. Pemberton) et, devant celle-ci, se poser les questions suivantes : la nature ne démontre-t-elle pas que les marchandises destinées à la colonie devraient passer par New Westminster et de là, par le fleuve Fraser, être distribuées à nos districts agricoles et miniers? Étant donné que cette voie demeure ouverte toute l’année, que des villes se sont épanouies le long de son cours, que ses terres agricoles se sont partiellement peuplées et cultivées, est-ce qu’un sentier à partir du bassin de la Reine-Charlotte, de 150 milles de long à travers la chaîne de montagnes côtière et accessible seulement quatre mois par année, peut espérer rivaliser avec elle?

Même si cette route était tout ce que prônent ses partisans les plus optimistes, est-il politique ou juste de dépenser toute notre énergie et toutes nos ressources à construire un chemin pour le seul bénéfice des aventuriers alors qu’en améliorant la voie de la nature vers nos mines, nous développerions aussi nos ressources agricoles, faisant ainsi "d’une pierre deux coups"?

Néanmoins, par principe, examinons le problème sous toutes ses facettes et supposons donc l’ouverture de ce chemin ainsi qu’un trafic suffisant pour justifier son coût de construction. Victoria en tirera-t-elle avantage? Les vapeurs et les bateaux de San Francisco, d’Australie ou des îles Sandwich s’épargneraient 300 milles et les vaisseaux de la Chine et du Japon, deux fois cette distance, en utilisant le bras Bentinck au lieu de faire le détour par Victoria. Ses résidants doivent vraiment s’imaginer posséder des attraits irrésistibles pour supposer être en mesure d’attirer le commerce à 100 milles de son canal naturel et ce, des quatre points cardinaux.

Il est vraisemblable qu’il y aura dans l’avenir une route quelconque entre le bras Bentinck et l’amont du Fraser, utilisable pendant la courte période estivale pour le bénéfice de la région nord de la colonie et le nord-ouest de l'île de Vancouver. Nous croyons aussi qu’on ouvrira une grande voie entre ce lieu et Halifax, par la rivière Read et le Canada, ainsi qu’un chemin ou un canal rejoignant Nanaimo et le détroit de Barclay. Toutefois, dans tout ceci, d’où Victoria tire-t-elle la conviction que sa position est centrale et donc supérieure en tant que dépôt commercial et naval du Pacifique britannique?

Nous ne demandons à nos amis de l’autre côté du golfe qu’un traitement équitable sans favoritisme, et, nous ayant devancé, de ne pas profiter de la situation pour forcer le commerce en dehors de son canal naturel et nous obliger à faire transiter toutes nos marchandises par Victoria « que nous le voulions ou non ».

Nous endurerons cet état de choses tant que nous ne pourrons obtenir nos provisions par voie directe, ce qui ne saurait tarder.

Source: "La route du Nord," The British Columbian, 18 avril 1861.

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