Aurore — Le mystère de l'enfant martyre
   
 

Les femmes devant les tribunaux

[ Traîneau, Scène d'hiver du village de Fortierville, date inconnue., Inconnu, Album-souvenir 100e anniversaire de la paroisse Sainte-Philomène de Fortierville, 1882-1982  ]Par Carolyne Blanchard

L’expérience vécue devant les tribunaux est différente pour chaque personne. Aujourd’hui les gens qui doivent faire face à la justice peuvent bénéficier de conseils d’experts pour bien se préparer à cette expérience particulière. Au début du XXe siècle par contre la situation est bien différente. Les gens qui doivent subir un procès sont beaucoup moins informés qu’aujourd’hui et tout repose entre les mains de leur avocat, lorsqu’ils en ont un. Les femmes qui vivent une telle expérience sont d’autant plus vulnérables qu’elles ne bénéficient pas des mêmes droits et privilèges que les hommes.

Au tournant du XXe siècle, les femmes du Québec ont un statut juridique inférieur à celui des hommes. Cette inégalité est inscrite dans les textes de loi. Dans l’ancienne colonie française après la conquête de 1763, les autorités britanniques appliquent leur Common Law. Mais, elles décident également de conserver la Coutume de Paris, déjà bien en place et ancrée dans les mœurs de la population. La Coutume de Paris signifie pour les femmes qui se marient la perte de leurs droits. Elles doivent demander la permission de leur mari pour signer un contrat, pour vendre des produits au marché, pour acheter, etc. En 1866, un nouveau Code civil est adopté, dont l’un des effets est de perpétuer l’état d’inégalité des femmes mariées. Hors de la sphère familiale, privée, la femme n’a pratiquement aucun droit ni pouvoir, tant au niveau juridique que politique. En fait, le statut des femmes s’apparente à celui des mineurs, des enfants.

Qu’en est-il de la justice criminelle? Au Québec comme ailleurs, les femmes commettent moins de crimes violents que les hommes; lorsqu’elles en commettent, c’est considéré comme une anomalie. Les femmes ne sont pas sensées agir comme certains hommes, elles doivent êtres douces. Dans la logique des «sphères distinctes» leur rôle est d’être les reines du foyer et les gardiennes de la morale. Lorsque les crimes des femmes sont dirigés vers les enfants (infanticides, mauvais traitements), c’est encore plus incompréhensible. Les femmes, selon les normes traditionnelles, doivent être les protectrices des enfants, elles doivent leur procurer la sécurité et le confort, non pas être leur bourreaux.

Devant les tribunaux, les jugements sont rendus selon le sexe des accusés et des plaignants. Il y a une grande différence dans l’expérience des hommes et des femmes devant la cour. Cette différence peut être, selon les cas, positive ou négative pour les femmes. Dans certains cas, les cours font preuve d’une clémence étonnante envers les criminelles violentes, jugeant peut-être que les femmes se retrouvent plus fréquemment que les hommes dans des situations vulnérables et qu’elles sont confrontées à des problèmes que les hommes n’ont pas. Dans le cas contraire, les femmes peuvent aussi être jugées plus sévèrement que les hommes, car de façon générale elles sont sujettes à des règles morales plus strictes.

Éléments de lecture :

Backhouse, Constance. Petticoats and Prejudice : Women and Law in Nineteeth-Century Canada. Toronto, Published for Osgoode Society, Women’s Press, 1991, 467 pages.

Bradbury, Bettina. «Devenir majeure. La lente conquête des droits», Cap-aux-Diamants. No 21, printemps 1990, p. 35 à 38.

Cliche, Marie-Aimée. «L’infanticide dans la région de Québec (1660-1969)», Revue d’histoire de l’Amérique française. Vol. 44, no 1, été 1990, p. 31 à 59.

Collectif Clio. L’Histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles. Montréal, Le Jour éditeur, 1992 (1982), 646 pages.

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