Aurore - Le mystère de l'enfant martyre
   
 

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CANADA
PROVINCE DE QUEBEC
DISTRICT DE QUEBEC

COUR DU BANC DU ROI

ASSISES CRIMINELLES

LE ROI

VS

TELESPHORE GAGNON, accusé de meurtre

Le vingt sixième jour d'avril mil neuf cent vingt a compariGerard Gagnon, de Ste Philomène, beau-fils de l'accusé, âgé de onze ans, lequel, après serment prêté sur les Saints Evangiles dépose et dit:

EXAMINE PAR ME FITZPATRICK C. R. DE LA PART DE LA COURONNE :

Q. Tu restais à StePhilomène l'été dernier? Restais tu à Ste Philomène l'été dernier ?

R. Oui.

Q. Telesphore Gagnon, c'est ton beau père ?

R. Oui.

Q. Qu'est-ce qu'il y avait à la maison l’été dernier ?

R. Papa et maman.

Q. Ton père et ta mère, à part ça ?

R. Aurore, moi, Georges et Marie Jeanne.

Q. Maintenant, au sujet de Aurore, est-ce qu'il s’est passé quelque chose de différent d'avec les autres ?

R. Oui.

Q. Qu'est-ce qu'il y avait, qu’est-ce qui s'est passé ?

R. Papa battait Aurore avec les manches de hache.

Q. Combien de fois l'as tu battre avec un manche de hache?

R. Une fois.

Q. Te rappeles tu quand c'est arrivé ça?

R. C'est l'été passé.

Q. A propos de quoi est-ce qu'il l'a battue ?

R. A cause qu'elle avait le couvert de la canistre sur la tête.

Q. Est-ce qu’il l'a battue, comment l'a-t-il battue, où l'a-t-

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il battue?

R. Il la battait sur les fesses par dessus sa robe.

Q. Combien de coups lui a-t-il donnée ?

R. Je les ai pas compté les coups.

Q. En a-t-il donné plusieurs ?

R. Oui.

Q. Maintenant, à part du manche de hache, de la fois du manche de hache.....Regarde donc le manche de hache qu'on te montre et veux tu dire si c'est celui là ?

R. Oui.

Q. Est-ce qu'il s'en est servi, c’est l'été dernier que t’as vu ton père s'en servir ?

R. Oui.

Q. Il ne s’en est pas servi cet hiver ?

R. Non.

Q. Tu vois que le manche de hache est coupé là ?

R. Oui.

Q. Etait-il comme ça l'été dernier ?

R. Non.

Q. Comment était-il ?

R. Il était noir, au bout...

Q. Il était noir au bout ?

R. Il avait du sang.

Q. Qu'est-ce que c'est qui l'a coupé ?

. C’est papa.

Q. Où l'a-t-il coupé comme ça ?

R. Quand il a commencé à faire sa boutique.

Q. Est-ce que c'est toi qui a remis ça au détectif Couture, ce manche de hache là ?

R. Oui.

Q. Qui a donné ça au détectif Couture ?

R. Oui.

Q. C'est toi ?

R. ....

Q. Es tu certain que c'est avec ce manchede hache là qu'il a battu Aurore ?

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R. Oui.

Q. Maintenant, à part de la fois du manche de hache, l'as tu vu battre à part de ça ?

R. Oui.

Q. Avec quoi la battait-il ?

R. Avec une hart, dans la grange.

Q. Regarde donc les deux harts quisont ici et dis nous donc si c'est avec ces harts là ou des harts semblables à ça, à celles là ?

R. C’est avec celle là, la hart noire.

Objecté à cette question comme suggestive.

( exhibit No-4 ) Où l’a-t-il battue comme ça ?

R. Sur les fesses.

Q. Qu est-ce que la petite disait, quand il la fessait, pendant ce temps là ?

R. Elle criait.

Q. Et ton père, qu'est-ce qu'il disait, lui ?

R. Il disait rien.

Q. Pendant combien de temps l'a-t-il battue ?

R. ....Une pas mal grande secousse.

Q. Est-ce qu'il la tenait, qu'est-ce qu'il faisait ?

R. Il la tenait pas, il la laissait comme ça.

Q. Comment ?

R. Il la tenait pas, il la laissait comme ça, il la battait.

Q. Maintenant, à part ça, Gérard, a part du manche de hache et de la hart, l'as tu vu battre d'autres fois que celle là ?

