Aurore — Le mystère de l'enfant martyre
   
 
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[ Gare du CANADA,
PROVINCE DE QUEBEC,
DISTRICT DE QUEBEC.

Dans la COUR DU BANC DU ROI,
(Assises Criminelles).

PRESENTS:

L'Hon. Juge L. P. Pelletier, et le Jury.

Le ROI

vs

MARIE-ANNE HOUDE.

Le 14e jour d'avril mil neuf cent vingt, a comparu Marguerite Leboeuf, de St-Jean Deschaillon,âgée de 15 ans, témoin de la Couronne, lequel témoin après avoir prêté serment sur les Saints Evangiles dépose et dit:

Examinée par Mtre FITZPATRICK, C.R., de la part de la Couronne:

Q.- Vous parlerez assez fort pour que les jurés entendent; il est là, je Jury, devant vous, là-bas?

R.- Oui.

Q.- Où demeurez-vous?

R.- Saint-Jean Deschaillons.

Q.- Connaissez-vous l'accusée, madame Gagnon?

R.- Oui.

Q.- Vous la connaissez?

R.- ....

Q.- Est-ce que c'est votre parente?

R.- Oui, ça se trouve ma tante.

Q.- Etes-vous déjà allée chez elle?

R.- Oui.

Q.- Quand y êtes-vous allée?

R.- Dans la dernière semaine du mois d'août.

Q.- Du mois d'août dernier?

R.- Oui.

Q.- Pourquoi y êtes-vous allée, mademoiselle Leboeuf?

R.- C'était pour me promener, en même temps pour voir comment ça se passait.

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Q.- Etes-vous restée là bien longtemps?

R.- Une semaine.

Q.- Maintenant, vous dites que vous êtes allée vous promener et pour voir ce qui se passait. Racontez donc aux jurés ce qui s'est passé pendant que vous étiez là, dans la maison de madame Gagnon?

R.- ....la première fois, la première fois, je l'ai vue battre avec un éclat.

Q.- Est-ce que c'est longtemps après que vous êtes venue à la maison?

R.- Pas bien bien longtemps.

Q.- Combien de temps à peu près?

R.- ...Ah! je peux pas dire.

Q.- Vous dites que vous l'avez vue battre, de qui parlez-vous?

R.- Comment?

Q.- De qui parlez-vous, vous dites: Je l'ai vue battre?

R.- Ma tante.

Q.- Votre tante, c'est l'accusée, ça?

R.- Marie-Anne.

Q.- Qu'est-ce qu'elle battait comme ça?

R.- Comment?

Q.- Qu'est-ce qu'elle battait comme ça?

R.- Aurore.

Q.- C'est Aurore qui est morte?

R.- Oui.

Q.- Avec quoi la battait-elle?

R.- Avec un éclat.

Q.- Maintenant, de quelle sorte d'éclat qu'elle se servait?

R.- Elle prenait ça dans le porte-bois.

Q.- Etes-vous capable de décrire cet éclat et dire si… l'avez-vous vu l'éclat?

R.- Oui.

Q.- Dites aux jurés quelle sorte d'éclat que c'était?

R.- Voulez-vous dire la longueur?

Q.- Oui, dites-le, je ne connais pas.

R.- A peu près long de même... (Le témoin indique à peu près

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18 pouces de long).

Q.- Et puis la largeur?

R.- Ah! bien, je me rappelle pas de la largeur.

Q.- Quelle grosseur qu'elle avait?

R.- A peu près gros de même. (Le témoin indique environ deux pouces).

Q.- Rond?

R.- Oui.

Q.- Vous dites, la première fois que vous l'avez vue battre, qu'elle avait un éclat d'à peu près un pied, un pied et demi, à peu près un demi-pouce d'épaisseur, un pied de long, sur un pied et demi de longueur?

R.- Oui, dix-huit pouces.

Q.- L'avez-vous vue battre d'autres fois que celle-là?

R.- Oui.

Q.- Quand?

R.- La deuxième fois, je l'ai vue battre avec une hart.

Q,- Etait-ce longtemps après la première fois?

R.- Ah! bien, c'était durant la semaine que j'étais là.

Q.- Durant la semaine que vous étiez là?

R.- ......

Q.- Quelle sorte de hart qu'elle se servait?

R.- C'est une hart qu'elle avait pris en dehors de la maison.

Q.- Est-ce que c'est une hart que je vous montre, qui se trouve dans ce paquet-çi?

R.- Je la reconnais pas.

Q.- Maintenant, où la battait-elle comme ça avec la hart?

R.- Sur les jambes.

Q.- Comment la battait-elle?

R.- ....qu'est-ce que c'est que vous voulez dire?

Par la COUR :

Q.- De quelle manière?

Par Me FITZPATRICK, C. R., de la part de la Couronne:

Q.- De quelle manière la voyiez-vous battre, de quelle manière la battait-elle?

R.- .....

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R.- .......

Par la COUR:

Q.- Est-ce que ce sont des gros ou des petits coups?

R.- Des gros coups.

