Aurore — Le mystère de l'enfant martyre
   
 

Le Devoir 14 avril 1920, p.8

UNE FEMME AUX ASSISES

LES MAUVAIS TRAITEMENTS DE LA FEMME GAGNON AURAIENT CAUSE LA MORT DE SA BELLE-FILLE, D'APRES LE TEMOIGNAGE DU DR MAROIS. — CORPS COUVERT DE PLAIES.

Québec, 14 (D. N. C.) — Hier après-midi, a commencé, aux Assises criminelles, l'audition des témoignages dans la cause de la femme Marie-Anne Houde, épouse de Télesphore Gagnon, de Sainte-Philomène de Fortierville, qui est accusée d'avoir causé la mort de l'enfant de son mari, Aurore Gagnon, par de mauvais traitements. Le procès s'annonce comme l'un des plus graves et des plus pénibles dont fassent mention les annales criminelles de Québec.

Il va donner lieu a plusieurs controverses sur la cause de la mort de la victime. La Couronne a débuté, hier après-midi, en faisant entendre le Dr Marois, médecin autopsiste qui, trois heures durant, a été interrogé par les deux parties, sur les résultats de l'autopsie et qui a déclaré catégoriquement que la fillette, qui n'avait que 13 ans, a succombé aux mauvais traitements qui lui ont été infligés.

Le Dr Lafond et le Dr Dagneault sont aussi interrogés à ce sujet par la Couronne, puis la défense fera entendre les docteurs Achille et Albert Paquet et Emile Fortier, pour combattre la théorie des médecins de la Couronne et essayer de montrer que la mort de la victime peut être due à des causes naturelles.

Dans son témoignage, le docteur Marois a affirmé que le corps dont il a fait l'autopsie était couvert de plaies.

Le Dr Marois attribue la mort à l'afaiblissement général dû aux blessures nombreuses que l'enfant a reçues. L'infection résultant de ces blessures a causé cet épuisement mortel.

L'état des blessures indiquait que la défunte n'a reçu aucun soin médical. Les blessures ne peuvent résulter que de coups portés à l'enfant avec des instruments contondants.

On a produit devant la cour plusieurs harts, un manche de hache, un manche de fourche, un fer à friser, un tisonnier et une poignée de poêle trouvés à la demeure de l'accusée, et que le docteur Marois dit avoir pu fort bien causer les blessures qui apparaissent sur le cadavre de l'enfant. On a aussi produit des cordes qui ont pu, dit le médecin, causer les blessures simétriques qui apparaissent sur les mains et sur les pieds.

Le Dr Marois ne peut dire si ces blessures étaient des brûlures.

Le témoignage de l'autopsiste a été largement disséqué par Me Francoeur, procureur de l'accusée, auquel le témoin a catégoriquement déclaré que la mort ne pouvait être attribuée à d'autres causes que celles qu'il a indiquée. Il a admis n'avoir pas fait l'examen de la moëlle épinière, et cela parce qu'elle ne lui semblait présenter rien d'anormal et que l'autopsie était ainsi suffisante pour le convaincre que la mort ne pouvait aps [pas] avoir d'autre cause.

La victime a suivi un traitement à l'Hôtel-Dieu, du 16 septembre au 17 octobre, et elle en est sortie parfaitement rétablie. Ses blessures sont donc toutes ultérieures à cette date.

Le détective Laurent Couture a raconté ensuite l'arrestation des deux Gagnon, le jour des funérailles de l'enfant. Il a déclaré qu'il est allé dans la chambre qu'on lui a dit être celle de la victime, où il a trouvé une paillasse tachetée de sang. Il y avait aussi du sang sur le plancher et sur le mur de la chambre, près de la paillasse. La jaquette que portait la victime et qui lui a été remise par une parente, madame Lemay, portait également des taches de sang.

Le détective Couture a produit les instruments énumérés précédemment, et qui lui ont été remis par les membres de la famille: l'une des harts fut trouvée dans la chambre de la morte.

Le témoin a aussi déposé devant la Cour des lettres adressées à sa famille par l'enfant, lorsqu'elle était à l'Hôtel-Dieu de Québec. On n'en connaît pas encore le contenu.

Le procès se poursuit aujourd'hui. L'affluence est considérable.

Source: Correspondant Le Devoir, "Une femme aux Assises," Le Devoir (Montréal), avril 14, 1920.

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