R. ...Oui.

Q. Quelles autres fois quetu l'as vu ?

R. Quand j'ai entré, il montait en haut avec le fouet.

Q. Il montait en haut avec le fouet ?

R. Quand j'ai entré dans la maison, Aurore était en haut et lui montait par derrière.

Q. Quand c'est arrivé ça, l'été dernier ou cet hiver, quand ?

R. C’est cet hiver.

Q. Quel fouet qu’il avait ?

R. Le fouet à boeuf.

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Q. Et puis, t'es monté, toi avec ?

R. Non.

Q. Comment sais tu s’il l'a battue ?

R. Je l'entendais crier par la grille du tuyeau.

Q. Comment ?

R. Je l'entendais crier par la grille du tuyeau.

Q. A part des cris d'Aurore, entendais-tu d'autres choses, entendais tu d'autres bruits ?

R. Oui.

Q. Quoi ?

R. J’entendais siller le fois.

Q. Tu dis que c'était un fouet à boeuf. Quelle était la longueur de la maise, comment était-il fait ?

R. Il était long comme le poteau qu'il y a là ( environ trois pieds et demi ).

Q. Le manche était il long ?

R. ....

Q. Le manche du fois, quelle était la longueur ?

R. Il était long comme ça. ( le témoin indique environ deux pieds ).

Q. Etait-ce en bois ?

R. Oui.

Q. Te rappeles tu du jour de la mort de ta petite sœur ?

R. Oui.

Q. Est-ce que c'est bien longtemps avant qu'elle meurt que cet incident là s'est passé ?

R. .....

Q. Est-ce arrivé bien longtemps, l'affaire du fouet, avant qu’elle meurt ?

R. Non.

Q. Combien de temps, à peu près, avant samort ?

R. A peu près quinze ( 15 ) jours.

Q. Dans ce temps là, Gérard, est-ce que ta petite sœur avait des marques sur le corps, était-ell malade ?

R. J’ai pas regardé.

Q. Tu n’as pas regardé ?

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R. Elle n'était pas malade.

Q. Elle n'était pas malade, dans ce temps là

R. ....

Q. Avait-elle quelque chose ?

R. Non.

Q. Elle n'avait rien à ce moment là ?

R. .....

Q. Maintenant, après que tu l'as entendu battre et siffler le fouet là, as tu vu ton père descendre ?

R. Oui.

Q. Où est-il allé et qu'est-ce qu'il a fait ?

R. Il a descendu, il a mis le fouet dans l’escalier, il s'est en allé à la boutique ensuite.

Q. A-t-il dit quelque chose ?

R. Comment ?

Q. A-t-il dit quelque chose ?

R. Non.

Q. Il n'a pas parlé ?

R. Oui, il a dit qu'elle en aurait encore le lendemain.

Q. Cette journée là, cette fois là qu’il est monté enhaut avec le fouet, pour la battre, où couchait-elle, elle, la petite fille ?

R. Elle couchait à terre.

Q. Elle couchait à terre ?

R. Dans le même coin que l'autre fois.

Q. Etait-elle couchée la fois qu'il est monté, cette fois là, pour la battre?

R. Non, c'était dans l’après midi.

Q. Avait-elle les yeux noirs avant qu'il la batte ?

R. Non.

Q. Elle n’avait rien aux yeux, dans ce temps là ?

R. Rien qu'après.

Q. Après qu’il l'a battue ?

R. Oui, quand elle a descendu d'en haut, elle avait les yeux noirs.

Q. T'es certain de ça, Gérard ?

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R. Oui.

Q. Cette journée là, la journée qu'il la battue avec le fouet..

R. Oui.

Q. Qu'elle avait les yeux noirs ?

R. Oui.

Q. Avait-elle...quand tu dis qu'elle avait les yeux noirs, dis aux jurés comment elle avait les yeux ?

R. Elle avait les yeux, elle avait rien qu'une petite plaque noire.

Q. Elle n’avait rien qu'une petite plaque noire ?

R. Dans l'oeil du coté gauche.

Q. Avait-elle quelque chose à la tête ?

R. Non.

Q. L'été dernier, est-ce que c'est la seule fois que tu l’as vu battre avec le foeut à boeuf, et puis, l'as tu vu battre avant ?

R. Non, dans l’automne...

Q. Comment ?

R. Dans l’automne.

Q. Dans l’automne aussi, qu’est-ce que t'as vu, l'automne dernier ?

Objecté, de la part de la défense.