Par Me FITZPATRICK, C.R., de la part de la Couronne:

Q.- L'a-t-elle battue longtemps?

R.- Elle l'a envoyé vider le pot en-dehors de la maison, et puis tout le temps qu'elle y a été, elle la frappait.

Q.- Est-ce qu'elle portait des marques après?

R.- J'ai pas remarqué.

Q.- Maintenant, la première fois qu'elle l'a battue avec l'éclat, où l'a-t-elle battue? où la frappait-elle?

R.- Partout.

Q.- Partout, où, dites-le, je ne le sais pas?

R.- Sur les jambes, sur les doigts. La première fois qu'elle l'a battue, ma tante a dit, elle a dit qu'Aurore avait dit qu'elle se mettait les doigts sur les fesses pour se les faire casser?

Q.- Est-ce qu'elle frappait fort?

R.- Elle frappait fort.

OBJECTE à cette question comme suggestive.

Q.- Pour quelle raison l'a-t-elle battue la première fois?

R.- Je me rappelle pas.

Q.- La deuxième fois, pour quelle raison l'a-t-elle battue?

R.- Je me rappelle pas encore.

Q.- Maintenant, après ces deux fois-là, mademoiselle Leboeuf, est-ce qu'il s'est passé d'autre chose?

R.- Oui.

Q.- Quoi?

R.- Elle l'a battue encore avec un éclat pendant qu'elle lavait sa vaisselle.

Q.- Est-ce que l'enfant faisait quelque chose?

R.- Bien, elle a dit, elle a dit: Je vais te montrer comme qu'elle lave bien la vaisselle quand je la bas.

Q.- A vous qu'elle a dit ça?

R.- Oui.

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Q.- Maintenant, de quelle espèce d'éclat se servait-elle, cette fois-là?

R.- Une moyenne éclat.

Q.- Qu'est-ce que vous appelez une moyenne éclat?

R.- A peu près la longueur... (Le témoin indique environ un pied).

Q.- Et quelle épaisseur?

R.- Ca…d'épais.

Q.- A peu près un pouce?

R.- Un demi-pouce.

Q.- Un demi-pouce d'épais?

R.- .....

Q.- Maintenant, est-ce qu'elle l'a battue pendant longtemps?

R.- Tout le temps qu'elle a lavé sa vaisselle.

Q.- Comment de temps est-ce que ça a pris, ça?

R.- Je me rappelle pas, j'ai pas remarqué le temps.

Q.- A peu près toujours?

R.- Je sais pas.

Q.- Est-ce qu'elle a donné plusieurs coups?

R.- Je les ai pas comptés, je peux pas dire.

Q.- Où la frappait-elle comme ça?

R.- Sur les fesses et sur les jambes.

Q.- Est-ce qu'elle frappait sur les jambes, en avant, sur les jambes? en avant ou en arrière?

R.- Elle était par derrière elle, et puis, elle la claquait.

Q.- C'est pa-r en arrière qu'elle claquait?

R.- Oui.

Q.- Cette fois-là, vous dites que les coups ont été donnés par en arrière?

R.- Oui.

Q.- Maintenant, ça, c'est passé dans la maison que vous étiez là?

R.- Oui.

OBJECTE à cette question comme suggestive.

Q.- Maintenant, après ça, mademoiselle, après que ces faits-

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là se sont passés, est-ce que vous avez constaté d'autre chose?

R.- Oui.

Q.- Quoi?

R.- Elle l'a battue avec un rondin.

Q.- Comment longtemps après l'histoire de la vaisselle?

R.- Je me rappelle pas.

Q.- Est-ce que c'était dans la semaine, durant la semaine que vous avez passé là?

R.- Oui.

Q.- De quel rondin s'était-elle servi?

R.- A peu près deux pouces de tour.

Par la COUR:

Q.- A peu près ...

R.- Deux pouces de tour.

Q.- Comment long?

R.- Long de même... (Le témoin indique environ vingt pouces).

Par Me FITZPATRICK, C.R., de la part de la Couronne:

Q.- A propos de quoi l'a-t-elle battue dans cette circonstance-là?

R.- .....

Q.- Pour quelle raison l'a-t-elle battue?

R.- Je me rappelle pas.

Q.- Vous ne vous rappelez pas?

R.- Non.

Q.- Maintenant, l'a-t-elle battue longtemps ou peu longtemps?

R.- Bien, elle a donné trois coups, et moi, j'ai parti; je me suis en allée en arrière de la maison sur la roue où ils étendaient le linge.

Q.- Pourquoi?

R.- Parce que j'avais peur.

Q.- Où est-ce que ces coups-là ont porté?

R.- Sur les jambes.

Q.- Est-ce que l'enfant était debout ou assis?

R.- Assis.

Q.- Est-ce qu'elle a fait aucun mouvement, en recevant ces

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coups-là?

R.- Elle disait; Aie; elle se maintenait la main sur le genou. Elle criait: Aie.

Q.- Quand l'enfant criait "aie" comme ça, est-ce que sa mère répondait quelque chose, qu'est-ce qui se disait?

