Personne ne connaît son nom: Klatsassin et la guerre de Chilcotin
   
 

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Une politique relative aux Indiens

The British Columbian, 21 mai 1864

Les circonstances sembleraient pointer le moment présent comme étant un moment opportun pour examiner l’important projet qui consiste à instaurer une politique systématique pour la gestion et l’amélioration de l’état des aborigènes du pays. Nous sommes parfaitement conscients que certaines personnes parmi nous sont tout à fait disposées à ignorer les droits des Indiens ainsi que leurs revendications; ces personnes respectent la doctrine américaine de la « destinée manifeste » dans sa forme la plus pernicieuse et déclarent que les tribus autochtones mourront pour faire place à la race anglo-saxonne, et le plus vite sera le mieux; de plus, sous le couvert de cette doctrine peu chrétienne, l’appel à « l’extermination » est lancé sous tout prétexte. Cependant, les intentions et les opinions du gouvernement britannique en ce qui concerne les aborigènes sont très différentes. Les représentants de ce gouvernement ne peuvent pas, dans tous les cas, tracer fidèlement l’esprit impérial en cette matière. Un bien triste exemple s’est produit en Nouvelle-Zélande, en 1840, alors que le capitaine Hobson, avec le concours de sir George Gipps, a fabriqué un faux traité avec les autochtones et y a engagé le gouvernement impérial. Nous utilisons le terme faux parce que, bien que cela ait été fait au nom de toutes les tribus, peu d’entre elles étaient au courant de ce traité. Ce soi-disant traité était aussi injuste que frauduleux et il en est résulté une guerre de 23 années qui a coûté plus de six millions en argent et plusieurs milliers de vies britanniques et dont la fin n’est pas encore en vue.

Le dicton, « l’honnêteté est la meilleure politique », s’applique à chaque domaine de l’activité humaine. En tout temps, il en coûte moins cher et il est plus simple de traiter honorablement et même généreusement avec les aborigènes si nous ne nous attardons qu’aux livres, aux shillings et aux pence. Vous pouvez en être certains que nous devrons repayer très cher chaque acre de terrain obtenu de façon malhonnête et que tout le mal fait à ces pauvres personnes nous sera rendu aussi, car la justice est une des caractéristiques immuables de Celui qui venge le mal fait au plus faible et à l’opprimé, peu importe sa couleur ou sa classe sociale.

Le Canada et les États-Unis nous fournissent un exemple très frappant. Le gouvernement du Canada a adopté une attitude de supervision paternelle envers les Indiens, les traitant comme des mineurs, concevant et réglementant les réserves, encourageant et maintenant leurs écoles et en leur faisant sentir de maintes façons qu’ils sont des sujets britanniques et que leur « Mère toute puissante » désire vivement leur bien-être; et ainsi, les affaires indiennes de cette province ont assumé l’imposante fonction de ministère. Ce système a obtenu de bons résultats : les Indiens ne sont pas seulement pacifiques, disciplinés et bien disposés envers le gouvernement, et ce jusqu’au dernier, mais leur civilisation et leur développement se sont améliorés de façon tout à fait satisfaisante. Si nous observons les États-Unis – comme ils se sont nommés – nous remarquons un état des choses très différent. L’attitude des Américains, qui consiste à dénigrer les tribus autochtones, à ignorer leurs droits et à les repousser afin que l’intrus au visage pâle armé d’un fusil puisse continuer sa marche, a aussi donné des résultats. Combien d’argent et de sang la politique indienne des États-Unis a-t-elle coûtés au peuple (?), nous ne pouvons le confirmer à ce moment-ci; mais, c’est sûrement un chiffre énorme. Nous croyons être exacts en affirmant que pour une seule année, cela se chiffre à dix millions de dollars!

La question indienne est investie avec tout autant d’importance en Colombie-Britannique que dans les autres pays mentionnés plus haut, peu importe que nous les considérions numériquement dans l’abstrait ou en comparaison avec la population blanche. En tenant compte des ravages faits par la variole, soit le décès de plus de cinq mille individus au cours des années 1862 et 1863, on peut estimer que la population indienne de cette colonie, dont les Indiens Stikine font désormais partie, se chiffre entre cinquante-cinq et soixante mille; et bien que de nombreuses tribus aient été réduites à quelques vestiges insignifiants, il existe toutefois encore plusieurs tribus puissantes et guerrières qui, advenant une rupture avec les Blancs, constitueraient un ennemi redoutable et dangereux. Si on prend en considération nos relations présentes et passées avec les Indiens, il n’y a pas lieu de compliquer la question. Il y a un manque total de toute politique – tout ce qui mérite le nom de système. La politique du dernier gouverneur était précisément celle des compagnies de négociants avec lesquelles il a entretenu un lien presque tout au long de sa vie; et ce système peut être résumé en deux mots –fourberie et tromperie. Une politique qui s’est avérée relativement fructueuse à troquer des boutons de cuivre et des perles de verre pour des fourrures peut difficilement servir à régulariser les relations du gouvernement britannique avec ces « anciens seigneurs de la terre ». Au lieu de promouvoir la confiance et la vénération envers la nouvelle autorité, cette politique engendre le soupçon et la méfiance.

Cette colonie a été fondée au cours d’une époque de l’histoire du monde qui était plus illuminée et plus civilisée que celle-ci. Nous ne sommes pas un brin inférieurs aux fondateurs des autres colonies et nous avons l’avantage de leur expérience. Il nous incombe donc d’adopter une politique indienne qui ne soit pas inférieure au meilleur système en existence. Le gouverneur Seymour s’est vu attribuer le devoir d’instaurer ce système; nous croyons sincèrement que Son Excellence se semble pas dépourvu des qualités requises pour accomplir cette tâche importante, qui est également difficile à certains égards; et s’il réussit à créer une authentique politique britannique à l’égard des Indiens qui soit avisée pour la Colombie-Britannique, il obtiendra la reconnaissance du peuple et les remerciements de sa Souveraine.

Nous n’avons pas assez d’espace pour décrire un tel système tel que nous l’envisageons; et si nous avions l’espace requis, la tâche ne nous incomberait pas puisque nos opinions sur le sujet ont été amplement exprimées dans une série d’articles publiés l’an passé. L’expérience et les talents du gouverneur, soutenus par les renseignements et les conseils qui se trouvent à sa portée, donneront sans aucun doute à Son Excellence la capacité de créer dans cette colonie un système à l’égard des Indiens dont les rouages seront simplifiés, système qui, d’une part, pourra réconcilier, ennoblir et civiliser les aborigènes et, d’autre part, rassurer les Blancs, et ainsi placer le pays sur des fondations plus saines et plus durables. Que la rencontre, mardi, de milliers d’Indiens – la plupart d’entre eux des représentants – devienne le moment où se seront faits les premiers pas de ce magnifique travail. Les traces de cette journée seront durables, en bien ou en mal.

Source: "Une politique relative aux Indiens," The British Columbian, 21 mai 1864.

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