Q. De quel automne parles-tu? Est-ce que c'est le dernier automne, est-ce que c'est l’automne dernier ou il y a un an, quoi ?

R. L’automne, cet automne.

Q. Qu’est-ce que t'as vu l'automne dernier ?

R. Il a battu Marie-Jeanne avec le même fouet.

Objecté à cette preuve, de la part de la défense.

Q. Maintenant, as tu vu battre Aurore une autre fois que cette fois là, avec le fouet ?

R. Oui.

Q. Quand ?

R. La même journée.

Q. Tu dis que t'as vu battre Aurore, là, l’automne dernier ?

R. Oui.

Q. Avec le fouet, t'es certain de ça ?

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R. Oui.

Q. Où l'a-t-il battue comme ça ?

R. Je sais pas où l'a battue.

Q. Tu dis que tu l'as vu battre. L'as tu vu battre dans la maison ou endehors, où l’a-t-il battue ?

R. Il l’a battue en haut.

Q. L'été dernier, l'a-t-il battue ?

R. Oui.

Q. Avec quoi l'as tu vu battre l’été dernier, l'été dernier ?

R. Avec le fouet rouge.

Q. Avec le fouet rouge ?

R. ....

Q. Regarde ce fouet là et dis moi si c'est avec celui là qu'il l'a battue ?

R. Oui, ( exhibit P 2 ).

Q. Où l'a-t-il battue comme ça ?

R. Sur les fesses.

Q.Etait-ce dans la maison ou dehors ?

R. Dehors.

Q. Ton père travaillait, pendant la journée ?

R. Oui.

Q. A quelle heure partait-il le matin ?

R. Vers huit heures, huit heures et demie.

Q. Et à quelle heure revenait-il le soir ?

R. Le soir, il arrivait, des fois, vers sept heures et demie.

Q. Maintenant, l'hiver, revenait-il aussi tard que ça ?

R. Comment ?

R.L'hiver, revenait-il aussi tard que ça ?

R. L'hiver.….

Q.Ou venait-il plus à bonne heure ?

R. L’été, il trava llait pas dans ce bois là.

Q. Quand il faisait mauvais, quand il faisait mauvais, est-ce que, des fois, il passait la journée à la maison ?

R. Non, il s'en allait dans la boutique.

Q. Est-ce que la boutique était près de la maison ?

R. Un peu.

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Q. Comment ?

R. Un peu.

Q. Est-ce qu'il revenait diner à la maison ?

R. Oui.

Q. Alors,si je comprends bien, il couchait à la maison presque tous les soirs?

R. Oui

PAR LA COUR: Cette boutique là est sur le même emplacement que la maison, c’est à coté de la maison ?

R. A coté.

Q. A coté de la maison ?

R. .....

PAR ME FITZPATRICK C. R. DE LA PART DE LA COURONNE :

Q.Maintenant, pendant les journées que ton père travaillait à la boutique ou bien qu’il s'absentait pendant la journée, au sujet du ménage, et revenait à la maison le soir, qu'est-ce qui se passait à la maison, pendant son absence ?

R. Maman la brulait, elle la battait.

Q. Avec quoi la battait-elle ?

R. Avec le tisonnier et des éclats, des harts.

Q. Maintenant, tu dis qu'il la battait. Est-ce que, après l'avoir brulée, avait-elle des marques ou quelque chose qui paraissait ?

R. Oui.

Q. Quelle marque qu'elle avait, comme ça ?

R. Des brulures.

Q. Et à part des brulures, avait-elle d'autres marques, des fois; les autres coups faisaient-ils de bobos ?

R.Oui.

Q. Maintenant, était-ce facile de voir ces bobos là ?

R. Comment ?

Q. C'était facile de voir ces bobos là ?

R. Non.

Q. Les voyais tu les bobos qu'il y avait sur Aurore ?

R. Ils étaient sur le corps.

Q. Sur les jambes, les voyais-tu, toi ?

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R. Oui.