R.- Bien, je me rappelle pas.

Q.- Maintenant, avez-vous vu d'autre chose qui s'est passé, mademoiselle?

R.- Oui.

Q.- Quoi?

R.- Une fois, j'étais après me friser, ma tante a pris le fer à friser, elle l'a mis chauffer sur la lampe, et après, elle a pris les cheveux sur la tête d'Aurore, elle tordait; après qu'elle a eu ôté le fer, les cheveux étaient grillés.

Q.- Vous avez vu ça, vous?

R.- Oui.

Q.- Le bâton avec lequel vous l'avez vue frapper sur le genou-là, décrivez donc le genre, le rondin?

R.- Un rondin.

Q.- Voulez-vous décrire le bâton?

R.- Deux pouces de tour, à peu près vingt pouces de long; il y avait de quoi au bout.

Q.- Qu'est-ce qu'il y avait au bout?

R.- Ils gossaient cet éclat pour allumer le poêle, et ça faisait comme une boule au bout; elle la frappait surles genoux...

Q.- Continuez...quoi?

R.- Avec ce rondin-là.

Q.- Maintenant, pendant la semaine que vous avez passé dans sa maison, de l'accusée, vous avez pu voir où Aurore couchait?

R.- Bien, je l'ai pas vue couchée, mais ils m'ont dit qu'elle avait....

Q.- Non, pas ce qu'on vous a dit, ce que vous avez vu vous-même; savez-vous où elle couchait? dans quelle chambre elle couchait?

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R.- Elle couchait en haut.

Q.- Y avait-il plusieurs chambres en haut?

R.- C'était dans le grenier, dans ce temps-là, c'était pas séparé.

Q.- Etes-vous certaine qu'elle couchait en haut?

R.- Oui.

Q.- Etes-vous montée dans cet appartement, en haut?

R.- Oui.

Q.- Vous êtes montée?

R.- .....

Q.- Dites donc aux jurés ce que vous avez vu, qu'est-ce que vous avez vu en haut?

Par la COUR:

Q.- Dans la chambre d'Aurore?

R.- C'était pas une chambre, c'était un grenier. Ils couchaient tous ensemble, les petites filles et les petits garçons, pas dans le même lit, par exemple.

Par Me FITZPATRICK, C.R., de la part de la Couronne:

Q.- Avez-vous pu voir où elle couchait?

R.- .....

Q.- Savez-vous où elle couchait dans cette chambre-là, quand Aurore était dans le grenier?

r.- Elle couchait sur un petit lit.

Q.- Qu'est-ce que vous appelez un petit lit?

R.- Ah! bien...

Par la COUR:

Q.- Comment était-il fait ce petit lit-là?

R.- Elle avait sa longueur dedans.

Par Me FITZPATRICK, C.R., de la part de la Couronne:

Q.- Est-ce que c'était un lit monté?

R.- Oui.

Q.- Etait-il garni?

R.- Non, elle n'avait pas de paillasse; elle n'avait pas de paillasse ni draps ni couvertures, seulement qu'un oreiller.

Q.- Est-ce que c'est tout ce que vous avez vu, mademoiselle Lebeouf?

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R.-.....

Q.- Est-ce tout?

R.- Oui.

Transquestionnée par Me FRANCOEUR, C.R., de la part de l'accusée

Q.- Quel âge avez vous, mademoiselle?

R. Quinze ( 15 ) ans.

Q. Vous êtes la fille de M. Leboeuf de Deschaillon?

R. De M. Arthur Leboeuf.

Q. De M. Arthur Leboeuf, de Deschaillon?

R. .....

Q. V ulez vous dire à la demande de qui vous êtes allée visiter votre tante comme ça? C'est à la demande de votre père?

R. .....Eux autres m'ont invitée et j'y ai été.

Q. Qui vous a invité?

R. Mon oncle et ma tante.

Q. Votre oncle, Telesphore Gagnon, et l'accusée ici?

R. Oui.

Q. Ils vous ont invité d'aller vous promener chez eux?

R. Oui.

Q. Est-ce que ce sont eux qui vous ont invitée ou bien si ce sont eux qui on dit à vos parents de vous envoyer?

R. Pardon?

Q. Est-ce que c'est votre oncle et votre tante qui vous ont invitée directement, vous, ou bien s'ils ont dit à vos parents que vous étiez invitée à aller les voir?

R. ....

Q. Vous ne comprenez pas la question?

R. Non.

Q . Qui vous a demandée à aller chez l'accusée, est-ce que c'est l'accusée ou bien votre oncle?

R. Tous les deux.

Q. Quand vous ont-ils invitée co me ça?

PAR LA COUR: Dans quel temps?

[...]

Source: ANQ, TP999, 1960-01-3623, 1B 014 01-04-004B-01, Cour du banc du roi, assises criminelles, district de Québec, Déposition de Marguerite Leboeuf, procès de Marie-Anne Houde pour meurtre, avril 14, 1920, 9.

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