Personne ne connaît son nom: Klatsassin et la guerre de Chilcotin
   
 

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Les Indiens et la loi

The North PacificTimes , 10 décembre 1864.

Les nouvelles publiées dans notre dernière édition concernant les activités suspectes des Indiens dans les environs de William Lake ont naturellement suscité beaucoup d’inquiétude, et il est du devoir du gouvernement de prendre immédiatement des mesures pour protéger la vie et les biens dans ce territoire menacé. La politique la plus sage à adopter à l’égard des tribus aborigènes a longtemps fait l’objet de doutes et d’hésitations dans tous les pays où il y a des nomades sauvages nombreux et agités. Il y a, et il y aura probablement toujours, une catégorie d’individus qui ont tellement le cœur tendre envers tout ce qui concerne les « pauvres Indiens » qu’il leur arrive fréquemment de ne pas rendre justice à leur propre race par peur d’être accusés de tyrannie ou de dureté envers les Peaux-Rouges. Pour utiliser une image simple, ces messieurs marchent tellement droit qu’ils risquent de basculer vers l’arrière.

Il est sans aucun doute du devoir d’un gouvernement sage et humain d’étendre la protection de la loi à ces êtres ignorants qui vivent sous sa juridiction, mais leur ignorance ne devrait pas être une raison pour exagérer en leur faveur des arguments qui ne seraient jamais soulevés s’il s’agissait d’hommes blancs. Des hommes d’une grande sagesse et qui possèdent une vaste expérience des us et coutumes de nos tribus indiennes ont souvent exprimé des doutes à savoir si les lois devraient être appliquées de la même façon lorsque des Indiens sont impliqués que dans le cas des hommes blancs. La première intention de toute loi est de préserver la paix et l’harmonie au sein de la collectivité ainsi que de protéger la vie et les biens. Ces lois qui fonctionnent si bien et qui obtiennent de si bons résultats parmi nous ont été élaborées pour un peuple éclairé et civilisé – un peuple qui a l’habitude de respecter les règles établies et qui comprend généralement assez bien la portée et l’intention des lois qui le régissent. Mais certaines choses ont changé graduellement avec la succession des générations et ces choses sont si évidemment reliées au stade avancé de notre civilisation qu’elles sont, pour ainsi dire, pratiquement inapplicables dans une société plus primitive.

Parmi ces choses, celles qui sont le plus en lien avec notre sujet sont l’extrême prudence de la loi et les procédures minutieusement vérifiées et nécessairement fastidieuses qui sont utilisées dans tous les cas où la vie d’un homme est concernée. Que tel soit le cas au dix-neuvième siècle est tout naturel et, chez un peuple éclairé comme les Anglais, c’est une nécessité. Mais est-ce que les influences dominantes, qui rendent l’administration de la justice dans la mère patrie une tâche relativement facile, sont les mêmes que celles que l’on trouve dans les régions sauvages de la Colombie-Britannique et parmi les races primitives qui n’ont aucune idée définie de la religion et dont l’éducation se limite à la connaissance des moyens qui sont nécessaires pour assurer la survie? Nous croyons que non. Pas plus que l’expérience de ces hommes qui les connaissent bien nous laisse croire qu’il serait sage de tenter d’infliger à ces enfants qui en sont à leur début dans la civilisation les lois qui visaient à guider une race déjà respectueuse des lois.

Nous n’avons pas l’intention de préconiser que la gouvernance des Indiens soit faite d’une manière moins juste que la nôtre; mais nous croyons que les fins de la justice seraient plus sûrement atteintes et la sécurité de la collectivité mieux assurée si nous adaptions nos lois pour qu’elles répondent aux influences et aux modes de raisonnement spécifiques qui ont cours dans les tribus indiennes. Il y a des déclarations d’humanité qui sont plus cruelles qu’une tyrannie non déguisée. Un véritable respect envers le bien commun signifie la législation la plus sage pour toute la collectivité, et non une tendance morbide et imprévoyante vers une indulgence feinte et mal avisée. La miséricorde qui épargne la vie d’un meurtrier n’en est pas. Son vrai nom est l’injustice. Mais en dépit du fait que la justice peut parvenir à ses fins et qu’une politique prenant la vie pour la vie peut être appliquée, la véritable intention de la peine capitale n’est pas atteinte tant que l’effet produit par l’exécution d’un criminel n’est pas tel qu’il puisse dissuader la répétition du crime.

Dans le système présentement en place en ce qui concerne les Indiens, nous croyons que cette terreur salutaire de la loi n’est pas suffisamment engendrée. Le lent processus de nos tribunaux, les formalités et les cérémonies solennelles utilisées et la longue période qui s’écoule habituellement entre le crime et la punition, tendent à affaiblir l’effet du point culminant. La seule justice qui, selon nous, peut inculquer le respect de la vie humaine dans l’esprit des Indiens de ce pays, devrait être immédiate. Lorsqu’un meurtre est commis et que les faits mis en lumière pointent infailliblement le coupable, un procès court et immédiat ainsi qu’une exécution rapide contiendraient mieux les propensions meurtrières des Indiens que ne le feraient une armée de volontaires ou la solennité et les formalités d’une demi-douzaine d’assises criminelles. Cela n’est pas de la cruauté et l’Indien ne recevra pas une justice de moindre valeur parce que moins cérémonieuse. Si on pouvait prouver, et nous croyons que nous le pouvons, qu’il n’a pas ce respect pour sa propre vie comme nous l’avons et qu’il est guidé par un fatalisme téméraire, il n’y a aucun doute que nous devons, pour notre propre sécurité, tenter de trouver une façon de frapper son esprit de terreur. Un homme peut être téméraire au point de commettre un meurtre, même s’il est conscient que son crime sera découvert, s’il sait que lorsqu’il sera capturé il lui restera encore quelques semaines ou mois à vivre. Mais s’il savait qu’un jour il sera arrêté, jugé le lendemain et pendu le jour suivant, il y penserait deux fois avant de sortir un couteau ou un revolver.

Le temps viendra où les Indiens seront peut-être prêts à vivre sous la même législation que nous, mais pour le moment ils ne le sont pas et nous mettons en danger notre propre sécurité et nous truquons leur avenir en leur laissant croire qu’ils peuvent lever une main meurtrière contre un homme blanc comme s’ils prenaient un scalp. La eine [peine?] rendra davantage service à l’État et coûtera moins cher qu’une expédition bisannuelle de volontaires; nous croyons également qu’elle fera plus pour amener nos voisins sauvages à la raison que ne le ferait toute autre solution que le gouvernement aurait le pouvoir de mettre en place.

Source: "L’Indien et la loi," The North Pacific Times, 10 décembre 1864.

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