Q. En avait-elle sur les mains ?

R. Oui.

Q. Pouvais-tu les voir ?

R. Oui.

Q. Maintenant, est-ce qu'elle avait quelque chose sur la tête ?

R. Oui.

Q. Qu'est-ce qu'elle avait ?

R. Une grosse bosse molle.

Q. Est-ce qu'elle se promenait dans la maison avec cette grosse bosse là ?

R. Comment ?

Q. Est-ce qu'elle se promenait dans la maison, pendant qu'elle avait cette bosse là sur la tête ?

R. Elle travaillait pareille.

Q. Maintenant, quand ton père la battait comme ça, avec le fouet à boeuf, comme tu dis, as-tu jamais regardé s'il y avait des marques après ?

R. Non.

Q. T'as pas vu ça ?

R. ....

Q. Quand il la battait avec les harts ou le manche de hache, as tu jamais regardé s'il y avait des marques après ?

R. Non.

Q. Tu viens de nous dire que ta mère la battait des fois, qu'elle battait ta petite soeur; L’a-t-elle jamais dit à ton père qu'elle battait Aurore ?

R. Elle l'a dit rien qu'une fois, à table.

Q. Elle l’a dit rien qu une fois à table. Qu’est-ce qu’elle a dit ?

R. Elle a dit: Aujourd'hui, je lui ai donné une bonne volée, « à cause qu'elle a pas voulu écouter ».

Q. A-t-elle dit qu'elle lui avait donné rien qu'une volée ou bien si elle s’est servi d'autres expressions que ça ?

R. Rien qu'une volée.

Q. Un samedi, a-t-elle parlé à propos de ça ?

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R. Comment ?

R. Un samedi, a-t-elle parlé à propos de ça, un samedi, a-t-elle parlé, un samedi?

R. Un samedi, oui.

Q. Cette fois là, qu'est-ce qu'elle a dit ?

R. Elle a dit: « Aujourd'hui, je lui ai donné deux ( 2 ) volées, aujourd'hui ».

Q. Qu’est-ce que ton père a dit là-dessus?

R. Il n'a pas parlé, il était faché.

Q. Qu'est-ce qu'il a dit ton père, là-dessus ?

R. Il a rien dit.

TRANSQUESTIONNE PAR ME FRANCOEUR C. R. DE LA PART DE L'ACCUSE :

Q. Cet hiver, tu travaillais avec ton père ?

R. Oui.

Q. Tu es allé dans le bois, avec lui ?

R. Oui.

Q. Tous les jours ?

R. Non.

Q. De temps en temps ?

R. Oui.

Q. Tu as dit que ton père avait battu Aurore dans la grange, une fois ?

R. Oui.

Q. Pourquoi l'a-t-il battue cette fois là ?

R. A cause qu'elle avait été nu-pieds à la grange.

Q. Et puis, il ne voulait pas qu'elle aille nu-pieds à la grange

R. Non, c'est maman qui l'a envoyée.

Q. C'est ta mère qui l'envoyait nu-pieds et ton père voulait pas ça, lui ?

R. Non.

Q. Est-ce que ton père savait que c'était ta mère qui l'envoyait nu-pieds à la grange ?

R. Non.

Q. Et on père voulait lui faire comprendre qu'elle ne devait pas aller à la grange nu-pieds ?

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R. Oui.

Q. Chaque fois que ton père a battu Aurore comme ça, est-ce qu'il la battait pour rien ou bien s'il pensait qu'elle le méritait ?

R. Il pensait qu’elle le méritait.

Q. Est-ce que c'était sa mère qui lui disait comment était Aurore?

R. Oui.

Q. Ta mère disait qu'elle était malcommode, n’est-ce pas ?

R. Oui.

Q. Qu'elle était voleuse ?

R. Oui. Elle disait qu'elle avait volé du " candy " dans la commode.

Q. Comment ?

R. Dans la commode.

Q. C'était pas vrai, ça ?

R. Non.

Q. Est-ce que ta mère disait qu'elle était mal propre aussi ?

R. oui.

Q. L'était-elle, malpropre ?

R. Non.

Q. Est-ce qu'elle faisait par terre?

R. Oui.

Q. Pourquoi faisait-elle par terre ?

R. Parce maman voulait pas lui donner le pot.

Q. Mais est-ce que ta mère disait à ton père qu'elle faisait par terre comme ça parce qu'elle ne lui donnait pas le pot ?

R. Elle a dit: « Aujourd'hui, elle a fait par terre, je lui ai donné encore une volée, aujourd'hui ».

Q. Qu'est-ce que le père a dit ?

R. Il a rien dit.

Q. Savait-il que ta mère lui refusait le pot comme ça ?

R. Non.

Q. Il le savait pas ?

R. …..

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Q. As tu eu connaissance que ta mère ait mis des salopris dans les habits de ton père ?

R. Non.

Q. T’en n'aspas eu connaissance ?

R. J'ai eu connaissance rien qu'une fois.

Q. Tu en as eu connaissance une fois ?

R...Elle voulait pas qu'on monte en haut rien que pour ça et en montant par derrière, une fois, elle m'a donné une claque dans la face.

Q. Ta mère, ça ?

R. Oui.

Q. Tu es monté après ta mère, en haut, pour voir si c'était elle qui faisait ça ?

R. Oui.

Q. Tu l'as vu faire, ta mère ?

R. Oui, j'ai été, par une fente de la porte.

Q.Par une fente de la porte, tu l'as vu faire ?

R. Oui.

Q. Elle prenait des salopris, qu'est-ce que c'étaient ces salopris là ?

R. De la marde.

Q. Et tu as vu ta mère faire ça, en prendre et en mettre dans les habits de ton père ?

R. Elle en mettait dans son chapeau.

Q. Elle en mettait dans le chapeau d'Aurore ?

R. Elle vidait ça dans les habts à papa.

Q. Et ensuite, elle prenait le chapeau et elle le vidait dans les habits de ton père ?

R. Oui.

Q. Quels habits de tonpapa ?

R. Ses habits de dimanche, de printemps, son capot de printemps.

Q. Ton père s'est-il aperçu de ça ensuite ?

R. Oui.

Q. Mais ta mère, qu'est-ce qu’elle disait, elle ?

R. Elle a dit : « Vas voir qu'est-ce ta belle a fait en

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haut, là ».

Q. Et puis ton père est monté ?

R. Non, il a resté sur sa chaise. Il a sacré. Il a pris le fouet, il a battu Aurore.

Q. Est-ce que ta mère a mentionné à ton père ce qu’Aurore avait fait ?

R. Non, elle l'a envoyé chercher par Aurore.

Q. Et Aurore a apporté ça et elle a montré ça à ton père ?

R. Oui.

Q. Et c'est après ça que ton père l'a battue ?

R. Oui.

Q. A-t-elle jamais dit à ton père que c'était ta mère qui avait fait ça ?

R. Elle voulait pas qu'elle le dise.

Q. A chaque fois que ton père a battu Aurore, c’était sur des rapports de ta mère comme ça ?

R. Oui.

Q. Et tout ce que ta mère disait, au sujet d'Aurore, c'était faux ?

R. Oui.

Q. C'était pour la faire battre, ça ?

R. Oui.

Q. Ton père ne l'aurait pas battue si ta mère n'avait pas dit ces choses là ?

R. Non, il l'aurait jamais battue.

Q. Il était bon pour toi, ton père ?

R. Oui.

PAR LA COUR: Quand votre mère faisait des rapports comme ça à votre père, votre père questionnait-il Aurore pour savoir si c'était vrai ou si ce n'était pas vrai ou s'il prenait une hart de suite et s'il la battait ?

R. Comment ?

Q. Quand votre mère rapportait des faits comme l'histoire des habits, par exemple, est-ce que votre père questionnait Aurore ? Est-ce qu'il demandait si c'était vrai et pourquoi elle avait fait ça, avant de la battre ?

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R. Non.

Q. Il la battait de suite ?

R. Oui.

PAR ME FRANCOEUR C. R. DE LA PART DE L'ACCUSE:

Q. Est-ce que ta mère ne faisait pas dire à Aurore, devant ton père, que c'était elle qui avait fait ça ?

R. Oui.

Q. Quand ta mère voulait faire battre Aurore, parce qu'elle aurait mis quelque chose dans les habits de ton père, elle disait: « C’est vrai, c’est toi qui a fait ça ?

R. Oui.

Q. Aurore disait: Oui, elle ?

R. Quand elle disait non, mamanla tappochait par la tête.

Q. Quand elle disait non, ta mère la tappochait par la tête, est-ce qu’elle venait par dire oui ?

R. Elle disait: oui, oui.

Q. Et c’est après ça que ton père la battait, quand Aurore avait admis que c'était vrai ?

R. Oui.

Q. Est-ce que ta mère a jamais dit à ton père pourquoi Aurore avait des bobos ?

R. Non.

Q.Comment ?

R. Non.

Q. Est-ce qu’elle n'a pas dit qu’elle avait deshumeurs ?

R. Non.

Q. Qu'elle avait la tuberculose ?

R. Oui, elle a dit ça au médecin.

Q. Elle a dit ça au médecin ?

R. Oui, au docteur Lafond.

Q. Tu dis que quand ton père l'a battue, cet hiver, qu'elle avait les yeux noirs, après qu'il l'a battue ?

R. Oui, quand elle a descendu d'en haut, elle sa trainait un peu, papa lui a fait mettre de l'onguent.

Q. Ton pere lui a fait mettre de l’onguent sur son œil ?

R. Oui, et partout.

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Q. Etait-ce cet hiver ça ?

R. Oui, quand il l'a battue.

Q. Quand il l'a battue ?

R. ....

Q. Qui a mis ça cet onguent ?

R. Marie-Jeanne.

Q. C'est cet hiver ça ?

R. Oui.

Q. Te rappeles tu qu’Aurore s’est fait mal a l'oeil, après les Rois, quand ton oncle Anthyme est mort ?

R. Non.

Q. Tu ne te rappeles pas de ça ?

R. n.....

Q. Tu ne te rappelles pas, un soir, pendant que ton père et ta mère étaient allés veiller le corps de ton oncle Anthyme, que Marie-Jeanne est tombée sur le paneau du poele, Aurore, dis-je ?

R. Quand elle est tombée sur le paneau du poele c'est l'oeil du coté droit, parce que c’était Marie-Jeanne qui l'avait poussée.

Q. Et l'oeil lui a enflé là ?

R. Oui, le lendemain qu’il lui a enflé.

Q. C'est Marie Jeanne qui l'avait poussée ?

R. Oui, elle s'en allait chercher la bombée d'eau bouillante pour laver la vaisselle, à cause qu'elle marchait pas assez vite, Marie Jeanne l'a poussée.

Q. Elles se chicanaient souvent, Marie-Jeanne et elle ?

R. Oui.

Q. Cette fois là, c’est Marie-Jeanne qui l'avait poussée ?

R. Oui.

Q. Quand ton père l'a battue, là, dans le mois de janvier, là, est-ce qu'elle était tombée sur le poele comme ça ?

R. Non.

Q. C’est avant qu'elle tombe comme ça que ton père l’a battue ?

R. Oui.

Q. Et ton oncle Anthyme est mort vers les Rois ?

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R. Oui.

Q. Et c'est ap ès ça qu'Aurore est tombée ?

R. Oui, maman lui a donné une volée par dessus.

Q. Ta mère lui a donné une volée par dessus ?

R. Oui.

Q. Quand ça que ta mère lui a donné une volée par dessus, comme ça ??

R. C'est quand elle se tenait près du poele, quand elle a arrivé, le soir, elle a pris une hart qu'il y avait en arriere de l'amoire. Elle en a donné des coups sur la tête, elle a dit: Je vas t'en donner encore pardessus, ça fait qu'elle va « renfler ».

Q. Ton père était-il là, lui ?

R. Non, il était allé dételer le cheval.

Q. Ta mère a-t-elle dit à ton père pourquoi Aurore avait une bosse molle sur la tête ?

R. Non, papa le savait pas.

Q. Quand ton père a battu Aurore vec le manche de Hache comme du dis, il l’a battue par dessus sa robe ?

R. Oui.

Q. Sur les fesses ?

R. Oui.

Q. Ce manche de hache là dont il s’est servi était le même que pour attiser le feu ?

R. Oui, dans la boutique.

Q. Le feu dans la boutique, à la forge ?

R. Oui.

Q. Il s’en est servi après qu'il a battu Aurore, avant ?

R. Avant.

Q. Ce qu'il y avait au bout, c'était pas du sang, c'était brulé noir ?

R.Et des taches de sang.

Q. Des tâches de sang. D'où est-ce ue ça venait ces taches là

R. ça venait d'après Auore.

Q. ça venait d'après Aurore, mais c'est l'été dernier ça ?

R. Quand il l'a battue.

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Q. Tu dis qu'il l'a battue par dessus sa robe ?

R. Oui, sa robe était beurrée de sang.

Q. Avant qu'il la batte ?

R. Oui.

Q. Mais dans ton témoignage, en bas, en Cour de Police, tu te rappeles ?

R. ....

Q. Je t'ai demandé, à la page trente six ( 36 ) Q. As tu vu « du sang, des fois, sur ta petite sœur »

R. Oui.

« R. Non, pas quand papa l'a battue avec le manche de hache.

« Q. Quand?

« R. Les autres fois, quand papa et maman la battaient, avec la hart.

« Q. Pourquoi est-ce qu'il l'a battait comme ça ?

« R. A cause qu'e le le méritait, quand elle le méritait, il la battait.

« Q. A part de la hart et du manche de hache, as tu vu ton père la battre avec d'autre chose ?

« R. Non.

« .Q. As tu vu des bobos sur ta petite sœur ?

« R. Oui.

« Q. Etait-ce avant qu'elle ait été battue qu'elle a eu des bobos ?

« R. Elle en a eu bien avant ça ».

Q. Dans ton premier témoignage, au sujet du fouet, je t'ai demandé, ici, à la page quarante et une ( 41 ) « Q. Avez vous un fouet à mise, chez vous ? R. On en avait un, on l'a perdu

« Q. Quand l'avez vous perdu, ce fouet là ? R. Dans le temps des foins. »

Q. Est-ce le fouet à boeuf, ça ?

R. Oui.

Q. Vous l'avez perdu l'été dernier, dans le temps des foins ?

R. Oui.

PAR LA COUR : Dans le mois de janvier, avec quel fouet l'a-t-il battue, quand il a battu Aurore ?

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R. Avec le fouet à mise.

Q. Avec le fouet à mise ?

R. Et le fouet rouge.

ME FRANCOEUR C. R. DE LA PART DE L'ACCUSE :

Q. Mais le fouet à mise, tu dis qu'il a été perdu dans le temps des foins, vous ne l'aviez pas cet hiver ?

R. Non, c'était l'autre, on avait encore un fouet.

Q. Il y en avait un autre ?

R. ....

Q. Quand il la battait, ton père, avec le fouet rouge, est-ce que c'était par dessus sa robe aussi ?

R. Par en dessous.

Q. Sur les fesses ?

R. Oui.

Q. Et c'est cette fois là que ta mère avait mis des salopris dans les habits de ton père ?

R. Non, c'est l’autre fois.

Q. Pourquoi, cette fois là, l'avait-il battue ?

R. Parce qu'elle l'avait pas mérité, c'est Marie-Jeanne qui...maman lui avait dit d'aller dire des affaires qui n'étaient pas vraies, pour faire battre Aurore, à cause qu'elle voulait essuyer, tordre du butin.

Q. Ta mère avait dit des choses qui n'étaient pas vraies, tu dis

R. A Marie Jeanne et Marie-Jeanne a dit ça à papa.

Q. Et cette fois là, il l'avait battue, parce que ta mère avait dit des choses à Marie Jeanne qui n'étaient pas vraies ?

R. Oui.

Q. Et Marie Jeanne était allée dire ça à ton père ?

R. Oui.

Q. L'accusé, là, ici, c'est pas tonpère, toi, c'est pas ton père propre ?

R.Non.

Q. Mais l’autre, c'est ta mère propre ?

R. Oui………

Q. Il a toujours été bon pour toi, ton père ?

R. oui.

- 19 -

Q. As tu jamais dit à ton père que ce que ta mèrexfesait, au sujet d’Aurore et disait, que c'était pas vrai, ça ?

R. Non.

Q. Pourquoi ne luias tu pas dit ?

R. Parce que maman a dit si on lui disait qu'elle était pour nous en faire pareille.

Q. Qu’elle était pour vous en faire autant ?

R. ….

Q. Et c'est pour ça que tu ne l'as pas dit ?

R. Oui.

Q. Parce que ta mère ne voulait pas que ton père le sache ?

R. Oui.

Et le déposant ne dit rien de plus.

[signature]MJ Tremblay
Sténographe

Je, soussigné, sténographe assermenté, certifie que ce qui précède est la reproduction fidèle de mes notes sténographiques- le tout conformément à la loi,

Et j'ai signé

[signature] MJ Tremblay
Sténographe officiel

( A 3.50 p.m., la Cour est suspendu pour 10 minutes ).

Source: ANQ, TP 9, S1, SS1, SSS999, 1960-01-357\69, 3B 023 03-05-002A-01, Cour du banc du roi, assises criminelles, district de Québec, Déposition de Gérard Gagnon, procès de Télesphore Gagnon pour meurtre, avril 26, 1920, 19.

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